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Du développement durable au développement local

1.2. De l‟environnement urbain au développement urbain durable :

1.2.4. Le concept développement durable et les villes :

La problématique de développement durable de la ville a été approchée au début des années 1990 et correspond à la préparation de la conférence internationale de Rio.

Avant cette date, les réflexions concernaient non pas le territoire de la ville, mais des thèmes particuliers, tels l‘énergie dans la ville ou les transports. La ville n‘était jamais appréhendée dans son entier quand il s‘agissait de développement durable.

Les premières pierres d‘un diagnostic urbain en soulignant les spécificités de la ville et l‘identité des problèmes qu‘elle doit désormais affronter, furent abordées par La Communauté Européenne qui publie “ Le Livre vert sur l‟environnement urbain ”, voté par le Conseil des Ministres de l‘Environnement en 1991. L‘objectif est double : réfléchir sur l‘amélioration des conditions de vie en milieu urbain et sur les mesures locales susceptibles de contribuer à la résolution des problèmes globaux d‘environnement.

Par ses positions tranchées, le Livre vert fera figure de manifeste. Il vilipende en effet l‘approche fonctionnaliste, responsable notamment de l‘étalement de la ville et de l‘augmentation du nombre et de la longueur des déplacements et prône la mixité des activités et des populations. (Lajoie G., 2007)

Soumia Bouzaher Lalouani émail lalouanisoumia@yahoo.fr

Page 81 Figure 1.10 : Les étapes de l‘officialisation du discours sur la durabilité. Source : L‘urbain, l‘environnement et le développement urbain en France (Raffaud F., 2003) cité par Lajoie G., 2007

1.2.4.1. Forme urbaine et durabilité dans un contexte de développement durable :

En évoquant le principe de réversibilité de l‘action qui ne doit pas peser et entraver les évolutions futures possibles de la ville, R. Auzelle se faisait en effet visionnaire trente ans avant la diffusion généralisée du concept de ville durable. Apparu dès 1967 dans un article sur « les grandes villes et l‘urbanisation de l‘avenir » , « il nous faut donc tirer de ce que nous connaissons des directives générales qui nous permettent d‘aménager notre espace terrestre de telle façon que rien ne soit absolument irréversible. L‘avenir que nous concevons doit perpétuellement contenir l‘avenir. Une prospective qui ne serait pas fondamentalement prospective ne serait jamais que l‘ombre du présent. […] Toute la question, en effet, est là : il s‘agit d‘entreprendre une action méthodique qui, tout en apportant des résultats à court terme, n‘entrave pas l‘évolution que réclameront les besoins futurs ».

C. Emelianoff auteur d‘une thèse sur la ville durable comme « modèle émergeant », propose désormais de définir la ville durable en trois temps. C‘est en premier lieu une ville qui sait maintenir son dynamisme dans le temps long tout en gardant « une identité, un

Soumia Bouzaher Lalouani émail lalouanisoumia@yahoo.fr l‘interaction sociale sont d‘abord ceux de la consommation de masse.

En second lieu, la ville durable « doit pouvoir offrir une qualité de vie en tous lieux et des différentiels moins forts entre les cadres de vie ». Pour ce faire, elle doit affirmer plus qu‘ailleurs la mixité sociale et fonctionnelle comme principe de son organisation en favorisant « l‘expression de nouvelles proximités : commerces et services de proximité, nature et loisirs de proximité, proximités entre les différentes cultures de la ville, entre les groupes sociaux, entre les générations ». En dernier lieu, « c‘est une ville qui se réapproprie un projet politique et collectif.

Cette réappropriation locale passe par la volonté de réduire tout à la fois les inégalités sociales et les dégradations écologiques en pensant du local au global, ou dit autrement, en donnant un sens collectif à l‘action locale puisque comme le rappelle C.

Emelianoff, « la durabilité dont, l‘horizon serait seulement local n‘a pas de sens en termes de développement durable, caractérisée par le souci des générations présentes et futures, du local au global. Il s‘agit en somme de trouver des solutions acceptables pour les deux parties, ou encore, de ne pas exporter les coûts du développement urbain sur d‘autres populations, générations, ou sur les écosystèmes ».

1.2.4.2. La ville durable comme investissement :

Le constat est que, l‘urbanisation s‘est accrue en Europe de façon telle que deux Européens sur trois vivent désormais dans des agglomérations urbaines qui ne couvrent qu‘un pour cent de la surface de l‘Europe, d‘où le logo« Les villes : notre avenir commun » ,de (K. Whitmore, 2003), soulignant que « les grandes villes sont souvent le cadre d‘une consommation excessive et d‘un gaspillage d‘eau, d‘énergie et d‘autres ressources. En cas de carence des infrastructures et des technologies appropriées, elles souffrent d‘une pollution généralisée de l‘air et de l‘eau, voir d‘une contamination du sol et des aliments», finalement il met un point final à ce constat inquiétant en accentuant que « dans nombre de villes européennes, l‘absence d‘une coordination convenable de la planification urbaine et de l‘aménagement du territoire favorise les handicaps économiques et sociaux, la destruction du tissu social et d‘autres tendances défavorables au milieu urbain ».

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Page 83 La question centrale qui se pose dès aujourd‘hui et qui se posera demain encore est donc de savoir « comment organiser les agglomérations urbaines, comment gérer les villes afin qu‘elles restent des lieux vivables?».

1.2.4.3. La ville durable sous les débats :

Aujourd‘hui, aussi bien les sciences de la vie que l‘industrie tout comme l‘urbanisme traitent de « développement durable »(Raffaud F., 2003). Ce constat suffit-il pour autant à faire émerger de véritables objets scientifiques transdisciplinaires à propos de la durabilité urbaine, voir le début d‘un consensus dans la sphère scientifique ? Et qui souligne que l‟aller-retour entre le politique et le scientifique pose problème…

Comme le rappelle Emelianoff C. depuis quelques années, dès son émergence, la ville durable présente un certain nombre de contradictions. (Emelianoff C., Theyx J., 2001) L‘auteur souligne en premier lieu « l‘utopie dominante » d‘une «qualité totale » urbaine :

« la qualité de vie, de formation, des services, des infrastructures ; haut niveau de sécurité ; normes d‘environnement élevées, soit le «zéro défaut» appliqué aux villes ».

Cette utopie est devenue réalité locale dans quelques « éco-quartiers » bataves, allemands ou australiens, il s‘agit davantage de quartiers expérimentaux pour lesquels on s‘inspire de la fameuse norme HQE (Haute Qualité Environnementale) plus simple à mettre en œuvre dans le secteur du bâtiment pour une évidente raison d‘échelle et dont les coûts de réalisation sont encore élevés.

Selon Emelianoff C., (1999) en l‘état actuel des expérimentations urbaines et à l‘heure de l‘envol des prix de l‘immobilier et du foncier, on peut craindre que ces « éco-quartiers » verts bien desservis par une « mobilité douce » et bien équipés pour répondre aux divers besoins sociaux (culture, économie, santé) « ne servent que de vitrines écologiques, dans le cadre de stratégies plus générales de marketing urbain. Ou qu‘ils ne favorisent les tendances, déjà fortes, à une certaine forme de sécession urbaine », les « éco-quartiers » devenant les nouveaux beaux éco-quartiers de la ville durable.

On est donc bien au cœur d‘une première contradiction puisque le projet de

« mixité sociale » est affirmé comme un principe fort de la ville durable définie dans les recommandations communautaires étudiées plus avant. D‘autres contradictions encore plus fortes apparaissent au dire d‘Emelianoff C. dès lors qu‘on rapproche les objectifs de lutte contre l‘étalement urbain, de maîtrise de la mobilité et de réhabilitation des centres-villes.

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Page 84 En effet, comme l‘ont montré depuis plus de vingt ans de multiples programmes de réhabilitations de friches industrielles ou de friches portuaires près des centres anciens, la hausse des valeurs foncières conduit à un processus qui renvoie les anciens résidents en deuxième ou troisième couronne.

Pour Emelianoff C. « tous ces arguments mettent sérieusement en doute la réalité des intentions, apparemment généreuses, de la « ville durable ». Mais ils ne suffisent pas à démontrer que l‘objectif envisagé - l‘intégration des préoccupations sociales et écologiques - est lui-même déraisonnable ou contradictoire ».

1.2.4.4. Construire la ville sur la ville ; Forme urbaine et mobilité dans un contexte de DD :

Dès 1994 la réponse de l‘Etat se crayonne avec la publication d‘un rapport sur la

« Stratégie britannique de développement durable » où l‘Etat précise que « l‘objectif du gouvernement pour 2012 est de continuer à faire le meilleur usage possible des ressources en espace, en maximisant l‘utilisation du sol dans les sites urbains, notamment ceux qui sont vacants, abandonnés ou contaminés, et en protégeant la campagne et les grands espaces verts».

Comme on le voit, construire la ville sur la ville ne constitue pas vraiment une idée neuve mais s‘impose déjà comme une position raisonnable pour limiter la consommation de terrains qui ne sont pas encore intégrés à la tâche urbaine.

Il est surtout instructif de remarquer que l‘argumentaire pour promouvoir la densification urbaine glisse lentement mais sûrement de la réhabilitation des sites urbains dégradés à des considérations proprement écologiques en se basant sur la réflexion croissante du développement durable.