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Le choix sous incertitude

Dans le document Microéconomie du consommateur (Page 13-16)

2.3.0.1 La représentation de l’incertitude

La représentation la plus classique et la plus utilisée dans la théorie microéconomique d’un environnement incertain est la loterie. Un agent est confronté à une alternative, chacun des résultats est parfaitement connu (gagner le gros lot ou perdre), et l’occurrence d’une situation ou d’une autre est incertaine au moment du choix, mais la probabilité d’occurrence de chaque situation est parfaitement connue.

On distingue, depuis F. Knight (Risk, uncertainty and profit, 1921), le risque (les différentes branches de l’alternative sont proababilisables) de l’incertitude (les probabilités ne sont pas connues). L’analyse mi-croéconomique se fait en situation de risque, mais on parle indifféremment de « risk » ou d’« uncertainty

».

Une loterie est une liste (p1, p2, ..., pn) avec la probabilitépi que le résultat se réalise, et tel que Σni=1pi = 1.

.

Lorsque les résultats associés aux différentes branches de la loterie peuvent être exprimés sous forme moné-taire, on peut calculer l’espérance de gains associée à la loterie. L’espérance de gain d’une loterie correspond à l’espérance mathématiques des gains monétaires. On a : EV = Σni=1pixi. Dans le cas d’un ticket à gratter par exemple, si on a une probabilité de 90 % de perdre 2 euros (le prix du ticket) ou bien une proabilité de 10 % de gagner 4, on trouvera aisément une espérance moyenne de gain de -0.05.

2.3.0.2 L’utilité espérée Von Neumann-Morgenstern (VNM)

Plus l’espérance de gains d’une loterie est élevée, plus l’agent sera susceptible de choisir cette loterie. L’agent a donc des préférences en les différentes loteries, et il les hiérarchise. On postule également l’axiome d’indépendance : « si la loterie A est préférée à la loterie B alors quelle que soit la loterie C et quelle que soit la probabilité p, la loterie, la loterie [A(p) ; C(1-p)] est préférée à la loterie [B(p);C(1-p)]. [A(p), C(1-p)] désigne une méta-loterie dans laquelle on joue la loterie A avec la probabilité p, et la loterie C avec la probabilité (1-p).

On peut associer à une relation de préférence une fonction d’utilité U(.) définie sur l’ensemble des loteries et qui à chaque loterie associe une valeur donnée U(L).

On dit qu’une fonction d’utilité U définie sur l’ensemble des loteries possède une représentation sous forme d’utilité espérée de VNM s’il existe un ensemble de nombres que l’on peut associer aux n résultats de la loterie L tels que :

U(L) = Σni=1uipi

En gros, la fonction d’utilité espérée correspond à l’espérance mathématique des utilités associées aux ré-sultats possibles de la loterie. Chacun des réré-sultats va m’apporter une utilité, et chaque résultat survient avec une certaine probabilité. L’utilité « moyenne » espérée est définie par cette espérance mathématique.

Cependant, le critère de classement est l’utilité, et non pas l’espérance de gains.

2.3.0.3 L’aversion au risque

Lorsqu’un agent peut recevoir l’espérance de gain avec certitude, il sera plus satisfait (son utilité sera plus grande) qu’en ayant à jouer la loterie pour obtenir le même gain. Cela veut dire qu’un individu préfère avoir 1000 euros de façon certaine plutôt qu’avoir une espérance de gain de 1000 euros (par exemple, obtenir 400 avec une probabilité d’un demi, ou 1600 avec une probabilité un demi, ce qui fait une espérance de 1000).

Un individu avec type de préférences refuse les jeux « équitables ». On dit qu’il est averse au risque. On peut calculer l’équivalent certain, c’est-à-dire la somme R qui rendrait l’individu indifférent entre cette somme perçue avec certitude et la loterie initiale.

Une individu averse au risque est caractérisé par une utilité marginale de la richesse décroissante. La perte potentielle d’un montant x pèse plus que le gain potentiel d’un montant x. A l’inverse, lorsqu’un individu aime le risque, son utilité marginale de la richesse est croissante : plus il obtiendra un gain important de façon incertaine, plus il sera satisfait. Lorsque l’individu a une préférence pour le risque, sa fonction d’utilité est convexe, alors qu’elle est concave lors qu’il est averse pour le risque.

2.3.0.4 Le paradoxe d’Allais

La fonction d’utilité VNM est-elle cohérente avec les comportements adoptés par les agents confrontés à une situation incertaine ? Dans de très nombreuses situations, oui. Cependant, certains paradoxes connus montrent les limites de la théorie de l’utilité espérée.

Le paradoxe d’Allais remet en cause l’axiome d’indépendance. Intuitivement, cet axiome présenté au-dessus paraît naturel : si on demande à l’agent de mélanger une loterie C soit avec A soit avec B, avec une probabilité identique p dans les deux cas, on doit s’attendre à ce qu’il choisisse celle qu’il préfère, soit par hypothèse, A.

Pourtant, l’expérience, mise en évidence par M. Allais (1952) montre que la présence d’un gain qui devient très incertain dans l’alternative proposée conduit un grand nombre de personnes à ne pas se conformer à cet axiome.

Par exemple : si on préfère en général la loterie A (10 000 euros, avec 100 % de probabilité) à la loterie B (15 000, avec 90 % de probabilité, et 0 avec 10 %), au vu de la certitude du gain. Cependant, entre la loterie C (10 000 avec 10 % de probabilité, et 0 avec 90 %) et la loterie D (15 000 avec 9 % de probabilité et 0 avec 91 %), les individus auront tendance à choisir la loterie D, parce qu’elle procure un gain important pour une probabilité de non-gain à peine plus forte que la loterie C.

Or, l’axiome d’indépendance aurait stipulé que les agents choisissent C, car la présence de D pourrait modifier la préférence de la loterie A pour la loterie B, dans le cas d’une loterie composée de B et D par rapport à celle composée de A et D. M. Allais démontre expérimentalement que lorsque le risque est extrême, le joueur se focalise davantage sur la prime de risque que l’utilité espérée.

2.3.0.5 La demande d‘assurance

Les agents averses au risque sont prêts à payer pour réduire le risque auquel ils sont confrontés. Les situa-tions de risque concernent généralement un grand nombre d’individus. Si les probabilités d’occurrence d’un évènement fâcheux sont indépendantes d’un individu à un autre alors les agents peuvent mutualiser le risque pour améliorer leur situation.

La mutualisation des risques peut être faire par un assureur centralisé (Sécurité sociale) ou via le marché de l’assurance.

Soient deux situations possibles : l’état favorable (b) et l’état défavorable (m). L’agent a un revenu R, mais il subit une perte au moment de l’état défavorable, qui peut survenir avec une probabilité p. Soit le contrat d’assurance le plus simple possible. L’individu paie une primeγ par unité d’assurance souscrite dans tous les cas, dans le bon comme le mauvais état de la nature. Dans le mauvais état de la nature, la compagnie lui

paie une compensation d’un euro par unité souscrite : si l’individu souscrit A unités d’assurance, il recevra A et paiera une prime d’assurance.

Quelle sera la consommation de l’individu dans chaque état de la nature ? Dans le bon état, la consommation de l’indiivdu sera son revenu brutRb moins sa prime d‘assuranceγAtel que : Cb=RbγA.

Dans le mauvais état, la consommation Cm sera son revenu brut Rm moins sa prime d’assuranceγAplus sa compensation A :Cm=RmγA+A

On peut représenter la situation sous forme d’une fonction d’utilité : maxAUe=pU(Cm) + (1−p)U(Cb)

En remplaçant les consommations de chacun des états, maxAUe=pU(RmγA+A) + (1p)U(RbγA)

La condition du premier ordre (c’est-à-dire l’annulation de la dérivée en A) donne (en réécrivant):

pU(Cm)

(1−p)U(Cb) = 1−γγ

On suppose que le marché des assurances est concurrentiel, et donc que les profits de la compagnie d’assurance sont nuls, ce qui implique (voir la démonstration dans d’autres manuels) que la prime d’assurance est égale à la probabilité du risque. Doncp=γ

D’où UU(C(Cmb)) = 1

Cela signifie que dans le contexte où le coût unitaire de l’assurance est égal à sa probabilité d’accident, les agents choisissent un niveau d’assurance leur permettant d’avoir exactement le même niveau de consomma-tion dans chaque état de la nature : on dit alors que l’assurance est parfaite. S’assurer complètement, c’est se garantir d’avoir son revenu moyen en toutes circonstances. En achetant une assurance, l’agent cherche donc à opérer un lissage de son revenu entre les différents états de la nature en raison de son aversion au risque.

Grâce à la fixation parfaite d’une prime à partir de la probabilité du risque, il y parvient parfaitement.

Si le marché fonctionne imparfaitement (asymétries d’information, marché non concurrentiel, . . . ) alors l’assuré ne sera que partiellement couvert, et il ne pourra bénéficier que d’une compensation partielle de son revenu.

3 La rationalité, l’économie comportementale et les politiques publiques

3.1 La rationalité en économie

3.1.1 Cohérence des choix 3.1.1.1 Le paradoxe d’Allais

On peut résumer le paradoxe d’Allais comme suit : face à deux loteries où l’espérance de gain est faible, on préfère celle où l’espérance est la plus faible en se disant qu’au moins si on gagne on a la plus grosse même, alors même qu’on est averse au risque et qu’on préfère l’issue la plus certaine. Cela remet en cause la théorie traditionnelle de l’utilité espérée.

Ce paradoxe souligne qu’il faut distinguer les préférences des choix. Les choix sont les décisions que prennent les individus ; les préférences, traduites en termes de fonction d’utilité, forment un concept sous-jacent qui permet de décrire et de rationaliser ces choix. Les préférences permettent alors de décrire des choix rationnels au sens intellectuel, sans pour autant décrire les choix réellement effectués par les individus. Il est donc possible à partir des choix de retrouver les préférences des individus.

3.1.1.2 Les préférences révélées

Concrètement, si je choisis A au détriment de B, c’est que je préfère A, et que je ne choisirais jamais B si j’ai la possibilité d’avoir A. Je révèle donc ma préférence. L’idée est que l’on peut reconstruire les courbes d’indifférence à partir de certains choix des individus que l’on ordonne.

3.1.1.3 Déviations par rapport à la rationalité

D. Kahneman et A. Tversky ont montré que les individus ne sont pas toujours rationnels. Ces derniers peuvent être victimes d’un « biais de jugement ». Ces biais résultent d’« heuristiques » c’est-à-dire de raisonnements qu’ils appliquent de manière routinière, aux situations quotidiennes sans vérifier s’ils sont pertinents. Par exemple, beaucoup vont préférer une augmentation de salaire de 1 500 euros avec 5 % d’inflation au lieu d’un gain de 600 euros sans inflation, alors même que l’inflation annule le gain obtenu. De plus, ces auteurs montrent également que les individus surestiment les probabilités faibles, et sous-estiment les probabilités fortes, ce qui permet d’expliquer le paradoxe d’Allais. Enfin, d’autres facteurs que la rationalité peuvent jouer : la douleur psychique, les considérations éthiques, . . .

3.1.2 Choix individuels et choix collectifs 3.1.2.1 Le paradoxe de Condorcet

Condorcet met en évidence la non-transitivité de la majorité. Au sein d’un même électorat, il est possible qu’une majorité préfère A à B, qu’une autre préfère B à C, et qu’une troisième préfère C à A. Les décisions de la majorité prises seraient incohérentes par rapport à une décision individuelle. Par exemple, lors de l’élection présidentielle de 2007, ce paradoxe a trouvé une application très simple : Sarkozy était préféré à Royal, mais Bayrou était préféré à Sarkozy.

3.1.2.2 Le théorème d’impossibilité d’Arrow

K. Arrow a montré qu’il n’est pas possible de trouver une fonction d’agrégation des préférences individuelle en préférences sociales, à supposer que celle-ci respecte certains critères simples et indiscutables : l’universalité (la fonction doit être définie pour toutes les préférences possibles des agents.), l’indépendance des alternatives non-pertinente (la fonction de choix social doit classer toute paire d’options en tenant uniquement comptes des préférences individuels pour cette paire, et en ignorant les préférences individuelles pour d’autres options), la non-dictature (il ne doit pas un exister un individu tel que pour tout profil de préférence de la population, si cet individu préfère une option à une autre, la fonction de choix social ait la même préférence.), et la Pareto-efficacité (si tous les individus préfèrent une option à une autre, alors la fonction de choix social doit préférer cette option.)

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