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Chapitre 2 - La r´ eaction des ordres juridiques nationaux

B. Les initiatives nationales

6. Le cas du Royaume-Uni

Pour sa part, le Royaume-Uni a ´egalement adopt´e une loi sur l’all`egement de la dette

des pays en d´eveloppement, qui limite les remboursements auxquels les fonds vautours

peuvent pr´etendre dans les cas concernant des dettes de pays pauvres tr`es endett´es, aux sommes qu’ils auraient obtenues s’ils avaient pris part aux all`egements de dette n´egoci´es dans le cadre de l’Initiative PPTE436. En 2013, cette l´egislation a ´et´e transpos´ee dans les territoires d’outre-mer et les d´ependances de la Couronne de Jersey, Gernesey et l’ˆıle de Man. Toutefois, l’Initiative PPTE ne concernant aujourd’hui plus que trois pays, ces lois sont devenues moins pertinentes.

En 2015 le Royaume-Uni a ´egalement adopt´e une disposition dite  Transparency in

supply chains sur la transparence dans la chaˆıne d’approvisionnement de la loicontre l’esclavage moderne , le Modern Slavery Act437. Cette disposition oblige les soci´et´es domicili´ees ou qui font des affaires au Royaume-Uni `a rendre compte des mesures qu’elles prennent pour pr´evenir l’esclavage ou les trafics li´es aux droits humains dans leurs chaˆınes

433. En 2012 plusieurs fonds vautours ont profit´e de l’op´eration d’all`egement de la dette grecque pour racheter des obligations grecques `a prix cass´e, puis en demander le remboursement `a la valeur faciale.

434. C. civ., art. 2.

435. Cette limitation est d’autant plus dommageable que la plupart des cr´eances ´emises aujourd’hui comprennent des clauses d’action collective  (CAC) qui prot`egent les pays d´ebiteurs des actions de blocage des fonds vautours, et que les cr´eances les plus expos´ees aux actions des fonds vautours sont justement les cr´eances plus anciennes qui ne pr´evoyaient pas de CAC.

436. Debt relief (Developing Countries) Act 2010.

d’approvisionnement438.

Le d´eveloppement de l´egislations semblables par d’autres pays pourrait ´etendre le champ d’application et contraindre les soci´et´es transnationales `a respecter ces nouvelles r`egles.

Toutefois, il semble peu vraisemblable que tous les ´Etats membres de l’ONU adoptent

une telle l´egislation. De ce fait, la seule solution serait certainement la cr´eation d’un m´ecanisme international de r´esolution des dettes souveraines. Pour autant, les l´egislations nationales et les n´egociations internationales sur ce sujet doivent ˆetre comprises comme ´

etant compl´ementaires plutˆot que concurrentes ou antagonistes. Ainsi, des campagnes en faveur de telles l´egislations pourraient mˆeme contribuer `a augmenter la pression en faveur d’une solution multilat´erale.

Ces r´eactions des l´egislations nationales agr´ementent ainsi le contenu de l’ordre public, que les soci´et´es transnationales devront respecter.

Il est ainsi int´eressant d’´etudier les techniques juridiques qui permettent d’int´egrer au sein de l’ordre public contraignant pour les soci´et´es transnationales, des r`egles de soft law ou issues de la pratique internationale.

Les diff´erentes lois nationales adopt´ees, ainsi que les r´eformes ´evoqu´ees au niveau europ´een, d´ecrivent un mouvement de fond d’´evolution des ordres juridiques, mˆeme si le trait´e ONU instaurant des normes internationales contraignantes n’est pas adopt´e.

SECTION 2 - La technique juridique

Comme vu pr´ec´edemment, la notion d’ordre public permet parfois aux ordres juridiques

d’´ecarter les choix faits par les parties `a un contrat international afin de r´egir les situations dans lesquelles l’application des r`egles de choix entraˆıne le non-respect de principes inter-nationaux de protection des droits de l’homme ou de l’environnement. Cette technique de l’ordre public est d’autant plus essentielle aujourd’hui que les choix possibles sont de plus en plus larges.

M´ecaniquement, la notion d’ordre public va ´evoluer et se transformer de part l’´evolution et les changements de l’encadrement normatif induits par les diff´erents trait´es internationaux et notamment les trait´es d’investissement, ou encore les nouvelles l´egislations. Les juges

438. Dans la mˆeme lign´ee, en f´evrier 2017, le Parlement n´eerlandais a adopt´e le projet de loi sur  la diligence raisonnable en mati`ere de travail des enfantsqui s’appliquera `a compter du 1er janvier 2020.

et les arbitres vont ainsi faire entrer le droit international dans l’ordre public. L’ordre juridique transnational439 semble ainsi se construire en r´eaction aux choix observ´es dans les contrats internationaux.

L’arrˆet du 10 mai 2006 de la Cour de cassation440 illustre ainsi le rˆole du juge judiciaire qui ´evince des choix de loi et de proc´edure au nom de l’ordre public international. Dans cet arrˆet, la cour pr´ecise, en effet, que l’ordre public international s’oppose `a ce qu’un employeur puisse se pr´evaloir des r`egles de conflit de juridictions et de lois pour d´ecliner la comp´etence des juridictions nationales et ´evincer l’application de la loi fran¸caise dans un diff´erend qui pr´esente un rattachement avec la France. Il s’agissait, dans cette affaire, d’un contrat de travail international avec une employ´e du Nig´eria qui s’´etait r´efugi´ee en France.

Par ailleurs, la soci´et´e transnationale est d´esormais assujettie `a un principe ditobligation de vigilance pour risques environnementauxd´egag´e par les juges ´etatiques et d’arbitrage international. Ce principe de droit est un principe de droit transnational reposant sur la soft law d’entreprise qui permet aux juges nationaux (A) et aux arbitres internationaux (B) d’appliquer aux soci´et´es transnationales le droit international des droits de l’homme et de l’environnement et de d´elimiter concr`etement cette obligation. Ce principe est en-core peu connu car, quant `a sa nature, c’est un principe pr´etorien de droit transnational  d´ecouvert seulement depuis quelques ann´ees par des juges dans des textes nationaux,

internationaux ou transnationaux de plus en plus nombreux qui pr´evoient un duty of

care, des due diligence, ou de vigilance, tout particuli`erement dans le secteur extractif et en mati`ere environnementale. La nouveaut´e du r´egime de ce principe est l’identification d’un nouveau fautif : la soci´et´e m`ere. C’est, en effet, parce qu’elle a commis des fautes personnelles – un d´efaut de vigilance, un d´efaut dans son obligation de pr´evention dans sa sph`ere d’influence, ses filiales et sous-contractants - que sa responsabilit´e est retenue pour des dommages environnementaux n´es dans cette sph`ere d’influence. Cette faute per-sonnelle qui permet de  percer le voile de la personnalit´e morale  a pour cons´equence de donner un nouveau juge mais aussi une loi nouvelle – civile et p´enale - `a l’action en

responsabilit´e en raison d‘un dommage environnemental.

439. Voir sur cette notion Racine J.-B., L’arbitrage commercial international et l’ordre public, LGDJ, 1999.