• Aucun résultat trouvé

c) Décalage en fréquence

I.4 Cavité laser utilisant un décaleur de fréquence dans la boucle de contre-réaction

I.4.1 Lasers émettant en régime de modes bloqués passif

Le régime de modes bloqués peut être divisé en deux grandes familles selon la technologie utilisée pour l’obtenir. La première est le régime de modes bloqués obtenu de façon active. Dans ce cas, on utilise un modulateur dont la fréquence correspond à la fréquence de la cavité ou à un de ses multiples entiers. Les premières démonstrations de lasers émettant en régime de modes bloqués actifs ont été réalisées en utilisant des cavités Hélium-Néon et des modulateurs acousto-optiques[12]-[13].

Cependant, comme nous le verrons au cours du chapitre VI, la technologie des modulateurs acousto- optiques a été abandonnée au profit des modulateurs électro-optiques, afin d’obtenir des trains d’impulsions ayant des taux de répétitions de l’ordre du gigahertz. La seconde famille est le régime de modes bloqués obtenu de façon passive. Ce régime est obtenu soit grâce aux effets non-linéaires tel que l’auto modulation de phase (SPM) ou l’additive pulse modelocking (APM), soit grâce à des éléments tel que les absorbants saturables. La différence entre ces deux familles porte sur l’obtention du taux de répétition du train d’impulsion. Dans le cas actif, ce taux est fixé par la fréquence de modulation. Dans le cas passif, aucun élément de la cavité n’est activement à l’origine du taux de

I.4

Cavité laser utilisant un décaleur de fréquence dans la boucle de contre-réaction 23

répétition du train d’impulsions. L’utilisation d’un décaleur de fréquence est une solution parmi d’autres pour obtenir ce régime d’émission.

On retrouve dans la littérature plusieurs démonstrations expérimentales de de lasers opérant en régime de modes bloqués passif à l’aide d’un décaleur de fréquence introduit dans la cavité[14]-[17]

pour différents milieux de gain. Les premières démonstrations ont été réalisées en utilisant des lasers à colorant[16]. Kowalsky et al ont obtenu des impulsions de quelques picosecondes de large en utilisant ce

type de cavité. Avec l’amélioration de la technologie des fibres optiques, plusieurs dispositifs ont été réalisés en utilisant des fibres optiques dopées aux terres rares comme milieu de gain[14]-[15],[17]. Sousa et

al[14] ont étudié le régime de modes bloqués passifs avec un milieu de gain erbium (figure 1.10). Le

modulateur acousto-optique utilisé dans cette cavité laser, est un décaleur de fréquence. À chaque passage dans la cavité, la fréquence du signal optique est décalée d’une valeur déterminée. Dans le cas précis de cette expérience, la valeur du décalage était de 100 MHz. Il est à noter qu’il n’est pas nécessaire que celle-ci soit un multiple entier de la fréquence de la cavité. Le milieu de gain est un amplificateur à fibre optique dopée erbium (EDFA) placé entre deux isolateurs optiques pour initier une propagation unidirectionnelle de l’onde optique. La longueur totale de la cavité était de 22 mètres avec une dispersion totale de 16.5 (ps/nm)/km.

Figure 1.10 : Schéma expérimental utilisé par Sousa et al[14].

Dans une configuration n’utilisant pas de filtre optique, les auteurs ont pu obtenir des impulsions de largeur à mi-hauteur de 2 ps (figure 1.11). Le produit ∆ν.∆τ était, quant à lui, égal à 0.32, ce qui indique que les impulsions étaient faiblement chirpées. La puissance totale de sortie de cette source était de 40 mW.

I.4

Cavité laser utilisant un décaleur de fréquence dans la boucle de contre-réaction 24

Figure 1.11 : Impulsion obtenue pas Sousa et al avec une cavité laser sans filtre optique[14].

Porta et al [14] ont réalisé la démonstration d’une source impulsionnelle en utilisant l’ytterbium comme milieu de gain. Avec un décalage en fréquence de 80 MHz, ils ont obtenu des impulsions de 5 ps de largeur avec un produit ∆ν.∆τ égal à 0.35. La particularité de cette démonstration vient de l’ajout dans la cavité d’un réseau de diffraction qui permet de rendre ce laser accordable. Les auteurs ont démontré une accordabilité de 54 nm entre 1010 et 1064 nm.

Sabert et al[18] ont étudié la théorie de ce régime. Ils attribuent la formation des impulsions à

l’intérieur de la cavité aux effets Kerr. Le concept théorique avancé par Sabert peut se résumer par la figure 1.12. Dans une structure de laser classique, c’est à dire sans décaleur de fréquence, l’émission laser s’établit sur le mode de cavité le plus proche de la fréquence centrale du milieu de gain, νc. En

fait, le point d’opération du laser se situe à la fréquence correspondant au gain le plus important. En introduisant un décaleur de fréquence dans une cavité laser, on assiste à un transport de l’énergie de ce point central vers un des cotés de la courbe de gain. Tel que représenté sur la figure 1.12 (1), l’émission laser s’établit dans la pente de la courbe de gain net. À ce point, le gain fournit par la fibre dopée est égale aux pertes de la cavité ce qui correspond à un gain net de 1. Ce point de fonctionnement correspond en fait à un point d’équilibre. Sabert a démontré que l’effet du décalage en fréquence peut être vu comme un processus d’auto-injection. En effet, le modulateur acousto-optique injecte de l’énergie vers la région des plus longues longueurs d’onde où le gain est inférieur à 1 (figure 1.12 (2)).

I.4

Cavité laser utilisant un décaleur de fréquence dans la boucle de contre-réaction 25

Figure 1.12 : Evolution du spectre dans une cavité utilisant un décaleur acousto-optique[18].

Cette énergie est donc perdue car elle ne peut pas être amplifiée par le milieu de gain. Cependant une partie de l’émission spontanée amplifiée (ESA), provenant ici des fréquences inférieures, est elle aussi injectée à l’intérieur du spectre et peut donc être amplifiée par le milieu de gain. De plus le gain décale le spectre dans le sens inverse du décalage en fréquence car la valeur du gain net est plus importante dans la région des plus courtes longueur d’onde du spectre (figure 1.12 (3)). Le point de fonctionnement de ce laser est donc un point d’équilibre entre les pertes dues au décalage du spectre vers les plus longues longueurs d’onde et l’injection de l’ESA dans le centre du spectre.

Sabert a aussi identifié que ce processus d’injection permettait d’expliquer certains régimes d’émission de ces lasers. En effet, si ce signal d’injection a une amplitude et une phase aléatoires, car provenant exclusivement de l’ESA du milieu, le laser émettra dans un régime continu (CW). Lorsque ce signal a une amplitude et une phase en relation avec l’émission laser, le régime d’émission devient impulsionnel. Selon cet auteur, en présence d’une intensité importante à l’intérieur de la cavité, cette relation de phase apparaît par l’intermédiaire des effets non-linéaires. En effet, l’effet Kerr génère l’auto modulation de phase faisant ainsi apparaître de nouvelles composantes spectrales. L’énergie se trouve alors redistribuée du centre de l’impulsion vers les ailes et spécialement dans la direction

I.4

Cavité laser utilisant un décaleur de fréquence dans la boucle de contre-réaction 26

opposée au décalage en fréquence. Ces nouvelles fréquences ont une relation de phase avec le spectre initial. Lorsque l’intensité de ces nouvelles composantes spectrales devient relativement importante, elles deviennent prépondérantes sur l’ESA dans le processus d’injection et donc après plusieurs aller- retour dans la cavité, on assiste à la formation d’une impulsion.