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Chapitre 2 - La r´ eaction des ordres juridiques nationaux

A. Historique du trait´ e : le contentieux Petroleum

D`es 2006 et pendant toute la dur´ee du proc`es ´equatorien, la strat´egie de Chevron a d’abord consist´e `a porter l’affaire sur un autre terrain, celui des trait´es bilat´eraux d’investissement (TBI) dont la soci´et´e pr´etend qu’ils n’ont pas ´et´e respect´es par Quito. Deux recours dirig´es contre l’´Equateur sont engag´es `a la Cour permanente d’arbitrage de la Haye (d´esign´ee par le trait´e d’investissement am´ericano-´equatorien pour r´egler les litiges n´es de son applica-tion). Chevron reproche en particulier `a la justice ´equatorienne de n’avoir jamais statu´e sur 7 plaintes d´epos´ees par Texaco au d´ebut des ann´ees 1990, et qui avaient pour objet de r´egler plusieurs litiges li´ees aux op´erations du consortium d’exploitation. En 2009, une autre proc´edure est lanc´ee par Chevron, qui pr´etend que le jugement entam´e en ´Equateur est marqu´e de plusieurs irr´egularit´es relativement aux r`egles du commerce international et au trait´e bilat´eral d’investissement. Il est notamment reproch´e au juge ´equatorien de

proc´eder `a un traitement injuste et in´equitable des parties, `a un d´eni de justice, et `a une attitude discriminatoire `a l’´egard de Texaco.

La sentence arbitrale rendue le 23 septembre 2009 en application des r`egles de la

Com-mission des Nations Unies pour le droit commercial international348 dans l’affaire

Che-vron et sa filiale indirecte, Texaco Petroleum Company contre l’´Equateur estime que la

R´epublique de l’´Equateur a viol´e ses obligations en vertu de trait´es internationaux, ac-cords d’investissement et droit international. En vertu du trait´e bilat´eral d’investissement entre les ´Etats-Unis et la R´epublique de l’´Equateur sign´e en 1993, le tribunal arbitral a estim´e que l’´Equateur avait manqu´e `a ses obligations en vertu d’un accord de r`eglement de 1995 qui avait condamn´e la soci´et´e `a payer 9,5 milliards de dollars pour r´eparer les d´egˆats caus´es en Amazonie. Le tribunal a conclu que le jugement ´equatorien frauduleuxviolait la politique publique internationaleetne devrait pas ˆetre reconnu ou appliqu´e par les tribunaux d’autres ´Etats 349. Le tribunal estime que la R´epublique de l’´Equateur avait viol´e le droit international et ses obligations conventionnelles en publiant, confirmant et appliquant un jugement frauduleux contre Chevron.

En droit international, cette sentence confirme que Chevron n’est pas tenu de se conformer au jugement ´equatorien.

Cette sentence est en r´ealit´e un choix de trait´e internationaux. En effet, en invoquant le trait´e international d’investissement sign´e en 1993 entre l’Equateur et les Etats-Unis, Chevron d´eplace le litige dans le champ des trait´es d’investissement.

Par la suite, la cour permanente d’arbitrage de la Haye donne raison `a Chevron en 2010.

Elle condamne l’´Equateur au paiement de 96 millions USD et prononce une injonction

obligeant le gouvernement de Quito `a suspendre la mise en œuvre du jugement de

Su-cumbios. Cette d´ecision confirme la violation du droit international et du TBI entre les Etats-Unis et l’´Equateur par le gouvernement ´equatorien au motif du retard pris dans le traitement de plaintes port´ees par Chevron devant la justice ´equatorienne350.

Ces sentences arbitrales rendue par un tribunal arbitral en vertu du r`eglement d’arbitrage de la CNUDCI d´enoncent et vont totalement `a l’encontre de la proc´edure judiciaire men´ee

348. Chevron Corp. and Texaco Petroleum Corp. v. The Republic of Ecuador, UNCITRAL, PCA Case No. 2009-23.

349. https ://bilaterals.org/ ?international-tribunal-rules-for&lang=en

350. Chevron Corp. v. Republic of Ecuador, UNCITRAL Arbitration, Partial Award on the Merits, Mar. 31 2010, [consult´e le 27 f´evrier 2017]. Disponible `a l’URL : https ://www.italaw.com/documents/ChevronTexacoEcuadorPartialAward.PDF.

par les tribunaux ´equatoriens `a tous les niveaux.

La d´enonciation de la d´ecision issue d’une proc´edure judiciaire ´etatique par un tribunal arbitral met en cause la s´ecurit´e juridique et pose la question de l’effectivit´e des justices nationales. D`es 2011, en effet, apr`es avoir prouv´e le crime de Chevron et d´emontr´e les dommages `a la nature, `a la vie, `a la culture des peuples autochtones, le juge de Sucumbios avait reconnu Chevron coupable et condamn´e la soci´et´e `a payer 9,5 milliards de dollars pour r´eparer les d´egˆats caus´es en Amazonie. Ce jugement a ´et´e port´e en appel et en janvier 2012, la cour d’appel de Sucumb´ıos a ratifi´e la peine. Chevron a interjet´e appel devant la Cour nationale de justice et, en novembre 2013, les juges de cette cour ont ´egalement ratifi´e le verdict contre Chevron. En dernier recours, Chevron a interjet´e appel devant la Cour constitutionnelle, faisant valoir que ses droits avaient ´et´e viol´es dans le processus. Les 9 juges de la Cour constitutionnelle ont analys´e l’affaire et n’ont trouv´e aucun fait annulant le jugement. Le 10 juillet 2018, ils ont ratifi´e le verdict contre Chevron.

Mais parall`element `a l’affaire judiciaire, Chevron avait engag´e plusieurs actions contre les plaignants et contre l’´Etat ´equatorien, dont une proc´edure d’arbitrage international.

Par la suite, en 2016, lors d’une nouvelle proc´edure, le tribunal rejette les demandes en nullit´e de la sentence arbitrale de l’Equateur351 Cette seconde sentence illustre bien la notion de choix de hi´erarchie des normes. La demande de la nullit´e dans cette sentence d´emontre, en effet, que les parties ont tent´e de soumettre leur contentieux `a un autre tribunal afin que soit appliqu´e les r`egles de ce dernier.

Le syst`eme d’arbitrage semble ainsi agir en faveur des soci´et´es transnationales alors mˆeme qu’un syst`eme judiciaire a d´ej`a jug´e le contentieux.

Cette sentence est conforme aux d´ecisions des tribunaux des ´Etats-Unis, de l’Argentine, du Br´esil, du Canada et de Gibraltar, confirmant que le jugement ´equatorien est inapplicable dans tout pays qui respecte la primaut´e du droit. En effet, le tribunal a explicitement conclu qu’il serait contraire au droit international que les tribunaux de tout autre ´Etat reconnaissent ou appliquent le jugement frauduleux ´equatorien, rendant la d´ecision de justice ´equatorienne inapplicable dans ces ´Etats, `a la demande de la soci´et´e transnationale qui a saisi ces tribunaux.

351. The Republic of Ecuador v. Chevron Corp. and Texaco Petroleum Corp., District Court of the Hague, C/09/477457 / HA ZA 14-1291, 2016, [consult´e le 27 f´evrier 2017]. Disponible `a l’URL : https ://www.italaw.com/sites/default/files/case-documents/italaw7104.pdf.

En application des trait´es d’investissements, lors d’un contentieux il est tr`es souvent fait appel `a la justice arbitrale d’investissement – et non `a la justice ´etatique - pour les rapports entre ´Etats et soci´et´es transnationales. Les juridictions arbitrales, instaur´ees par les trait´es d’investissement semblent ainsi sup´erieures `a la justice civile nationale.

Dans de nombreux trait´es d’investissements, il existe de plus un standard international du traitement juste et ´equitable. La logique du droit est ´egalement de prot´eger l’investisseur, sans nier toutefois les pr´eoccupations de l’int´erˆet public352. C’est la raison pour laquelle le contentieux d’investissement est souvent li´e aux agissements de l’´Etat. Le caract`ere suffisant ou non de l’indemnit´e dans le cadre de la d´epossession d’un investisseur priv´e au nom de l’int´erˆet public montre ainsi que les agissements de l’´Etat sont contrˆol´es. Ce contrˆole est de surcroˆıt confi´e `a des arbitres, juges priv´es. Emmanuel Gaillard a ainsi dit `

a ce sujet que  l’on assiste aujourd’hui `a la naissance d’un contrˆole de la l´egalit´e des

agissements des ´Etats au regard des exigences du droit international d’une importance

comparable `a celle qui a vu, au XIXe si`ecle, la transformation, dans le seul ordre juridique fran¸cais, du rˆole du Conseil d’´Etat d’organe de conseil en v´eritable juge de la l´egalit´e des actes de l’administration 353.

Les victimes, quant `a elles, ne disposent pas de moyens de d´efense face aux agissements des soci´et´es transnationales. Les ´Etats ne prot`egent pas directement les victimes et cr´eent une situation d’impunit´e des soci´et´es transnationales. Les trait´es internationaux ne s’ap-pliquent en effet, selon l’approche classique du droit international, qu’entre les ´Etats. Les personnes priv´ees ne peuvent en b´en´eficier qu’indirectement. Les ´Etats font ainsi ´ecran au droit international, son applicabilit´e ´etant directement li´ee `a leur bonne volont´e et leur transposition effective en droit interne de certaines dispositions.

Cela entraˆıne ainsi une paralysie du syst`eme, du fait de la technique juridique : c’est-`a-dire de la possibilit´e octroy´ee par les trait´es d’investissement de saisir la justice arbitrale `a la place de la justice ´etatique via les trait´es d’investissement ou via les ´Etats qui s’opposent aux demandes des victimes contre les soci´et´es transnationales.

Cet ´etat de fait est en grande partie `a l’origine du mouvement de contestation des juri-dictions arbitrales et trait´es d’investissements.

352. Ben Hamida W.,  La prise en compte de l’int´erˆet g´en´eral et des imp´eratifs de d´eveloppements dans le droit des investissements, JDI, 2008. 999. Voir aussi, El Boudouhi S.,L’int´erˆet g´en´eral et les r`egles substantielles de protection des investissements, AFDI, 2005. 542.

Les derniers contentieux d’investissement impliquant fortement la soci´et´e civile sont, en effet, `a l’origine de cette ´evolution du droit international vers des r´eglementations qui prot´egeraient, de fa¸con effective, les victimes de l’agissement des soci´et´es transnationales. En raison de la mondialisation croissante de l’´economie internationale, de nombreux ac-cords portant sur la protection des investissements ont ´et´e sign´es de mani`ere bilat´erale entre deux ´Etats354. De ce fait, les conflits entre une soci´et´e et un ´Etat n’ont pas cess´e d’enfler. A la fin de l’ann´ee 2015 - derni`eres statistiques connues de la Cnuced - pr`es de 700 proc´edures ´etaient en cours. Et parmi les ´Etats les plus souvent attaqu´es l’Am´erique latine est en premi`ere ligne. L’Argentine occupe la premi`ere place (60 cas) suivie du Ve-nezuela (36). Le Mexique (25) et l’´Equateur (28) occupent respectivement le septi`eme et le huiti`eme rang.

Le jugement rendu par la Cour europ´eenne de justice355, au sujet des tribunaux priv´es d’arbitrage - Investor State Dispute Settlement (ISDS) - qui permettent `a des investisseurs d’attaquer des ´Etats aupr`es de juridictions priv´ees compos´es d’avocats d’affaires, opposant un assureur priv´e n´eerlandais `a l’´Etat slovaque est ainsi un exemple de cette ´evolution. La Cour invalide dans ce jugement le principe mˆeme de ces m´ecanismes d’arbitrage s’ils concernent des acteurs de l’Union europ´eenne. Dans cette affaire, le tribunal arbitral en question se trouvant `a Francfort, en Allemagne, la Slovaquie a d´epos´e un recours devant les juridictions allemandes pour annuler le jugement. C’est ainsi que la Cour f´ed´erale allemande de justice a demand´e `a la Cour de justice europ´eenne si la clause d’arbitrage contest´ee par la Slovaquie ´etait compatible ou non avec les trait´es europ´eens. La Cour de Justice a jug´e le 6 mars 2018 que la clause d’arbitrage en question ´etait incompatible avec le droit europ´een. Cette affaire pourrait soulever la remise en cause de nombreux trait´es d’investissement qui contiennent des clauses d’ISDS. Cette incompatibilit´e pourrait, par exemple, concerner le trait´e europ´een sur l’´energie, l’Enegry charter treaty, sur la base duquel la soci´et´e su´edoise Vattenfall a attaqu´e l’Allemagne aupr`es du tribunal arbitral de Washington. Le jugement pourrait aussi avoir des effets sur le cas d’arbitrage en cours qui oppose la multinationale fran¸caise Veolia `a l’´Etat lituanien356.

Ces tribunaux sp´eciaux d’arbitrage sont ainsi au cœur de ce qui soul`eve de nombreux

d´ebats et questions dans les accords de libre-´echange comme le Comprehensive Economic and Trade Agreement (C.E.T.A.), ou qui ´etaient pr´evus dans le Partenariat

transatlan-354. Pr`es de 3.000 sont recens´es par la Convention des Nations Unies pour le commerce et le d´eveloppement (Cnuced).

355. https ://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/ ?uri=CELEX :62016CJ0284&from=BG. 356. https ://icsid.worldbank.org/en/Pages/cases/casedetail.aspx ?CaseNo=ARB/16/3.

tique de commerce et d’investissement (PTCI) - TTIP pour ”Transatlantic Trade and In-vestment Partnership” - entre l’Union europ´eenne et les ´Etats-Unis, en permettant `a des investisseurs priv´es de faire condamner des ´Etats s’ils jugent leurs politiques d´efavorables `

a leur rentabilit´e. Les accords d’investissement contiennent tous en effet des tribunaux d’arbitrage permettant aux multinationales d’attaquer l’´Etat si elles s’estiment l´es´ees par

une l´egislation ou une expropriation abusive. Le tribunal du CIRDI a, par exemple,

ac-cord´e environ 380 millions USD `a la soci´et´e am´ericaine de p´etrole et de gaz Burlington Resources Inc. (Burlington) au titre de l’indemnisation pour expropriation ill´egale par l’´Equateur357. L’arbitrage de 2008 rendu en vertu du trait´e d’investissement bilat´eral (TBI) ´Etats-Unis-´Equateur a ainsi pris sa d´ecision en faveur d’une soci´et´e ´etrang`ere et non de l’´Etat et des victimes ´equatoriennes.

Ces dispositifs qui prot`egent les investissements ´etrangers ont ´egalement ´et´e d´eclar´es in-compatibles avec la Constitution par la Cour constitutionnelle ´equatorienne. Selon elle, ils portent atteinte `a la souverainet´e ´economique du pays en permettant aux soci´et´es ´

etrang`eres de recourir `a ces tribunaux d’arbitrage internationaux en cas de litige, quitte `

a mettre `a mal le budget du pays. La pr´esidente de la commission des lois en mati`ere de relations internationales, Maria Augusta Calle, a soulign´e que ces trait´es bilat´eraux d’investissement ont d´ej`a conduit `a une trentaine d’arbitrages, pour un montant d’environ 12 milliards de dollars, et que l’´Equateur a ´et´e condamn´e `a verser 1,83 milliard de dollars d’indemnisations. Le Centre international pour le r`eglement des diff´erends relatifs aux investissements (CIRDI), cr´e´e en 1965, sous l’´egide la Banque mondiale, pour arbitrer ces conflits, a, par exemple, condamn´e en 2015 l’´Equateur `a verser un milliard de dollars `a la compagnie p´etroli`ere am´ericaine OXY, pour rupture anticip´ee d’un contrat

d’exploita-tion. Une somme qui repr´esentait 3,3% du budget de l’´Etat en 2016. Dans ce mouvement

de d´efiance vis `a vis des tribunaux d’arbitrage, l’´Equateur du pr´esident Correa n’est pas isol´e. Le CIRDI a ´et´e d´enonc´e dans les ann´ees 2000 par l’Association latino-am´ericaine des juristes et par les grandes organisations du mouvement social. La Bolivie du pr´esident Evo Morales a signifi´e son retrait du CIRDI en 2007, fondant sa d´ecision sur le respect

de sa constitution. L’´Equateur a suivi deux ans plus tard en 2009 avant d’entamer la

d´enonciation de ses trait´es d’investissements bilat´eraux. Le Venezuela a annonc´e son re-trait d´ebut 2012. D’autres ´Etats, comme l’Argentine y ont r´efl´echit. Un projet de loi en ce sens circulait au sein du Congr`es argentin en 2012 sans que cela n’ait d´eclench´e un mouvement similaire aux trois autres pays d’Am´erique latine. Il faut aussi en ajouter un

quatri`eme, le Br´esil, qui lui n’a jamais reconnu le CIRDI.

Le projet de trait´e ONU montre la r´eaction de l’ordre international `a la question des trait´es d’investissement afin de trouver une solution pour indemniser les victimes, voire prot´eger en amont les victimes `a travers le principe de devoir de vigilance. Ce prin-cipe impose aux soci´et´es de contrˆoler le respect des droits humains tout au long de leur chaˆıne d’approvisionnement. Cette obligation, qui existe depuis le d´ebut des ann´ees 2 000 dans les textes internationaux destin´es aux multinationales n’est toutefois aujourd’hui pas contraignante.

La mise en œuvre de normes volontaires, en particulier les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, adopt´e en juin 2011358 constitue l’unique cadre existant actuellement `a l’´echelle internationale. Les principes directeurs sont une liste de 31 principes qui clarifient la port´ee de l’expression droits humainset des rˆoles attendus des ´Etats et des entreprises. Ils introduisent la notion de responsabilit´e de l’entreprise quant `a sa fili`ere d’approvisionnement, au-del`a des fronti`eres, de mˆeme que le concept deHuman rights due diligence ou en fran¸cais devigilance raisonnable en mati`ere de droits humains. Si ces principes directeurs sont un premier pas dans la bonne direction, ils pr´esentent n´eanmoins des d´efauts : leur port´ee est limit´ee en mati`ere d’abus et de m´ecanismes de r´eparation transfrontaliers et, surtout, leur application est volontaire. Actuellement, seuls 18 pays (dont la Belgique) ont d´eclin´e les principes directeurs en un plan d’action national sur les entreprises et les droits humains.

N’´etant pas une r´eponse suffisante pour pr´evenir les atteintes aux droits humains et `a l’environnement, un encadrement par le droit semble n´ecessaire.

La probl´ematique de l’encadrement des soci´et´es transnationales est, en effet, loin d’ˆetre nouvelle au sein des Nations Unies : depuis les ann´ees 1970 avait ´et´e fix´ee comme priorit´e l’´elaboration d’un ”code de conduite international”, et cr´e´es une Commission et un Centre des Entreprises Transnationales au sein de l’ONU. Mais alors qu’une premi`ere initiative

d’´elaboration de normes contraignantes avait eu lieu en 2003, ces normes n’ont jamais

´

et´e adopt´ees, en raison de l’opposition des ´Etats du Nord. Ces derniers, sous pression de nombreuses multinationales dont ils h´ebergent les si`eges, ont alors pr´ef´er´e promouvoir des

initiatives volontaires, du Pacte Mondial ( Global Compact ) en 2004 aux Principes

directeurs des Nations Unies sur les entreprises et les droits humains en 2011.

Ces principes s’ajoutent `a d’autres normes volontaires, comme les Principes directeurs de l’OCDE, qui pr´evoient un m´ecanisme national de m´ediation extrajudiciaire entre les

entreprises et les victimes, le  Point de Contact National  (PCN). Les insuffisances

du PCN ont ´et´e maintes fois point´ees par la soci´et´e civile internationale359, `a tel point que les organisations fran¸caises ont aujourd’hui cess´e de saisir le PCN fran¸cais. En effet, `

a l’heure actuelle, ce m´ecanisme ne permet pas de sanctionner r´eellement les entreprises violant les Principes directeurs et d’apporter justice et r´eparations pour les victimes. Les PCN agissent, en effet, en tant qu’instance de r´eglement non-juridictionnel des diff´erends. Ils offrent une plateforme de dialogue aux parties afin de contribuer `a r`egler les questions pos´ees par les plaignants sur les enjeux et les impacts sociaux, soci´etaux et environne-mentaux des activit´es des entreprises et de leurs relations d’affaires et sur le devoir de diligence des entreprises y compris dans les chaˆınes d’approvisionnement mondiales. Ils ont pour mission de r´epondre aux questions pos´ees sur l’effectivit´e des Principes directeurs de l’OCDE `a l’intention des entreprises multinationales.

Par cons´equent, l’absence de caract`ere contraignant de ces normes volontaires ne permet pas aux victimes de se d´efendre face aux soci´et´es transnationales œuvrant en application des trait´es d’investissement. Un instrument international contraignant destin´e `a pr´evenir les violations des droits humains par les multinationales et les p´enaliser en cas de man-quement afin de s’ins´erer dans le droit dur et ˆetre effectif pour la protection des victimes est ainsi en cours d’´elaboration.

Les atteintes aux droits humains et `a l’environnement caus´ees par les activit´es de mul-tinationales sont nombreuses : depuis la catastrophe industrielle de Bhopal en Inde en