• Aucun résultat trouvé

En 1994, le dernier réacteur UNGG français est mis à l’arrêt. Dès lors, plusieurs options de démantèlement peuvent être envisagées. L’Agence de Sûreté Nucléaire (ASN) définit le démantèle-ment comme « toutes les activités techniques ou administratives réalisées après l’arrêt d’une installa-tion afin d’atteindre un état prédéfini ». Il faut le distinguer de la déconstrucinstalla-tion qui consiste à démon-ter et évacuer les gros équipements ; éliminer la radioactivité dans tous les locaux de l’installation ; démolir les bâtiments après avoir procédé à leur assainissement ; et éventuellement reconvertir une partie ou toute l’installation.

L’AIEA décrit dans un rapport de 2009 [AIEA 2009] trois stratégies de démantèlement des installations nucléaires après leur arrêt définitif :

- Le démantèlement différé : Les parties conventionnelles peuvent être démantelées dès l’arrêt de l’installation. Ce n’est pas le cas des parties actives qui doivent être maintenues dans un état sûr pen-dant une certaine période (de plusieurs dizaines d’années) le temps que les opérations de démantèle-ment soient engagées.

- Le confinement sûr : Les parties conventionnelles peuvent être démantelées dès l’arrêt de l’installation. Les substances radioactives sont placées dans une structure de confinement renforcée le temps que le niveau de radioactivité soit suffisamment faible pour pouvoir engager une libération du site.

- Le démantèlement immédiat : Les opérations de démantèlement de l’ensemble des installations sont entreprises sans période d’attente.

Bien que pour chacune de ces stratégies, les opérations de démantèlement soient longues et complexes, plus la période séparant l’arrêt de l’installation du démantèlement est courte et plus les opérations vont s’avérer difficiles du point de vue de la sûreté des intervenants sur le site en décons-truction, mais aussi de l’avancée des recherches de solutions de gestion des déchets radioactifs géné-rés.

1.2.1 | Déconstruction du parc de réacteur d’EDF

Aujourd’hui, les 9 réacteurs UNGG français, répartis sur 4 sites, sont en cours de démantèle-ment (6 par EDF et 3 par le CEA). Le démantèledémantèle-ment de ces réacteurs va générer à terme, 23 000 tonnes de déchets de graphites irradiés. Le tableau 1-3 représente l’inventaire de ces déchets selon la fonction associée au graphite et l’exploitant.

Tableau 1-3 : Inventaire des déchets français de graphite irradié [Andra 2015]

CEA EDF AREVA Total

Réacteurs UNGG

Briques d’empilement (modérateur,

réflecteur, protection biologique) 3 804 t 15 067 t - 18 871 t

Chemises 730 t 1 900 t 940 t 3 570 t

Autres (dont graphites des réacteurs expérimentaux) 121 t 100 t - 221 t

35

La vie d’une centrale nucléaire connaît trois périodes : sa construction, son exploitation puis sa déconstruction. En tant que propriétaire des installations nucléaires qu’elle exploite, EDF assume l’entière responsabilité technique et financière de la déconstruction de ses 6 réacteurs UNGG et assure la maîtrise d’ouvrage de leur déconstruction [EDF Déconstruction].

En France, un décret et des lois claires et transparentes décrivent les procédures réglementaires en matière de démantèlement, de déclassement des installations et de disponibilité des fonds [Décret n°2007-1557 ; Loi n°2006-686 ; Loi n°2006-739].

Avant les années 2000, EDF avait opté pour un démantèlement partiel des réacteurs et un re-port de 30 à 40 ans du démantèlement complet. En 2001, suite à une recommandation de l’ASN, EDF a revu sa position et a annoncé le démantèlement complet et immédiat (c’est-à-dire réaliser l’ensemble des opérations sans période d’attente) de ses 9 réacteurs à l’arrêt, dont les 6 réacteurs UNGG. Il s’agit de Brennilis, Bugey 1, Chinon A1, A2 et A3, Chooz A, Creys-Malville, Saint-Laurent A1 et A2. L’objectif est double : ne pas laisser aux générations futures la charge de la déconstruction et bénéfi-cier de l’expertise et des compétences des salariés actuels qui ont participé à l’exploitation des cen-trales aujourd’hui à l’arrêt. EDF s’appuie également sur les filières opérationnelles de gestion de la majorité des déchets nucléaires et des programmes de recherche pour offrir des solutions d’entreposage et de stockage à l’ensemble des déchets [PNGMDR 2010-2012] mais aussi sur des re-tours d’expériences des déconstructions de réacteurs à l’international [EDF Déconstruction]. Le groupe EDF assume seul la responsabilité financière du démantèlement des centrales. Ce coût est pris en compte dès leur mise en fonctionnement et intégré au prix du kWh.

En 2001, EDF s’est doté d’une unité de 600 salariés en charge de la déconstruction, le CIDEN (Centre d’Ingénierie Déconstruction Environnement). Elle assure la maîtrise d’ouvrage de toutes les opérations liées au démantèlement des centrales. Ses principales missions consistent à maîtriser tech-niquement la déconstruction des 9 centrales nucléaires EDF définitivement arrêtées, au moindre coût, tout en respectant la sûreté des installations et la sécurité des travailleurs ; maîtriser les impacts envi-ronnementaux pour ses centrales nucléaires en construction, en exploitation et en déconstruction, en France et à l’international ; agir pour disposer de filières d’évacuation pour tous les déchets nucléaires

et optimiser le coût global de leur traitement [EDF 2013]. Depuis le 1er janvier 2016, ces fonctions

sont prises en charge par la Direction des Projets Déconstruction et Déchets (DP2D).

Pour chaque réacteur, le démarrage des opérations de démantèlement est autorisé par décret ministériel, suite à examen de l’ASN [ASN 2015] et après enquêtes publiques auprès des populations locales. Le cycle de déconstruction est classé par l’AIEA en trois niveaux [EDF Déconstruction, AIEA 2016, Averous 1997, Académie des sciences 2015] :

Niveau I : Mise à l’arrêt définitif de la centrale : Déchargement du combustible5 et vidange des circuits, puis démontage et mise hors service des installations non nucléaires.

Niveau II : Démantèlement partiel : Démontage des équipements et des bâtiments, à l’exception de

celui abritant le réacteur mis sous surveillance. Les déchets générés sont conditionnés et évacués vers les centres de stockage dédiés, gérés par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra).

5

Le combustible est entreposé en piscine de désactivation du bâtiment réacteur pour une durée de 2 à 5 ans avant son envoi à l’usine de retraitement de La Hague.

36

Niveau III : Démantèlement total : Démontage du bâtiment réacteur, des matériaux et des

équipe-ments encore radioactifs.

99,9 % de la radioactivité des sites déconstruits est évacuée après le retrait du combustible nu-cléaire et la vidange des circuits en phase I. Les deux premiers niveaux s’effectuent dans les 10 ans suivant l’arrêt de la production d’électricité. Le troisième dure environ 10 ans. Une fois la déconstruc-tion achevée, le site retrouve son niveau de radioactivité naturelle. Sa surveillance n’est plus néces-saire, il peut être réutilisé. Actuellement, les réacteurs du parc UNGG français sont en phase de dé-mantèlement de niveau II [Petit 2009].

1.2.2 | Choix du mode de déconstruction de l’empilement

Si de nombreuses installations nucléaires ont été démantelées avec succès dans le monde, au-cun réacteur commercial de type UNGG n’a fait l’objet d’une telle opération à ce jour. Le choix du démantèlement de l’empilement des réacteurs dépend fortement de la structure de celui-ci, mais éga-lement des conditions de fonctionnement.

Le scénario de référence initialement retenu pour le démantèlement du caisson de BUA1 choi-si comme « choi-site pilote », ainchoi-si que pour ceux de SLA1 et SLA2 était un démantèlement sous eau pour le cœur du réacteur (les internes supérieurs) fortement activé et sous air pour les internes inférieurs isolés du cœur par la protection biologique et uniquement contaminés. Cette décision avait été dictée à la fois par les risques d’explosion et d’incendie liés aux poussières de graphite lors de la découpe des blocs mais aussi par les propriétés de l’eau qui lui permettent de constituer un écran de protection contre les rayonnements. Cette caractéristique apporte une souplesse dans la gestion des évènements imprévus inhérents à la complexité de la structure interne et elle rend également possible l’intervention d’opérateurs.

Cependant, en mars 2016, l’ASN a auditionné EDF sur la stratégie de démantèlement des ré-acteurs UNGG et sur le délai de mise en œuvre des opérations. Une note d’information récente (02 juin 2016) publiée par l’ASN [ASN 2016], indique qu’au cours de cette audition, EDF a informé l’ASN d’une nouvelle stratégie de démantèlement modifiant considérablement la méthode, le rythme et les scénarios des démantèlements. En effet, le démantèlement des caissons initialement prévu « sous eau » est abandonné au profit d’un démantèlement de tous les réacteurs UNGG « sous air ». Ce nou-veau choix s’accompagne d’un changement du réacteur tête de série (initialement Bugey 1). EDF pré-sentera, dans les prochaines semaines, sa nouvelle stratégie aux commissions locales d’information concernées [ASN 2016]. Dans l’attente de ces nouvelles informations, nous avons choisi de présenter les principales étapes du démantèlement des réacteurs, initialement prévu sous eau, qui pourraient être conservées.

La première étape de ce scénario consiste à découper des blocs de la première épaisseur de bé-ton à l’aide de câbles diamantés suivant la méthodologie employée pour le démantèlement du réacteur de Fort Saint-Vrain (Platteville, Colorado, Etats-Unis) en 1995. La structure de pilotage du démantè-lement des parties internes ainsi que l’extraction des briques de l’empidémantè-lement graphite n’est pas encore connue à l’heure actuelle. Cependant, en se basant sur le protocole initialement prévu pour le démantè-lement sous eau, nous pouvons imaginer qu’une fois sorties de l’empidémantè-lement, les briques seront pla-cées dans des paniers décrits en figure 1-9. Ils seront caractérisés puis immobilisés dans un coulis de blocage dans des conteneurs étanches. Cette prise en charge des déchets est susceptible d’évoluer se-lon la stratégie de gestion finale validée par l’Andra [Silbermann 2013]. En effet, de nombreux

para-37

mètres tels que le choix de la technique d’extraction, le milieu utilisé pour chacune des étapes ou en-core le moyen de traitement des déchets ne sont pas enen-core clairement définis car les études sont en cours.

Figure 1-9 : Vue d’artiste d’un panier de conditionnement de déchets graphite [Poncet 2014]

Après le retrait de l’empilement, les internes inférieurs pourront être déconstruits. La dernière étape sera l’assainissement du caisson en vue de son déclassement [EDF Vidéo]. La phase finale de réhabilitation du premier site (initialement Bugey 1) était prévue pour s’achever à l’horizon 2035.

1.2.3 | Avancement des travaux de déconstruction

1.2.3.1 | Bugey 1

Bugey 1 (Ain) est le dernier réacteur de la filière UNGG construit par EDF. Mis en service en 1972, cette unité a été arrêtée définitivement en 1994 et les opérations de mise à l’arrêt définitif se sont terminées fin 2005. Ce réacteur avait initialement été choisi comme « site pilote » afin d’utiliser le retour d’expérience engrangé lors de son démantèlement total pour la déconstruction des cinq autres unités UNGG françaises du parc EDF. A l’heure actuelle, ce choix est abandonné.

Les principales opérations déjà réalisées ont consisté à évacuer le combustible, vidanger les circuits et réaliser les opérations de mise à l’arrêt définitif : démontage des installations non nucléaires (turbines, alternateurs, matériels de la station de pompage) ; vidange et assainissement de la piscine ayant servi au stockage du combustible ; démontage de la machine de chargement/déchargement du cœur ; évacuation des déchets vers les filières de stockage.

La dernière phase du démantèlement de Bugey 1 est autorisée par un décret d’autorisation de démantèlement complet, obtenu en novembre 2008 [JORF 2008] après une enquête publique réalisée en 2006. La parution de ce décret va permettre de poursuivre les travaux d’aménagement des installa-tions nécessaires au démantèlement du caisson réacteur [ASN 2015]. La phase de démantèlement du caisson lui-même sera ensuite engagée en utilisant une méthode déjà mise en œuvre en 1995 à Fort Saint Vrain, dans le Colorado aux Etats-Unis et décrite dans la section 1.2.2. La phase finale de réha-bilitation du site est prévue pour s’achever à l’horizon 2035.

A l’heure actuelle, les travaux de démantèlement en cours portent sur les installations situées en dehors du caisson réacteur. Ils permettent de vider les locaux de leurs équipements d’origine pour y

38

installer de nouveaux équipements nécessaires au démantèlement du caisson réacteur. La partie supé-rieure du cœur du réacteur en cours de démantèlement est illustrée en figure 1-10.

Figure 1-10 : Bugey 1, l’unité en déconstruction en partie supérieure du cœur ©Mission Com [EDF

Bugey]

1.2.3.2 | Saint Laurent A

Les deux réacteurs UNGG A1 et A2 de la centrale de Saint Laurent ont été respectivement ar-rêtés en 1990 et 1992 et ils ont été déchargés de leur combustible nucléaire en 1992 et 1994. Cette étape, ainsi que les travaux de vidange des circuits, ont permis d’éliminer 99,9 % de la radioactivité. Dès 1994, la mise hors service définitif a consisté à retirer de l’exploitation les installations non-nucléaires. La salle de commande a également été mise hors service définitivement après transfert des alarmes sur un nouveau pupitre de surveillance. Pour poursuivre le chantier de déconstruction, un dos-sier de demande d’autorisation de démantèlement complet a été déposé en 2006, et une enquête pu-blique réalisée en 2007 [EDF Saint Laurent].

1.2.3.3 | Chinon

Le réacteur de Chinon A1 « La Boule » a fonctionné jusqu’en 1973. Le démantèlement partiel de la centrale a été terminé en 1984. Depuis 1986, elle a été transformée en musée. Les réacteurs de Chinon A2 et A3 ont été arrêtés respectivement en 1985 et 1990. Le démantèlement partiel de Chinon A2 s’est achevé en 1992 et celui de Chinon A3 a été réalisé de 1993 à 2007. Plusieurs bâtiments con-ventionnels ont été démolis (les locaux des compresseurs, de la station de déminéralisation et des chaudières auxiliaires, le château d’eau de Chinon A3, la salle des machines de Chinon A et les sta-tions de pompage). Depuis 2004, les déchets issus du démantèlement partiel (gravats, pièces métal-liques massives…) sont en cours d’évacuation vers les centres de stockage agréés de l’Andra. Chinon A3 a fait l’objet d’une enquête publique en février 2007 en vue d’obtenir le décret d’autorisation de démantèlement complet des installations [EDF Chinon].

39

1.2.4 | Le centre de conditionnement et d’entreposage ICEDA

Afin de respecter ses engagements et d’assurer ses responsabilités d’industriel en matière de déconstruction, EDF construit une installation d’entreposage de déchets sur le site de la centrale du Bugey, dans l’attente du stockage géologique qui constituera une solution définitive de gestion de ces déchets. Cette installation, appelée ICEDA (Installation de Conditionnement et d’Entreposage de Dé-chets Activés) permettra de conditionner et d’entreposer des déDé-chets radioactifs de moyenne activité à vie longue (période radioactive supérieure à 30 ans) issus des 9 réacteurs EDF actuellement en décons-truction. Sa mise en service est prévue pour 2017 [EDF Bugey]. ICEDA permettra entre autre de faire transiter les déchets graphites issus du démantèlement des réacteurs UNGG avant leur évacuation vers le futur centre de stockage définitif de l’Andra prévu à l’horizon 2025 par la loi [EDF ICEDA]. Une vue d’artiste ainsi qu’une photographie de l’avancement du chantier sont présentés en figure 1-11.

Contrairement au stockage, l’entreposage désigne une solution temporaire. La durée prévue d’exploitation d’ICEDA est de 50 ans. Le site de Bugey étant raccordé au réseau ferroviaire, cela faci-litera également l’acheminement des déchets en provenance des autres sites en déconstruction.

Figure 1-11 : Vue d’artiste et photographie du chantier ICEDA en mai 2015