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4.3 | Effet de l’irradiation en régime majoritairement balistique

Dans cette partie, nous présentons les résultats obtenus lors des irradiations en régime majori-tairement balistique. Nous étudions l’état de la structure par microspectrométrie Raman ainsi que l’évolution des profils de concentration de 13C obtenus par SIMS après chaque irradiation et nous les comparons aux profils des échantillons tels qu’implantés afin d’observer d’éventuels phénomènes de migration du 13C dans le graphite sous l’effet de l’irradiation.

4.3.1 | Sur des échantillons de graphite initialement très déstructurés

Comme précédemment, nous commençons par étudier l’effet de l’irradiation sur l’état de la structure et de la surface du graphite ainsi que sur l’évolution des profils de 13C implanté. Dans un premier temps, nous illustrons l’état de la surface à l’aide de clichés réalisés par MEB, puis nous pré-sentons les résultats obtenus par microspectrométrie Raman sur l’état de structure du graphite. Enfin, nous montrons les profils de concentration en 13C obtenus par SIMS.

4.3.1.1 | Etude de l’état de la surface par MEB

L’observation par MEB des échantillons après les irradiations montre que l’état de la surface a été très fortement dégradé. La figure 4-9 présente l’état de la surface pour les irradiations aux ions argon à température ambiante.

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Figure 4-9 : Observation par MEB de l’état de la surface des échantillons irradiés aux ions Ar+ de 800 keV à température ambiante à différents grossissements au centre de la zone irradiée (a, b) et en bordure de la zone irradiée (c, d, e, f)

Les clichés a et b sont pris au centre de la zone irradiée. Ils montrent un état de surface très fortement déstructuré et désordonné. En bordure de la zone irradiée (cliché c), les dégâts sont moins importants. L’observation de cette zone dévoile la façon dont le processus de déstructuration est initié. Nous observons à plus fort grossissement l’ouverture des fissures et le décollement des feuillets qui commencent à se recourber (clichés d, e et f).

(a) (b)

(c) (d)

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La figure 4-10 présente l’état de la surface pour les irradiations aux ions argon à 600 °C.

Figure 4-10 : Observation par MEB de l’état de la surface des échantillons irradiés aux ions Ar+ de 800 keV à 600 °C à différents grossissements

Sur le cliché a de cette figure, nous pouvons identifier une zone foncée qui correspond à la zone non irradiée située sous la patte maintenant l’échantillon en place lors de l’irradiation et une zone plus claire qui a été irradiée. Les trois autre clichés ont été pris dans la zone irradiée et montrent un amas de feuillets en train de se détacher du reste de l’échantillon. Sa surface est couverte de plissures orientées dans une même direction comme le montre le cliché d.

Enfin, la figure 4-11 présente l’état de la surface pour les irradiations aux ions argon à 1000 °C.

(a) (b)

160 (a) (b) (c) (d) (e) (f)

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Figure 4-11 : Observation par MEB de l’état de la surface des échantillons irradiés aux ions Ar+ de 800 keV à 1000 °C à différents grossissements

Le cliché a de cette figure montre le bord de la zone irradiée. Ainsi, nous pouvons comparer l’état de surface de la zone irradiée sur le côté gauche du cliché et la zone non irradiée, c’est-à-dire tel qu’implantée, sur le côté droit. Les clichés b, c, d, e d’une part et f, g, h d’autre part, représentent deux zones différentes présentant des feuillets recourbés et recouverts de plissures dans la partie irradiée. Le cliché i représente un feuillet de surface plissé au sein duquel un trou s’est formé, laissant ainsi appa-raître le feuillet inférieur couvert de plissures plus grandes. Enfin le cliché j montre les différentes épaisseurs de feuillets qui ont été fissurées pendant l’irradiation.

De manière plus générale, nous constatons que l’irradiation à température ambiante cause bien plus de dommages sur la surface des échantillons que les irradiations en température. De plus, à plus fort grossissement, nous observons les phénomènes qui sont à l’origine des importants stigmates de l’irradiation à la surface des échantillons comme sur les clichés d, e et f de la figure 4-9, c et d de la figure 4-10 et d, e, f, g, h, i et j de la figure 4-11. Sur ces différentes images, nous observons des zones ou les feuillets de surface commencent à se déchirer comme sur le cliché e de la figure 4-9. Des amas de feuillets vont ensuite se recourber sur eux-mêmes en suivant la fissure (déchirure) comme sur les clichés c, d et f de la figure 4-11. Certains feuillets sont froissés en surface tels que ceux représentés sur le cliché d de la figure 4-10 ou le cliché i de la figure 4-11. Lorsque nous observons la courbure des amas de feuillets à plus fort grossissement, nous constatons que les feuillets sont froissés plus ou

(i) (j)

(h) (g)

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moins finement selon la profondeur à laquelle ils se trouvaient comme sur les clichés e, g et h de la figure 4-11. Ce phénomène est illustré par la représentation schématique de la figure 4-12.

Figure 4-12 : Représentation schématique de l’hypothèse de formation des froissements sur les

feuil-lets de surface recourbés

Nous avons réalisé des mesures topographiques des surfaces irradiées, par interférométrie op-tique, dans des zones similaires à celles observées sur les clichés de MEB présentés précédemment (figure 4-11). La figure 4-13 illustre schématiquement les résultats obtenus. Afin d’avoir une idée plus précise de l’espace séparant les amas de feuillets (cf encadré bleu de la figure 4-13), nous l’avons me-suré et évalué à 2 μm sur la zone correspondant au cliché de la figure 4-11 e. Par ailleurs, sur ces mêmes échantillons, d’autres zones présentant des amas de feuillets recourbés telle que celle présentée en figure 4-14 montrent que ces amas sont clairement disjoints.

Figure 4-13 : Schéma représentatif des mesures d’interférométrie optique réalisées sur la surface

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Figure 4-14 : Cliché de MEB montrant l’espacement entre deux amas de plans de graphène sur la

courbure d’un pétale en surface d’un échantillon implanté en 13C puis irradié aux ions argons de 800 keV à 1000 °C

Notons cependant que l’état de la surface des échantillons irradiés aux ions carbone n’est pas comparable à celui des échantillons irradiés aux ions argon. En effet, il est bien moins dégradé car les irradiations aux ions carbone entraînent moins de 1 dpa en surface tandis que celles aux ions argon en entraînent 4,4. De ce fait, les clichés correspondants ne sont pas montrés ici.

Nous avons réalisé des analyses Raman sur les différents feuillets et les résultats sont présen-tés dans la section suivante.

4.3.1.2 | Etude des effets des contraintes liées à l’irradiation aux ions argon

Etant donné l’état très dégradé de la surface, observable directement à l’œil nu sur les échantil-lons irradiés en régime balistique, il nous a semblé intéressant d’analyser par microspectrométrie Ra-man les différentes zones identifiées précédemment : les feuillets d’extrême surface fissurés, froissés et repliés sur eux-mêmes (n° 1 de la figure 4-15 a) et les feuillets plus en profondeur visibles à travers les fissures des feuillets de surface (n° 2 et 3 de la figure 4-15 a). Nous avons donc réalisé plusieurs cartographies par microspectrométrie Raman sur un échantillon particulièrement dégradé mais sur lequel des feuillets proches de la surface sont encore intacts. Cet échantillon a été irradié aux ions Ar+

de 800 keV à 1000 °C (fluence de 2 x 1016 ions.cm-2 et flux de 1,3 x 1012 ions.cm-2.s-1). Nous avons choisi plusieurs zones planes présentant des feuillets de surface fissurés ainsi que des feuillets plus profonds visibles dans les fissures. Il a été important d’éviter les feuillets de surface repliés car l’altitude importante de ces derniers aurait nécessité de modifier la mise au point du laser utilisé pour l’analyse Raman. Dans la suite de ce paragraphe, nous présentons les résultats d’une de ces cartogra-phies. La zone choisie se situe au centre de la zone irradiée et elle est représentée sur les clichés de MEB pris à différents grossissements en figure 4-15.

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Figure 4-15 : Observation par MEB de la zone de la cartographie Raman à différents grossissements

Nous avons d’abord analysé ponctuellement, par microspectrométrie Raman, certaines zones identifiées sur le cliché de MEB de la figure 4-15 a. Ces zones correspondent à la surface initiale de l’échantillon (n° 1) et à des plans inférieurs à différents niveaux dévoilés par le décollement des plans de surface lors de l’irradiation (n° 2 et 3). Les spectres Raman correspondant à ces zones sont présen-tés en figure 4-16. 800 1000 1200 1400 1600 1800 2000 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 Intensité normalisée Shift Raman (cm-1)

Zone 1 : Surface initiale Zone 2 : Premier plan inférieur Zone 3 : Second plan inférieur

Figure 4-16 : Spectres Raman ponctuels réalisés dans différentes zones de l’échantillon irradié aux

Ar+ de 800 keV à 1000 °C. Ces zones sont repérées sur le cliché de MEB de la figure 4-15 pris au grossissement x 300

Ces spectres montrent que plus le plan se trouve en surface de l’échantillon, plus la bande de défaut D1 est intense, c’est-à-dire plus l’échantillon est déstructuré. Ceci s’explique par le fait que les plans les plus proches de la surface ont été déstructurés par l’implantation en 13C puis par l’irradiation alors que les plans plus en profondeur sont probablement situés à une distance supérieure au Rp de l’implantation et ont donc été déstructurés par l’irradiation uniquement.

La zone présentée en figure 4-15 b a également été analysée par interférométrie optique dans le but de mesurer une différence d’altitude entre les feuillets de surface et les feuillets plus profonds, sur les bords et dans les fissures, et d’estimer ainsi l’épaisseur de la couche fissurée. Le résultat de l’analyse par interférométrie est présenté en figure 4-17. Sur cette cartographie, on reconnait claire-ment la zone choisie avec, en bleu foncé, le plan inférieur plus en profondeur que le plan supérieur en

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vert et cyan. La différence d’altitude entre ces deux plans est sensiblement la même en bord de plans et dans les fissures et correspond environ à 600 nm. Pour information, la hauteur des plans repliés sur eux-mêmes dépasse 1,5 μm et atteint même jusqu’à 6 μm au sommet de la courbure.

Figure 4-17 : Cartographie de la topographie mesurée par interférométrie optique sur la zone

sélec-tionnée pour l’analyse par microspectrométrie Raman

Nous avons donc réalisé une cartographie par microspectrométrie Raman sur une surface de

60 x 80 μm2 au centre de cette zone. Divers paramètres caractéristiques des spectres Raman ont été

étudiés tels que le rapport ID/IG, l’intensité et l’aire des bandes ou encore leur largeur à mi-hauteur. Le rapport ID/IG semble indiquer que le graphite est plus déstructuré au fond des fissures donc sur les feuillets inférieurs puisqu’il est d’environ 0,50 contre environ 0,35 sur le plan supérieur. Cependant, le paramètre évoluant le plus significativement sur les spectres Raman est la position de la bande G. La cartographie de la figure 4-18 b représente la valeur de la position de la bande G en cm-1. Sur cette même figure, un cliché de MEB (figure 4-18 a) représente la zone sur laquelle a été réalisée la carto-graphie.

Figure 4-18 : Cliché de MEB de la zone cartographiée (a) et suivi de l’évolution de la position de la

bande G sur les spectres Raman de la cartographie (b)

(a) (b)

μm μm

μm μm

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La cartographie Raman de la figure 4-18 b montre que le signal Raman est fortement lié à la position à laquelle est réalisée l’analyse sur l’échantillon. D’autre part, la cartographie indique une très grande disparité de la position de la bande G en fonction de la zone analysée. En effet, sur les feuillets de surface, la bande G est positionnée à environ 1583 cm-1 tandis qu’au fond des fissures, donc sur les

feuillets inférieurs, nous pouvons la trouver jusqu’à environ 1563 cm-1. Sachant que pour un HOPG

vierge ou un HOPG tel qu’implanté, elle se situe normalement à 1582 cm-1 [Ferrari 2000], cela signifie que la bande G est déplacée vers les basses valeurs de shift d’environ 20 cm-1. Par conséquent, il est permis de supposer que les feuillets inférieurs ont été plus fortement dégradés lors de l’irradiation que les feuillets d’extrême surface.

Des travaux effectués en 2011 viennent consolider notre hypothèse [Frank 2011 a]. En effet dans cette étude, une analyse a été réalisée par microspectrométrie Raman sur une monocouche de graphène soumise à des déformations uniaxiales de tension ou de compression. Le suivi de l’évolution

de la bande G du graphite montre un dédoublement de cette dernière en deux sous-bandes G- et G+

observé dans les deux directions des contraintes et induit par un abaissement de symétrie. La figure 4-19 résume les résultats obtenus sur l’évolution de la bande G.

Figure 4-19 : Evolution de la bande G dans une monocouche de graphène (médaillon dans B) sous

contraintes uniaxiales par microspectrométrie Raman (λexcitation = 785 nm) [Frank 2011 a]

Sur cette figure, les spectres (dans A) et les positions des sous-bandes G (dans B) sont colorés en rouge pour la tension, en bleu pour la compression et en noir lorsqu’aucune contrainte n’est appli-quée. Le niveau de contrainte est indiqué (en %) pour chaque série de courbe. Les courbes en pointil-lés (dans A) sont les composantes individuelles Lorentziennes du spectre expérimental (points) et la courbe en trait plein représente leur convolution. Les lignes en pointillés (dans B) représentent l’ajustement des points expérimentaux linéaire pour la tension (les taux de déplacement sont indiqués dans la légende) et polynomial de second ordre pour la compression.

Comme nous pouvons le constater sur la figure, en général, les contraintes de tension induisent un déplacement de la bande G vers les basses valeurs de shift Raman (ramollissement du phonon de l’anglais phonon softening) en rouge sur la figure, tandis que les contraintes de compression induisent un déplacement de la bande G vers les hautes valeurs de shift Raman (durcissement du phonon de

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l’anglais phonon hardening) en bleu. De plus, le dédoublement de la bande G en deux composants est dû à un abaissement de la symétrie du réseau cristallin [Frank 2010, Frank 2011 b, Sgouros 2016]. Les schémas des modes de vibration spécifiques aux bandes G+ et G- en fonction de l’axe de la contrainte sont illustrés dans la figure 4-19 A [Frank 2011 a] ainsi que sur la figure 4-20 [Mohiuddin 2008].

Figure 4-20 : Représentation schématique des modes de vibration des bandes G+ et G- issues du dé-doublement de la bande G en fonction de l’axe de la contrainte [Mohiuddin 2008]

Ainsi, dans notre cas, la bande G s’étant déplacée vers 1563 cm-1, cela signifierait d’après cette étude que les feuillets inférieurs sont sous contrainte et notamment en tension. Nous pouvons alors émettre l’hypothèse que lors de l’irradiation à 1000 °C, soit l’irradiation, soit la température, soit une combinaison de ces deux paramètres a provoqué une tension des plans de graphène et donc des feuil-lets (superposition de plusieurs plans de graphène). Les feuilfeuil-lets de surface se sont déchirés sous l’effet combiné de la tension et de l’irradiation (qui arrache des atomes aux plans de graphène) libérant ainsi la contrainte pour les feuillets de surface mais pas pour ceux en profondeur, moins impactés par la déstructuration liée à l’irradiation (moins de dpa).

Toutefois, à la différence de l’étude présentée précédemment [Frank 2011 a], dans notre cas la bande G ne semble pas clairement se dédoubler car les contraintes ne sont pas uniaxiales.

Ces cartographies n’ont pas pu être réalisées sur les échantillons irradiés à température am-biante du fait de leur très grande déstructuration en surface comme nous l’avons constaté sur les cli-chés de MEB dans la section 4.3.1.1. Cette topographie très contrastée empêche de réaliser correcte-ment des cartographies Raman dans la zone irradiée.

4.3.1.3 | Etude de la structure du graphite par microspectrométrie Raman

Nous allons maintenant comparer les spectres Raman obtenus sur des échantillons irradiés à différentes températures soit avec des faisceaux d’ions carbone, soit avec des faisceaux d’ions argon.

Rappelons que les irradiations aux ions C+ à des énergies de 400 ou 600 keV sont réalisées à des

fluences permettant d’atteindre environ 1 dpa dans la zone implantée et que celles aux ions Ar+ de 800 keV permettent d’atteindre 4,4 dpa. Les spectres de microspectrométrie Raman des échantillons irra-diés dans ces conditions sont respectivement présentés dans la figure 4-21 a et 4-21 b et comparés au spectre d’un échantillon tel qu’implanté. De plus le tableau 4-6 regroupe les valeurs des rapports ID1/IG pour les échantillons simplement recuits ainsi que pour ceux irradiés aux ions carbone ou argon à dif-férentes températures.

168 800 1000 1200 1400 1600 1800 2000 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 Intensité normalisée Shift Raman (cm-1) Tel qu'implanté Irr C+ - 400 keV - 200 °C Irr C+ - 400 keV - 600 °C Irr C+ - 600 keV - 800 °C Irr C+ - 600 keV - 1000 °C (a) 800 1000 1200 1400 1600 1800 2000 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 Intensité normalisée Shift Raman (cm-1) Tel qu'implanté Irr Ar+ - Tamb Irr Ar+ - 600 °C Irr Ar+ - 1000 °C (b)

Figure 4-21 : Comparaisons du spectre Raman d’un échantillon tel qu’implanté avec les spectres des

échantillons irradiés à différentes températures avec des ions carbone (a) ou argon (b)

Tableau 4-6 : Valeurs du rapport d’intensités ID1/IG pour les échantillons simplement recuits ou irra-diés aux ions carbone ou argon à différentes températures

ID1/IG

Température seule Irr. C+ Irr. Ar+

TQI 0,94 0,95 0,94 Tamb - - 0,95 200 °C - 0,89 - 400 °C 0,92 - - 600 °C 0,93 0,87 0,86 800 °C - 0,77 - 1000 °C 0,88 0,64 0,51

La figure 4-21 (a) montre que lors des irradiations aux ions carbone, les bandes G et D1

s’individualisent et s’affinent avec l’augmentation de température, signe d’un recuit dynamique des défauts engendrés par l’implantation. D’autre part les valeurs du tableau 4-6 montrent que les rapports

ID1/IG diminuent avec la température témoignant d’une restructuration progressive du graphite. En

effet, dans un graphite bien structuré, la grande majorité des liaisons C-C sont hybridées sp2. Lors de l’implantation, la déstructuration se traduit par la présence de défauts isolés (lacunes, interstitiels) mais également de défauts plus importants comme des plans graphène fracturés. Le signal Raman voit alors sa bande de défaut D1 s’élargir et son intensité augmenter [Ammar 2015]. Lors de l’irradiation en tem-pérature, les défauts isolés se recombinent et peuvent former de nouveaux plans graphène bien organi-sés. L’augmentation du nombre de liaisons C-C sp2 conduit à l’arrangement de la structure et se traduit sur les spectres par un affinement de la bande D1 et une diminution de son intensité.

De plus, la comparaison dans le tableau 4-6 de ces résultats avec ceux obtenus lors de l’étude de l’effet de la température seule (section 4.2.1.1), montre que la température et l’irradiation en régime balistique semblent avoir un effet synergique sur la restructuration du graphite. En effet, lors d’un recuit seul à 1000 °C, la structure se réordonne beaucoup moins bien que sous irradiation à 1000 °C. La figure 4-21 b montre que l’effet de synergie entre l’irradiation balistique et la température sur la restructuration est encore plus marqué avec les irradiations aux ions argon dans la mesure où le spectre obtenu sur l’échantillon irradié à 600 °C présente un meilleur état de structure que celui correspondant

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à l’échantillon irradié avec des ions carbone à 600 °C. En effet les bandes D1 et G sont plus larges pour l’irradiation aux ions carbone comparativement à celles observées pour l’irradiation aux ions argon et l’intensité entre ces deux bandes attribuée à une bande D3 par certains auteurs [Couzi 2016] augmente.

En conclusion, les effets couplés de la température et de l’irradiation en régime majori-tairement balistique favorisent la réorganisation de la structure dans un graphite initialement très déstructuré. Rappelons que les interstitiels sont mobiles dès la température ambiante alors que la

mobilité des lacunes augmente progressivement au-delà de 250 °C (cf section 2.2.1.3). Il semblerait donc que ce régime d’endommagement en température favorise la mobilisation et la recombinaison des défauts initialement présents ainsi que de ceux introduits par l’irradiation et permette ainsi de réor-ganiser progressivement la structure du graphite.

4.3.1.4 | Etude microstructurale du graphite par MET

Intéressons-nous aux résultats obtenus par MET sur l’état de déstructuration du graphite induit lors des irradiations en régime majoritairement balistique. Nous suivons l’évolution des distances in-ter-feuillets et des distributions angulaires pour discuter des résultats dans la suite. Rappelons que la distance inter-feuillets pour un graphite vierge est de 3,35 Å et que plus ces valeurs sont grandes, plus l’état de structure est désordonné. Les graphiques de la figure 4-22 présentent les résultats obtenus sur des échantillons de graphite initialement implantés en 13C à 6 x 1016 at.cm-2 puis irradiés aux ions C+

de 600 keV à 1000 °C. Les points correspondant au graphite vierge et à l’échantillon tel qu’implanté

figurent également sur ces graphiques. La zone hachurée encadre la valeur du Rp du 13C implanté et

les lignes tiretées permettent de guider l’œil afin de dégager des tendances d’évolution des valeurs en fonction de la profondeur. 0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1000 3.3 3.4 3.5 3.6 3.7 3.8 3.9 4.0

Distance inter feuillets (Angström)

Profondeur (nm) HOPG vierge TQI 13C (6 x 1016 at.cm-2) Imp 13 C - Irr C+ - 1000 °C (a) 0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1000 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 HOPG vierge TQI 13C (6 x 1016 at.cm-2) Imp 13C - Irr C+ - 1000 °C Distribution angulaire (°) Profondeur (nm) (b)

Figure 4-22 : Distance inter-feuillets et distribution angulaire mesurées sur les clichés de MET à

dif-férentes profondeurs pour les échantillons implantés en 13C à forte fluence puis irradiés. La zone