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PARTIE I : CADRE THÉORIQUE

I. La dépression du sujet âgé

1.2 C LASSIFICATION ET DIAGNOSTICS

Il existe à l'heure actuelle deux classifications des troubles mentaux reconnues par une majorité d'experts internationaux. Elles reposent sur une approche catégorielle du trouble mais avec quelques nuances au niveau des diagnostics définitifs :

Le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, 5e édition (connu sous le nom de "DSM-

V") datant de mai 2013 (APA, 2013) est édité par l'Association Américaine de Psychiatrie.  La Classification statistique Internationale des Maladies et des problèmes de santé

connexes, 10e révision (connue sous le nom "CIM-10") (Pull, 1994) éditée par l'Organisation

mondiale de la Santé.

La table correspondant au critère de dépression majeure du DSM-V est détaillée en figure 27. Au moins cinq symptômes spécifiques de cette table doivent être présents pour établir le diagnostic. Il faut obligatoirement que l’un des symptômes "humeur dépressive" ou "perte d'intérêt ou de

plaisir" soit présent. Enfin, il faut également que ces symptômes aient une durée minimale de 2

semaines.

La classification CIM-10 diffère du DSM-V parce que seulement 4 symptômes sont nécessaires pour poser le diagnostic d'épisode dépressif. Il existe deux rangs de symptômes regroupés en un plus ou moins grand nombre en fonction de la sévérité de la pathologie (figure 28). Les symptômes doivent persister pendant au moins deux semaines (devant une symptomatologie sévère ou un risque suicidaire le délai de deux semaines n'est pas retenu).

L'ensemble de ces signes cliniques rencontrés dans la dépression du sujet adulte peut se rencontrer dans la clinique de la dépression du sujet âgé. Il n'existe pas dans le DSM-V et dans la CIM-10 de chapitre spécifique concernant la dépression du sujet âgé. Cependant, chez la personne âgée, il existe des caractéristiques et des spécificités particulières qui peuvent rendre le diagnostic de la dépression difficile. Ces particularités ont un impact important sur le pronostic et le devenir des personnes âgées.

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Figure 1: Critères diagnostiques d’un épisode dépressif majeur selon le DSM-V

Figure 2: Critères diagnostiques d'un trouble dépressif selon la CIM-10

F32: Episode dépressif

 Léger: deux critères sous A) et deux critères sous B)

 Moyen: deux critères sous A) et trois critères sous B)

 Sévère: tous les critères sous A) et C) et quatre critères sous B A) 1. humeur dépressive

2. diminution marquée de l’intérêt ou du plaisir 3. augmentation de la fatigabilité

B) 4. diminution de la concentration et de l’attention 5. manque de confiance en soi

6. sentiment de culpabilité ou dévalorisation 7. attitude pessimiste face à l’avenir 8. idées ou actes suicidaires (auto agressifs) 9. perturbation du sommeil

10. diminution de l’appétit

C) 11. ralentissement psychomoteur ou agitation

A. Au moins cinq des symptômes suivants doivent avoir été présents pendant une même période d'une durée de deux semaines et avoir représenté un changement par rapport au fonctionnement antérieur; au moins un des symptômes est soit (1) une humeur dépressive, soit (2) une perte d'intérêt ou de plaisir. NB. Ne pas inclure des symptômes qui sont manifestement imputables à une affection générale.

1. Humeur dépressive présente pratiquement toute la journée, presque tous les jours, signalée par le sujet (sentiment de tristesse ou vide) ou observée par les autres (pleurs).

2. Diminution marquée de l'intérêt ou du plaisir pour toutes ou presque toutes les activités pratiquement toute la journée, presque tous les jours.

3. Perte ou gain de poids significatif (5%) en l'absence de régime, ou diminution ou augmentation de l'appétit tous les jours.

4. Insomnie ou hypersomnie presque tous les jours.

5. Agitation ou ralentissement psychomoteur presque tous les jours. 6. Fatigue ou perte d'énergie tous les jours.

7. Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée (qui peut être délirante) presque tous les jours (pas seulement se faire grief ou se sentir coupable d'être malade).

8. Diminution de l'aptitude à penser ou à se concentrer ou indécision presque tous les jours (signalée par le sujet ou observée par les autres).

9. Pensées de mort récurrentes (pas seulement une peur de mourir), idées suicidaires récurrentes sans plan précis ou tentative de suicide ou plan précis pour se suicider.

B. Les symptômes induisent une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d'autres domaines importants.

C. Les symptômes ne sont pas imputables aux effets physiologiques directs d'une substance ou d'une affection médicale générale.

D. L’épisode ne répond pas aux critères du trouble schizoaffectif et ne se superpose pas à une schizophrénie, à un trouble schizophréniforme, à un trouble délirant ou à un autre trouble psychotique.

E. Il n’y a jamais eu d’épisode maniaque ou hypomaniaque.

Note: La réponse normale et attendue en réponse à un événement impliquant une perte significative (ex : deuil, ruine

financière, désastre naturel), incluant un sentiment de tristesse, de la rumination, de l’insomnie, une perte d’appétit et une perte de poids, peuvent ressembler à un épisode dépressif. La présence de symptômes tels que sentiment de dévalorisation, des idées suicidaires (autre que vouloir rejoindre un être aimé), un ralentissement psychomoteur, et une altération sévère du fonctionnement général suggèrent la présence d’un épisode dépressif majeur en plus de la réponse normale à une perte significative.

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1.3 L

ES CONSEQUENCES SANITAIRES ET SOCIALES

Les plaintes thymiques et affectives peuvent être à l'origine d'une souffrance mais peuvent également impacter le fonctionnement quotidien du sujet. La dépression augmente le risque de mortalité chez le sujet âgé (R. Schulz, Drayer, & Rollman, 2002). Le risque de mortalité par suicide est le principal facteur de risque évolutif de la dépression du sujet âgé. Lorsque l'on analyse le taux de suicide chez les personnes de plus de 65 ans souffrant de dépression, nous observons que le taux de suicide pour 100 000 est quatre fois supérieur à celui de l'adulte jeune (figure 31) (DRESS, 2001, 2011). Près de 3000 personnes de plus de 65 ans se suicident tous les ans en France ce qui représente près du tiers des suicides selon les derniers chiffres publiés par le Centre d'épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc, 2011). Par ailleurs, 90% des tentatives de suicides chez les personnes âgées sont reliées à un état dépressif et il a été montré que 75% des personnes âgées commettant un suicide ont consulté leur médecin généraliste dans le mois qui précédait le décès (Alexopoulous, 1992).

La dépression a également un impact important sur la qualité de vie des personnes âgées. Certaines personnes vont progressivement s'isoler et fuir les contacts sociaux entrainant ainsi une aggravation des symptômes. Nous observons par ailleurs chez les personnes âgées dépressives une grande fréquence de passage à la chronicité et de rechute (Alexopoulos, 2005; Gurland, 1992).

Une autre conséquence importante de la dépression du sujet âgé est le coût économique et financier. La dépression peut entrainer des admissions dans des maisons de retraite, un besoin d'aide professionnelle coûteuse, notamment en milieu hospitalier (Katon, Lin, Russo, & Unutzer, 2003). D'ici 2020, l'Organisation Mondiale de la Santé prédit que l'impact de la dépression dépassera l'impact des maladies cardiaques et cérébro-vasculaires (OMS, 2002).

Améliorer le diagnostic de la dépression chez la personne âgée revêt donc un enjeu majeur de santé publique. Cependant, l'importance des comorbidités peut entrainer des problèmes de diagnostic. La dépression peut être masquée par d'autres comorbidités et il est important de les connaitre afin d’améliorer la compréhension de la physiopathologie de la dépression chez la personne âgée, et par la suite sa prise en charge.

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Figure 3: Taux de suicide en France en 1997, exprimé par classe d’âge et par sexe pour 100 000

habitants (Frémont & Belmin, 2003).

2 CARACTERISTIQUES DE LA DEPRESSION DE LA PERSONNE AGEE