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L ES DOMAINES COGNITIFS AFFECTES DANS LA DEPRESSION 1 La vitesse de traitement de l'information

PARTIE I : CADRE THÉORIQUE

I. La dépression du sujet âgé

3.1 L ES DOMAINES COGNITIFS AFFECTES DANS LA DEPRESSION 1 La vitesse de traitement de l'information

Le ralentissement du traitement de l'information est une des altérations cognitives les plus rapportées dans la dépression du sujet âgé (Hardy, Jouvent, & Widlocher, 1984; Lemke, Broderick, Zeitelberger, & Hartmann, 1997; Parker et al., 1995). Il est souvent confondu avec le ralentissement physiologique constaté dans le vieillissement. Chez les personnes âgées dépressives, le ralentissement psychomoteur possède des caractéristiques propres mesurables notamment par l’étude du TR et caractérisé par une atteinte spécifique des étapes décisionnelles et d’ajustement (Bonin-Guillaume, Hasbroucq, & Blin, 2008). Pour certains auteurs, cette altération de la vitesse de traitement serait responsable de la diminution des performances cognitives dans les autres domaines (Sheline et al., 2006). Compte tenu du caractère interactif du fonctionnement cognitif, il est difficile d’imaginer qu’un déficit touchant une composante de traitement particulière n’affecte pas secondairement d’autres composantes. Par exemple, l’étude de Butters et al. (2004) a montré que certaines performances cognitives nécessitant un encodage rapide de l'information seraient réduites du fait du ralentissement de la vitesse de traitement de l'information.

3.1.2 Les fonctions exécutives

Les fonctions exécutives jouent un rôle central dans la dépression de la personne âgée (Lockwood et al., 2002). En effet, elles entrainent le plus souvent une modification des activités de la vie quotidienne (Potter & Steffens, 2007) et ont un fort retentissement au niveau de l’autonomie. De nombreuses études ont rapporté une altération de ce domaine cognitif chez la personne âgée dépressive (Boone et al., 1995; Sheline et al., 2006) au niveau de la planification, des processus d'attention partagée ou sélective, de l'inhibition et de la flexibilité mentale avec des tailles d’effet variables.

La dépression chez la personne âgée entrainerait une diminution des capacités de flexibilité mentale (Beats, Sahakian, & Levy, 1996; Rose & Ebmeier, 2006), c'est-à-dire que les personnes âgées dépressives présenteraient des difficultés à détourner rapidement leur attention d’une situation à une autre afin de répondre de manière adaptée à la nouvelle situation. En effet, lors de la réalisation du

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test de cartes modifiées du Wisconsin (WCST) (Channon, 1996), les patients dépressifs présenteraient des difficultés à découvrir les critères de classement des cartes et effectueraient de nombreuses persévérations correspondant à une diminution de la flexibilité réactive. En d’autres termes, les personnes âgées dépressives auraient des difficultés à changer de critère lorsque celui-ci n'est plus approprié (Grant, Thase, & Sweeney, 2001).

Baudic et al. (2004) ont étudié les fonctions exécutives dans une population composée de 21 sujets dépressifs âgés de 71.8 ans en moyenne. Cette étude a mis en évidence une diminution des performances aux différents tests évaluant différents aspects des fonctions exécutives et comprenant entre autres les séquences graphiques de Luria (séquence motrice), le trail making test partie B (TMT- B - flexibilité mentale), le test de classement de carte modifié (MSCT) (processus de déduction et maintien des règles) et le test de Stroop (interférence). En 2007, une nouvelle étude de Baudic et al. a évalué l'impact du ralentissement psychomoteur sur les fonctions exécutives chez 15 sujets âgés atteints de dépression unipolaire sévère appariés à 15 sujets contrôles. Les patients dépressifs présentaient une diminution des performances à des tests évaluant la flexibilité cognitive, les processus de planification, d'initiation, de la catégorisation et de la sensibilité à l'interférence. Dans cette étude, l’intensité du ralentissement dépressif n’a pas influencé la survenue des déficits aux épreuves exécutives contrairement à la sévérité de la dépression. De nombreuses autres études ont montré une baisse des fonctions exécutives chez les patients dépressifs (Elliott, 1998; F. C. Murphy et al., 2001) corrélée positivement en fonction de la sévérité de la dépression, de la dégradation cognitive (Smith, Brebion, Banquet, & Allilaire, 1994), de la durée du trouble (Borkowska & Rybakowski, 2001), mais pas avec le ralentissement psychomoteur (Smith et al., 1994). L'impact du ralentissement sur les fonctions exécutives est donc controversé. En effet, d'autres études ont mis en évidence une augmentation de l'interférence et des troubles de l'attention en lien avec le ralentissement (Benoit et al., 1992; Lemelin et al., 1996). D'après ces études, le ralentissement aurait un effet plus important sur les performances aux tâches mesurant les capacités d'inhibition.

L'inhibition correspond à l'ensemble des processus qui permettent d'une part d'empêcher que des informations non pertinentes ne passent en mémoire de travail, et d'autre part de supprimer des informations précédemment pertinentes mais qui sont devenues inutiles (Bjorklund & Harnishfeger, 1995; Katherine Kipp Harnishfeger & Bjorklund, 1994). En d'autres termes, il s'agit d'un mécanisme flexible, adaptatif, et susceptible de se modifier selon les attentes et les variations du contexte (May, Kane, & Hasher, 1995). La réduction des performances aux tâches d'inhibition est

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fortement liée à la dépression (Deguigne et al., 2012; Gohier et al., 2009; Joormann, Yoon, & Zetsche, 2007; Lemelin et al., 1996). Les sujets dépressifs âgés présenteraient des performances cognitives diminuées dans les trois fonctions de l'inhibition cognitive du modèle théorique de Hasher (1999), à savoir l'accès (restriction d'accès à l'information non pertinente), la suppression (suppression des informations non pertinentes) et la retenue (rétention de la réponse effective en mémoire de travail) (Richard-Devantoy, Jollant, et al., 2012). Dans leur étude, Dombrovski et al. (2008) ont montré que la baisse des ressources cognitives et des capacités d'inhibition est plus importante chez des personnes âgées dépressives ayant effectué des tentatives de suicide ou ayant de fortes idéations suicidaires. Les sujets suicidaires présenteraient un déficit de suppression et de retenue qui aurait un effet délétère sur la réponse aux événements stressants entrainant par la même occasion une augmentation du risque suicidaire (Richard-Devantoy, Gorwood, et al., 2012).

3.1.3 Mémoire et apprentissage

Des résultats contradictoires ont été mis en évidence dans des études menées chez les personnes âgées dépressives concernant la mémoire et les mécanismes d'apprentissage. Elderkin- Thompson et al. (2006) ont montré que les troubles de la mémoire ne seraient que secondaires à la présence de troubles des fonctions exécutives. Les sujets dépressifs âgés ne présenteraient pas de déficit au niveau de la mémoire verbale, de l'apprentissage implicite et de la fluence verbale (Elderkin-Thompson, Moody, Knowlton, Hellemann, & Kumar, 2011), mais plutôt une altération de la mémoire épisodique (Elderkin-Thompson et al., 2004). D'autres auteurs ont cependant montré une diminution des capacités d'apprentissage ou de mémorisation de nouvelles informations (Beats et al., 1996; Potter & Steffens, 2007). Cette altération des processus de mémorisation serait liée à un déficit des capacités d'encodage de l'information. Les processus de rappel de l'information seraient également altérés en raison d'une déficience dans le traitement des souvenirs. Weisenbach et al. (2012) ont confirmé la diminution des capacités d'apprentissage et de rappel chez des sujets dépressifs âgés, mais ont montré une préservation de ces performances lors de tâches de rappel indicé et de reconnaissance. Au niveau des capacités d'apprentissage, McClintock et al. (2010) ont mis en évidence dans leur revue une diminution des capacités d'apprentissage chez des sujets dépressifs âgés. Les sujets dépressifs présenteraient un déficit au niveau de l'apprentissage spatial mesuré à l'aide de la batterie informatisée de tests neuropsychologiques de l'Université de Cambridge, de l'apprentissage de listes de mots lors de la réalisation du test d'apprentissage auditivo-verbal de

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Rey et du test d'apprentissage verbal de Californie. Ces tests ont montré une dégradation de la mémoire épisodique dans la dépression de la personne âgée. Il n’y a pas de consensus clairs sur les mécanismes d’actions qui seraient responsables de cette atteinte des processus de mémorisation, mais il semblerait que cela soit lié aux altérations des circuits frontaux (Dolan, Bench, Brown, Scott, & Frackowiak, 1994).