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LE BEAU SELON KANT

Dans le document LA CONSCIENCE 11 (Page 38-46)

L’essentiel pour comprendre

LE BEAU SELON KANT

Dans sa Critique de la faculté de juger(1790), Kant a souligné en quelques formules décisives l’irréductibilité de la valeur esthétique.

1. Le beau est l’objet d’une satisfaction désintéressée Cette formule nous invite à distinguer l’émotion esthétique de la sen-sualité naturelle. La « nature morte » qui donnerait envie de manger, le « nu » qui réveillerait le désir sexuel, perdraient leur qualité d’œuvres d’art. Bien loin de servir d’aliments à nos désirs charnels, les œuvres d’art, objets d’une contemplation désintéressée, nous déli-vrent du désir. Cette première formule peut être opposée à toutes les esthétiques naturalistes qui définissent la beauté par l’utile ou par un intérêt, un plaisir purement subjectifs.

2. La beauté est la forme de la finalité de l’objet, mais en dehors de toute représentation d’une fin

En quoi consiste cette « finalité sans fin » ? L’œuvre d’art a une finalité parce qu’elle est une harmonie. C’est une « finalité sans fin » parce que l’harmonie de l’œuvre n’est au service d’aucune fin extérieure à l’art. L’œuvre ne signifie rien d’autre qu’elle-même ; elle ne vaut que par elle-même, et non par l’idée ou le « message » dont on pourrait la croire porteuse. Il n’est pas besoin d’être croyant pour admirer les chefs-d’œuvre de l’art sacré.

3. Est beau ce qui plaît universellement sans concept

Kant met en lumière une ambiguïté fondamentale de la valeur esthétique. L’œuvre d’art vraiment belle a une valeur universelle elle est reconnue telle par tous les hommes compétents, dont le goût a été éduqué. Elle a même, dit Kant, une valeur nécessaire(on ne peut pas ne pas reconnaître, par exemple, la supériorité de Vermeer sur tel petit maître hollandais). Pourtant cette universalité et cette nécessité – qui sont au premier chef des caractères de la rai-son – rai-sont reconnues sans concept. Elles ne rai-sont accessibles qu’au sentiment. La valeur d’une œuvre n’est pas quelque chose qui se démontre par de froids raisonnements. Elle s’éprouve, mais ne se prouve pas.

Le point sur...

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A. C’est la société qui corrompt l’homme

Dans son premier ouvrage, le Discours sur les sciences et les arts (1750), Rousseau se déclare l’ennemi de la civilisation. Pour lui, le progrès des sciences et des techniques a rendu l’homme vicieux et méchant, en corrompant sa nature intime. On résume souvent la thèse de Rousseau en ces termes : l’homme est bon par nature, c’est la société qui l’a corrompu. Ne se fera-t-il pas le champion, dans l’Émile (1762), d’une pédagogie naturaliste qui fait confiance aux tendances spontanées de l’enfant et répond à ses besoins pro-fonds, au lieu de le soumettre à des contraintes artificielles ? Si Rousseau est loin de prôner le retour à un « état de nature » à jamais révolu (et qui n’est d’ailleurs évoqué qu’à titre de « conjec-ture » dans le second Discours), il postule cependant l’innocence originelle de l’humanité, laquelle aurait été corrompue par l’avè-nement de la société, avec tout son cortège de maux : la propriété, la division du travail, la servitude, le despotisme, les inégalités sociales… « Tout est bien sortant des mains de l’Auteur des choses », écrit Rousseau au début de l’Émile ; « tout dégénère entre les mains de l’homme ».

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LA SOCIÉTÉ

1 LA SOCIÉTÉ ET LA RÉPRESSION DES INSTINCTS

L’essentiel pour comprendre

B. La répression sociale des pulsions

Pour Freud au contraire, l’agressivité est constitutive de la nature humaine, et la société, loin de corrompre les hommes, prend soin d’étouffer toutes les pulsions susceptibles de menacer la cohésion du groupe. C’est du moins ce qu’il montre dans Malaise dans la civili-sation (1929). Ici, le terme de civilicivili-sation (Kultur en allemand)

« désigne la totalité des œuvres et des organisations dont l’institution nous éloigne de l’état animal […] et qui servent à deux fins : la pro-tection de l’homme contre la nature et la réglementation des relations des hommes entre eux ». Or, bien que la civilisation vise à long terme le bonheur des hommes, « elle repose sur le renoncement aux pul-sions instinctives ». L’édifice de la civilisation exige le travail, donc le sacrifice ou en tous cas le report des désirs immédiats. En particu-lier, les pulsions sexuelles (ce que Freud appelle la libido) subissent, du fait de l’organisation sociale, de graves dommages. Et même si l’on peut imaginer une organisation sociale où la libido serait moins réprimée que dans la culture occidentale moderne, il reste que les pul-sions agressives naturelles devront toujours être contrôlées et endi-guées par l’organisation sociale. Pour Freud en effet, l’homme n’est pas naturellement bon : « L’homme n’est point cet être débonnaire, au cœur assoiffé d’amour, dont on dit qu’il se défend quand on l’attaque, mais un être, au contraire, qui doit porter au compte de ses données instinctives une bonne somme d’agressivité », écrit-il. Cette agressi-vité naturelle doit donc et devra sans relâche être réprimée par la société.

A. Le libéralisme économique

La propriété privée des biens de consommation (habits, bijoux, automobiles et même villas de plaisance) est reconnue légitime dans toutes les sociétés. Ce qui fait problème, ce qui oppose les partisans du capitalisme libéral et ceux du socialisme, c’est la propriété des moyens de production. Est-il légitime que je possède un champ, une usine, un immeuble de rapport pour les exploiter ou les faire exploiter par d’autres à mon profit ?

Chapitre 32 La société

LA QUESTION SOCIALE ET LE PROBLÈME DE LA PROPRIÉTÉ

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Les partisans du capitalisme libéral approuvent le principe de la pro-priété privée des moyens de production. Dans ce système, les trois classes sociales essentielles sont les capitalistes, qui possèdent des moyens de production et les font exploiter par d’autres, les artisans, qui les exploitent eux-mêmes, et les salariés, qui ne possèdent que leur force de travail (qu’ils louent au capitaliste contre un salaire). Pour les libéraux, l’État doit laisser jouer, aussi bien pour les prix que pour les salaires, la loi « naturelle » de l’offre et de la demande. Le rôle de l’État se borne à protéger la propriété privée. Prolongement naturel de la personne, fruit légitime du travail, la propriété privée serait avant tout une garantie de prospérité pour tous les membres de la collectivité. Le propriétaire d’un champ, d’une usine, d’un commerce, est le premier intéressé à la bonne marche de son entreprise – et d’autant plus que l’institution de l’héritage lui permettra de transmettre son bien à ses descendants.

B. La critique du libéralisme

Mais cet optimiste libéral paraît à beaucoup être démenti par les faits. Au XIXesiècle, à côté de capitalistes florissants et souvent oisifs, la classe ouvrière vit dans une misère effroyable. Le droit de propriété a pu ainsi être considéré comme l’origine de l’exploitation de l’homme par l’homme.

Marx, dans son grand ouvrage Le Capital (1867-1894), prétend montrer le caractère inhumain du capitalisme et déduire scientifique-ment la fin de ce régime destiné à périr de ses propres contradictions.

Le capitalisme est inhumain parce que le travail ouvrier est considéré comme une marchandise, comme une chose, et payé à ce titre. Or, une chose vaut la quantité de travail qu’il faut pour la produire ; considéré comme chose, le travail ouvrier vaut exactement ce qu’il faut pour que l’ouvrier puisse reconstituer sa force de travail pour le lendemain. Un peu de nourriture, quelques habits, le patron paiera tout cela comme il paie l’huile de la machine. Seulement, le travail ouvrier est une mar-chandise singulière qui a la propriété de produire à son tour de la valeur et une valeur plus élevée que sa propre valeur de marchandise.

En langage plus simple, l’ouvrier rapportera au patron plus qu’il ne lui a coûté. Le bénéfice produit, c’est la plus-value (liée comme on voit, à l’origine, au fait que le travail est traité comme une chose).

Cependant, le libéralisme absolu n’a plus guère de défenseurs. Tout le monde accorde que l’État doit, en fixant un salaire minimum, en limi-tant la durée du travail ou en imposant des congés pour les travailleurs, intervenir pour éviter les injustices et l’exploitation.

A. Nation, patrie, État

Tandis que la nation est une communauté vivante, résultant de l’his-toire, reconnue et aimée – sous le nom de patrie – par chacun de ses membres, l’État désigne une communauté juridique, c’est-à-dire un ensemble d’individus soumis à une même législation, à une même autorité politique. Plus précisément, l’État désigne cette autorité elle-même. L’État, c’est le gouvernement et l’ensemble des structures par lesquelles il manifeste son autorité. Un État peut réunir plusieurs nations (comme autrefois l’État autrichien des Habsbourg). Une nation peut, comme la Pologne jadis, être partagée entre plusieurs États.

B. Les fonctions de l’État

Les fonctions les plus essentielles et les plus anciennes de l’État sont les fonctions de défense nationale, les fonctions de police et de justice. Les transports, les services sociaux, l’éducation appartiennent parfois au secteur privé, mais l’État peut aussi les assurer. Par exemple, l’enseignement public en France, qui existe à côté d’un enseignement « privé », a pour mission de proposer à tous une éduca-tion gratuite et « laïque », c’est-à-dire convenant à l’ensemble des citoyens, quelle que soit leur appartenance religieuse.

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L’ÉTAT

1 DÉFINITIONS

L’essentiel pour comprendre

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Quel est le fondement de l’autorité de l’État ? Sur ce problème, on peut distinguer trois réponses, qui correspondent chacune à une doctrine politique particulière : l’absolutisme, l’anarchisme et la démocratie.

A. Une conception théologique de l’État

On désigne sous le nom d’absolutisme, ou de totalitarisme, la doctrine qui accorde à l’État un pouvoir absolu. L’individu n’a pas de valeur en lui-même, il est réduit à l’obéissance. Dans cette perspective, l’autorité de l’État ne saurait émaner des individus eux-mêmes : elle a une origine transcendante. Ou bien le souverain est Dieu lui-même (théocratie), comme le pharaon égyptien qui est l’incarnation terrestre du dieu Horus, ou comme l’empereur divinisé de la Rome antique. Ou bien le souverain est le représentant de Dieu sur la terre. C’est, dans une certaine mesure, le cas des rois et des empereurs chrétiens de l’ancienne Europe. Sans doute le roi n’est-il le maître que des affaires temporelles, l’Église présidant au domaine spirituel. Toujours est-il que le pouvoir n’émane pas des indivi-dus et que le souverain n’est pas responsable devant ses sujets. D’après Bossuet, l’État n’a pas à rendre des comptes aux hommes. Le roi, « oint du Seigneur », n’est responsable que devant Dieu, et « il ne reste aux par-ticuliers aucun droit contre la puissance publique ». Cet absolutisme suppose une philosophie pessimiste de l’homme. Si les sujets doivent au Souverain, représentant de Dieu, une obéissance inconditionnelle, c’est parce que l’homme, en raison du péché originel, est radicalement mauvais.

B. L’État divinisé

Hegel et surtout, à sa suite, les néo-hégeliens de droite (parmi les-quels les « fascistes »), adoptent et poussent à la limite la théorie abso-lutiste. Ici, c’est l’État lui-même qui est divinisé. L’État n’est pas un simple « agrégat d’individus », un simple moyen destiné à assurer la sécurité de chacun, mais il est une réalité plus haute et plus essentielle que les individus. Il est comme un organisme dont les individus ne seraient que les organes. Il arrache ces derniers à leur égoïsme, les introduit dans une existence de dévouement et de sacrifice. L’État n’est pas autre chose que l’incarnation de l’Esprit dans la réalité, le « Dieu réel », le « terrestre divin ». Un tel État sera qualifié de totalitaire, car aucun aspect de la vie de ceux qui lui sont soumis ne lui échappe.

Chapitre 33 L’État

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2 L’ABSOLUTISME

Le dictateur Benito Mussolini (1883-1945), qui prit le pouvoir en Italie après la Première Guerre mondiale, condamnait tout à la fois le

« mythe » de la liberté individuelle et celui des « valeurs universelles » (la justice, la vérité). Pour lui, les individus doivent s’effacer devant l’État totalitaire et absolu. « Tout dans l’État, rien contre l’État, rien en dehors de l’État », se plaisait-il à répéter.

A. L’État, cimetière des libertés

Les anarchistes – les russes Bakounine et Kropotkine, les français Éli-sée Reclus et Jean Grave – voient tout au contraire dans l’État le mal radical et dans l’Individu la valeur suprême. Pour eux, l’obéissance du citoyen est une abdication, une destruction de sa personnalité. La révolte est permise contre toute autorité : « Ni Dieu ni Maître ! », s’écrie Jean Grave (1854-1939). L’État est condamné parce qu’il est le fossoyeur des libertés ou, comme le dit Bakounine (1814-1876), « un immense cimetière où viennent s’enterrer toutes les manifestations de la vie individuelle ». Non seulement l’État détruit la liberté des indivi-dus vivants, mais l’État, parce qu’il rompt la solidarité universelle, parce qu’il ne se pose qu’en s’opposant à d’autres États – ce qui engendre la guerre et ses souffrances –, apparaît comme le plus grand obstacle à l’épanouissement de valeurs réellement universelles.

B. Un optimisme naïf

Comprenons bien que les anarchistes ne sont pas pour autant des immoralistes antisociaux. Ils sont au contraire persuadés que l’indi-vidu ne peut s’épanouir que dans les relations de la vie communau-taire. Mais il s’agit pour eux de liens sociaux librement consentis.

L’État, avec ses contraintes artificielles, n’est qu’une caricature de la société naturelle. Les anarchistes réclament donc une révolution qui abattra l’État, ses juges, ses policiers, ses armées. Sur les ruines de l’État pourront alors s’établir de libres associations.

La doctrine anarchiste implique un postulat tout à fait opposé à celui des absolutistes, ou des partisans de l’État totalitaire. Pour ces derniers en effet, les hommes sont bêtes et méchants ; il faut donc les soumettre à une discipline sévère. À ce pessimisme foncier, les anar-chistes opposent un optimisme naïf ; pour eux, l’homme est bon par

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3 L’ANARCHISME

nature, il ne demande qu’à aider son semblable, il n’a pas besoin de l’organisation artificielle, contraignante et répressive de l’État.

A. L’État, garant des libertés individuelles

La théorie démocratique de l’État réconcilie l’idée de liberté indi-viduelle avec celle de discipline étatique. Les démocrates accordent aux anarchistes que la personne humaine est la seule valeur, et le bon-heur des personnes la seule « fin en soi ». Mais, contre les anarchistes, ils pensent que l’État – cette abstraction incarnée en institutions, en administrations et en règlements – est indispensable. L’État n’est plus, comme pour les totalitaristes, une fin en soi ; l’État est un moyen nécessaire pour la réalisation des aspirations individuelles. Il faut une autorité, une organisation, pour protéger la liberté de chacun contre les empiétements injustifiés d’autrui.

C’est ce qu’a bien vu Rousseau, dont le Contrat social (1762) peut être considéré comme la « charte de toute démocratie » (voir p. 188).

L’État n’a d’autre but que de réaliser, de garantir la liberté et l’égalité auxquelles les individus ont naturellement droit. La loi sera donc ainsi, non pas le tombeau, mais la réalisation même de la liberté :

« L’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté », écrit Rousseau.

B. La « volonté générale »

Le « contrat social » consiste à ne reconnaître d’autre autorité législative que la volonté générale qui est, au fond, la volonté raisonnable, présente en tout individu quand il délibère « dans le silence des passions ».

L’opposition des passions rend « nécessaire » le contrat ; l’accord des hommes délibérant sur leurs intérêts communs et raisonnables le rend

« possible ». Cependant, comme la volonté générale ne saurait être à tout instant la volonté universelle, comme il se trouvera toujours quelque citoyen pour contester l’adoption de telle ou telle loi, on convient de tenir pour volonté générale celle de la majorité. La liberté de la minorité n’est pas pour autant aliénée, car on peut considérer que c’est à l’unanimité que les individus ont décidé de se soumettre aux volontés de la majorité (la minorité conservant d’ailleurs sa liberté d’expression et de critique).

Tel est du moins le postulat de toute démocratie.

Chapitre 33 L’État

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4 LA THÉORIE DE L’ÉTAT DÉMOCRATIQUE

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