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3. 3 Les contenus de la formation

4. Le temps de l’accompagnement

4.1 Éléments de méthode

4.2.1 Le développement de capacités collectives

Avant de livrer les constats que nous dégageons de la lecture analytique de nos transcriptions, revenons sur ce qui s’est passé au niveau du groupe, qui a influencé le choix des modalités de travail. Initialement, il était prévu de conduire des enquêtes collaboratives dans une configuration collective. Cependant, une fois que les séquences vidéo ont été réalisées auprès des enseignantes qui se sont portées volontaires, certaines ont émis des réserves. En effet, elles n’étaient pas prêtes à ce que toutes les membres de l’équipe voient le film les montrant dans leur activité avec les élèves, exprimant leur crainte de se voir jugées par des personnes avec lesquelles elles ne se sentaient pas suffisamment en confiance. Dès lors, dans le respect du protocole garantissant la sécurité des membres, il a fallu aménager des modalités favorables à une expression la plus libre possible. Les enquêtes ont donc été menées dans deux sous-groupes, constitués en fonction des collaborations déjà existantes. Les enseignantes titulaires des classes des deux premiers degrés du cycle (1P et 2P) ainsi que les deux enseignantes en charge du soutien pédagogique (ECSP) ont formé un premier groupe, qui comprend six participantes4. Dans ce premier groupe, quatre personnes ont été filmées au préalable. Le deuxième groupe a réuni les trois enseignantes travaillant avec les élèves de 3P et 4P. Parmi elles, deux ont accepté d’être filmées. Comme nous l’avons précisé auparavant, le matériau que nous privilégions pour notre analyse provient de ce qui a été mené avec le premier groupe uniquement. Cependant, l’analyse des représentations des enseignantes sur l’objet de la formation (chapitre 4.2.3) s’intéressera aux contenus sémantiques issus des deux sous-groupes.

L’exercice de catégorisation auquel nous nous sommes livrée sur les propos survenus lors des enquêtes aboutit à un inventaire des différents types d’interactions, que nous listons dans le tableau ci-dessous, en les illustrant chacun d’un ou deux exemples tirés des transcriptions.

Catégories Exemples

Évaluer l’activité E3 : « je trouve que c’est une situation intéressante parce qu’il y a des interactions entre les élèves / et puis j’ai trouvé qu’il y avait une bonne écoute » (Annexe 2, 26:30).

E5 : « moi je trouve que c’est très pertinent, l’enfant est dans une situation métacognitive (…) je trouve que c’est une situation hyper riche » (Annexe 2, 39:48).

Relater l’expérience (hors séquences filmées)

E6 : « je crée des situations où ils sont soit face à face à deux et ils sont obligés de parler et pis en petit groupe ou sans moi mais au moins ils parlent » (Annexe 3, 34:54).

Interpréter les intentions

d’autrui E3 : « j’ai eu l’impression que c’était une séance de vérification pour toi » (Annexe 2, 22:04).

Catégories Exemples Comparer sa propre activité

à l’activité d’autrui

E5 : « je suis forcément obligée de comparer avec ce que j’ai fait » (Annexe 2, 18:04).

E5 :« j’aurais dû faire comme elle » (Annexe 3, 20:14).

Décrire l’activité visionnée E1 : « moi je vois quatre enfants (…) ils tiraient une image » (Annexe 2, 38:03).

E5 : « elle a pas parlé du tout / elle parle juste à la fin / à la fin elle a répété une phrase » (Annexe 3, 12:20).

Se projeter dans l’activité de l’autre

E5 :« moi je serais intervenue plus auprès de J pour l’aider à reformuler » (Annexe 2, 22:38).

Se questionner sur sa

propre activité E1 : « moi ma question c’est est-ce que je fais bien, est-ce que c’est adéquat, est-ce que j’aurais dû intervenir plus, moins » (Annexe 2, 03:56).

Questionner une collègue ou le groupe

E3 : « mais toi tu fais comment ? » (Annexe 3, 15:08).

E5 : « la reformulation il ou pas reformuler, faire répéter / faut-il ou pas corriger l’enfant / c’est pas ça ta question ? » (Annexe 3,

E1 : « moi je pense qu’il ne faut pas trop intervenir dans un travail de groupe » (Annexe 2, 25:00).

S’étonner E3« moi je me rends même pas compte / je suis dans le truc avec un groupe d’élèves / c’est en visualisant avec vous que je me rends compte le temps que ça prend c’est insupportable » (Annexe 3, 13:00).

E5 : « j’étais très surprise de l’entendre parler » (Annexe 3, 17:01).

Argumenter E3 : « je te dis pourquoi je pense que c’est pertinent (…) j’ai l’impression qu’elle apprend beaucoup en répétant » (Annexe 3, 14:25).

S’auto-critiquer E5 : « je me critique vraiment (…) pour moi cet outil m’a pas forcément aidée à être épanouie » (Annexe 3, 18:25).

Exprimer un ressenti E5 : « moi je ne me sens pas prête à faire ça » (Annexe 3, 30:16).

Prendre de conscience E1 : « ce que je viens de voir moi je trouve ça super important / beaucoup plus que de donner une fiche ou remettre des images dans l’ordre / et ça je l’ai fait qu’avec trois (élèves) » (Annexe 3, 32:49).

Les transcriptions de la séance de travail montrent que la répartition entre ces différentes catégories est inégale et que celles qui apparaissent le plus souvent sont les suivantes (listées dans l’ordre d’importance, la première étant la plus fréquente) :

• évaluer l’activité ;

• relater des faits externes aux séquences filmées ;

• interpréter les intentions d’autrui ;

• comparer l’activité d’autrui à sa propre activité.

Un constat complémentaire à notre catégorisation nous semble représentatif du développement du collectif professionnel. Le premier sous-groupe met en présence des enseignantes titulaires de classe et des enseignantes complémentaires de soutien pédagogique (ECSP). Les échanges entre les participantes démontrent qu’à plusieurs reprises, la complémentarité des apports des différentes fonctions était au centre des préoccupations.

Ont été relevées notamment les conditions de travail des unes et des autres (travail avec l’ensemble des élèves ou travail avec un petit groupe d’élèves dans un local différent). Mais ce qui nous apparaît comme le plus significatif, c’est l’occasion qu’elles ont saisie pour penser l’articulation des actions des unes et des autres auprès des élèves qu’elles estiment en difficulté.

Par exemple, une des ECSP interpelle une collègue titulaire pour lui demander de partager ses impressions sur une des élèves filmées et elle lui demande explicitement de donner son avis sur l’activité qui a été filmée, l’engageant à dire ce qu’elle fait de son côté :

E3 : « J’ai bien envie d’entendre E4 en particulier parce qu moi j’ai l’impression que c’est pertinent / j’ai l’impression qu’elle apprend beaucoup en répétant »

E4 : « C’est vrai que c’est énorme / comme pas en avant par rapport au tout début de l’année / on s’en rend pas compte / elle était tellement loin de ça »

E3 : « Mais toi tu fais comment / la question / tu trouves que c’est pertinent de faire comme ça ou pas ? »

E4 : « Ben je lui fais aussi répéter » E3 : « Tu fais pareil ? »

E4 : « Je suis obligée quoi parce qu’elle peut pas / elle a pas les mots pour répondre / elle est pas au stade où elle peut vraiment parler d’elle-même » (Annexe 3, 15:01 – 15:16).

Finalement, le bilan qui a été effectué en fin de formation nous livre des témoignages intéressants sur la question du collectif. En effet, plusieurs enseignantes évoquent le regret d’avoir dû travailler en sous-groupes, manquant alors l’accès aux films de certaines collègues d’une part, et la possibilité de s’enrichir des apports des autres d’autre part.

E6 : « je regrette de n’avoir pas pu partager plus avec mes collègues / et puis vous (s’adresse aux enseignantes de l’autre groupe) / on n’a rien vu du tout » (Annexe 4, 01:03:17).

E5 : « je trouve aussi dommage qu’on n’ait pas pu échanger avec la division moyenne si je peux me permettre de dire ça comme ça / parce qu’elles ont aussi une autre manière de voir les choses / elles ont une vision de l’ensemble qui peut / je parle de moi / m’apporter énormément vu que j’ai les petits degrés et que c’est ma première année en division élémentaire » (Annexe 4, 01:06:50).