• Aucun résultat trouvé

Chapitre I – Les données massives et le marketing

1.2 Les données comportementales numériques

1.2.1 Les témoins et traceurs

1.2.1.3 Le consentement au dépôt de cookies et traceurs

Les témoins et traceurs se sont développés autour du modèle de consentement implicite, dit opt-out, prenant pour acquis le consentement du consommateur en lui laissant l’opportunité de le retirer s’il le désire. Concrètement, plusieurs sites web consultés affichent des bandeaux informant les consommateurs qu’un témoin est installé sur le site web et que la navigation sur le site équivaut au consentement à l’installation de ceux-ci. Le consommateur se voit imposé cette méthode de suivi sans pouvoir leur refuser l’accès à ses informations. À ce propos, le droit civil québécois est pourtant très clair: le silence ne vaut pas l’acceptation159. Cette méthode a d’ailleurs été jugée par la Cour de justice de l’Union

Européenne comme étant contraire à l’exigence d’une manifestation de volonté imposée par la définition du consentement prévu dans le RGPD160. Depuis l’adoption de la directive « vie

privée et communication électronique » de 2002161, ce modèle de consentement a dû être

remplacé au sein de l’Union Européenne par un consentement explicite, aussi appelé opt-in, où le consommateur doit adopter un comportement actif et accepter que le cookie soit installé162. En comparaison aux sites web québécois, les consommateurs français peuvent

choisir quels renseignements seront partagés.

157 COMMISSARIAT À LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE DU CANADA, Les témoins et le suivi sur

le web, préc., note 146.

158 Loi sur la protection des renseignements personnels et des documents électroniques, préc., note 21, Principe

4.3 ; Règlement (UE) 2016/679, préc., note 23.

159 Code civil du Québec, LQ 1991, c. 64, art. 1394, al. 1.

160 Bundesverband der Verbraucherzentralen und Verbraucherverbände, CJUE, gr. ch., 1er oct. 2019, aff. C-

673/17 : JCP E, n° 41, 10 Octobre 2019, act. 652

161 Directive 2006/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 sur la conservation de données

générées ou traitées dans le cadre de la fourniture de services de communications électroniques accessibles au public ou de réseaux publics de communications, et modifiant la directive 2002/58/CE, OJ L 105, 13.4.2006,

p. 54–6

162 François COUPEZ et Géraldine PÉRONNE, « Consentement aux cookies : quelle est la bonne recette ? »

Avant l’adoption du RGPD, la Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux

fichiers et aux libertés imposait une obligation générale d’information concernant le

traitement des renseignements stockés «dans le terminal de communications électroniques», aujourd’hui reconnus comme étant les cookies et traceurs163. Ces dispositions sont issues de

l’ordonnance du 24 août 2011164 transposant ainsi la directive 2009/136/CE « paquet

télécoms » du 25 novembre 2009165. Cette disposition prévoit que le consommateur doit avoir

été préalablement informé de l’installation et l’utilisation de cookies et traceurs et avoir donné son consentement à la collecte des informations visées.

De son côté, le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada considère toutefois le modèle de consentement implicite acceptable sous certaines conditions166. Les

consommateurs doivent être informés de la pratique de façon claire et transparente et ce, préalablement à la collecte. Ils doivent pouvoir renoncer à l’installation de témoins et le refus doit pouvoir être immédiat et durable. Les renseignements recueillis doivent être limités à ceux nécessaires et ceux-ci doivent être détruits dans un délai raisonnable167. La position de

la Cour de justice de l’Union Européenne et la directive de 2002 est plus que respectable considérant que le modèle de consentement opt-out transfère au consommateur la responsabilité de comprendre ce qui est fait de ses données et de retirer son consentement s’il le désire alors qu’en réalité, une partie significative des usagés ne comprennent pas les rouages d’internet. Par ailleurs, l’approche opt-in répond aux exigences de consentement énoncées par les différents régimes juridiques permettant au consommateur une certaine liberté de choix.

163 Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, J.O. 7 janvier 1978, art.

32-II.

164 Ord. no 2011-1012 du 24 août 2011, art. 37

165 Directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 modifiant la directive

2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques, la directive 2002/58/CE concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques et le règlement (CE) no 2006/2004 relatif à la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs, OJ L 337, 18.12.2009, p. 11–36

166 COMMISSARIAT À LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE DU CANADA, Position de principe sur la

publicité comportementale en ligne, préc., note 145.

L’usage des différentes sortes de témoins soulève des questions juridiques par rapport au respect de plusieurs droits liés au droit à la vie privée, dont le droit à l’anonymat168 et à

l’intimité169. Pour le professeur Alan F. Westin, le droit à l’anonymat représente la possibilité

pour le consommateur de représenter publiquement ses idées sans en être identifié comme étant l’auteur170. Avec les témoins et traceurs, les consommateurs ont perdu la capacité de

naviguer sur le web sans que leurs activités soient suivies par une myriade d’outils technologiques partageant à plusieurs leur moment privé. La représentation de leur identité numérique est automatiquement reliée à leur profil par les entreprises publicitaires ne leur permettant pas de conserver l’anonymat sur leurs activités en ligne. Un certain rapprochement peut être fait avec les propos du professeur Westin considérant que le consommateur ne peut s’exposer publiquement sur le web sans être profilé par une entreprise.