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La résolution du système d’équation (2.11) est couramment réalisée à l’aide de la méthode Runge-Kutta d’ordre 4. La description de cette méthode standard ainsi que le code en langage C sont présentés avec plus de détails à l’annexe A. Les premières simulations réalisées concernent l’étude du gain du milieu amplificateur défini de la manière suivante :

0 L P Gain=10.log P ⎛ ⎞ ⎜ ⎟ ⎝ ⎠

où P0 est la puissance du signal en entrée du milieu amplificateur et PL la puissance en sortie. La

résolution du système (2.11) nous a permis de calculer le gain pour deux longueurs d’onde de signal, 1530 et 1550 nm, avec une puissance d’entrée de –40 dBm. Nous avons réitéré ce calcul pour un signal de pompe à la longueur d’onde de 980 nm d’une part et de 1480 nm d’autre part. Les résultats de ces simulations sont présentés à la figure 2.23.

La première observation est que le gain petit signal obtenu avec la fibre (B) est plus important que celui obtenu avec la fibre (A). En effet, pour un signal à 1530 nm et une longueur d’onde de

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pompe à 980 nm, le gain vaut 48 dB dans le cas de la fibre (B) et 43 dB pour la fibre (A) lorsqu’une puissance de pompe de 120 mW est utilisée. Cette différence de gain passe par l’analyse du tableau 2.2. Tout d’abord, celui-ci indique que l’absorption à 980 nm de la fibre (B) est plus importante que celle de la fibre (A). Ceci s’explique par le fait que la fibre de la société Coractive est fortement dopée (2.61.1025 ions.m-3) comparativement à la fibre (B) (2.61.1023 ions.m-3). Il est à noter que malgré ce fort

dopage, la fibre (B) ne présente pas de problème de solubilité des ions erbium.

Figure 2.23: Analyse du gain petit signal en fonction de la puissance de la pompe pour les deux fibres étudiées. (A ) résultats obtenus avec la fibre (A). (B) résultats obtenus avec la fibre (B).

Cependant, toujours d’aprés le tableau 2.2, on observe que le rayon du cœur de la fibre (B) est plus important que celui de la fibre (A), et par voie de conséquence le facteur de recouvrement est plus important dans le cas de la fibre (B), (figure 2.24).

Le facteur de recouvrement représente la surface de recouvrement entre la distribution des dopants au cœur de la fibre et la distribution modale du champ. Une forte valeur du facteur Γ implique que le mode de propagation qui se propage dans la fibre dopée à l’erbium recouvre mieux la zone où se trouve les dopants maximisant ainsi la probabilité de recombinaisons radiatives.

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Figure 2.24 : Facteur de recouvrement Γ calculé pour les deux fibres.

Si nous poursuivons l’analyse de la figure 2.23, nous observons qu’un pompage à la longueur d’onde de 980 nm génère un gain plus important qu'à la longueur d’onde de pompe de 1480 nm. Ceci est dû au fait qu’un pompage à 980 nm permet d’obtenir une inversion de population plus importante.

Figure 2.25 : Population moyenne du niveau supérieur calculée pour les deux fibres. (A) Fibre (A) de la compagnie Lucent. (B) Fibre (B) de la compagnie Coractive.

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En effet, la figure 2.25 montre que quel que soit le type de fibre utilisée, la population du niveau supérieur est toujours plus importante pour la longueur d’onde 980 nm. Cette caractéristique provient du fait que l’inversion de population est toujours incomplète avec un pompage à 1480 nm même pour des puissances de pompe élevées car la section efficace d’émission à cette longueur d’onde n’est pas nulle. Il y a donc émission de lumière à la longueur d’onde de pompe, et les ions erbium ayant participé à cette transition sont perdus pour l’amplification du signal. Dans le cas d’un pompage à 980 nm, la section efficace d’émission est nulle et l’inversion de population participe uniquement à l’amplification du signal et à la génération d’émission spontanée. Afin d’approfondir la compréhension du processus d’amplification, il est intéressant d’analyser l’évolution des puissances optiques et des populations le long de la fibre optique. À partir de cet instant toutes ces simulations seront réalisées pour un signal dont la longueur d’onde est centrée autour de 1530 nm.

La figure 2.26 présente les résultats de la simulation de la population du niveau N2 dans la fibre

(A) pour les deux longueurs d’onde de pompe, 980 et 1480 nm. La première observation remarquable est la différence d’uniformité de l’inversion de population suivant la longueur d’onde de pompe utilisée. En effet, dans le cas de la longueur d’onde de 1480 nm, la variation de la population du niveau supérieur le long de la fibre est plus faible que dans le cas du pompage à 980 nm.

Figure 2.26 : Calcul de la population du niveau N2 au cœur de la fibre (A) pour les deux longueurs

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Nous remarquons aussi que lorsque la longueur d’onde de 980 nm est utilisée pour le pompage, la population du niveau supérieur varie fortement le long de la fibre dopée. Pour mieux interpréter la variation de l’inversion de population, il est utile d’analyser la figure 2.27 qui représente l’ESA se propageant en co et contra-propagation dans la fibre dopée à l’erbium.

La figure 2.26 indique que l’inversion de population à l’entrée de la fibre est inférieure à celle au centre et ceci même si la puissance de pompe était maximale à cet endroit. L’explication de ce phénomène se trouve dans l’examen de la figure 2.27. Le début du milieu amplificateur correspond à la position où l’ESA contra-propagative est maximale. L’émission spontanée générée à la fin de la fibre dopée à l’erbium a pu être amplifiée par toute la longueur du milieu de gain avant d’atteindre le début de celui-ci. Le niveau de puissance d’ESA important provoque des transitions radiatives en grand nombre, ce qui a pour conséquence de saturer le milieu de gain. Cette zone de décroissance de la population du niveau supérieur est suivie d’une région où l’inversion est maximale sur plusieurs mètres formant ainsi un plateau. Là encore, l’explication se trouve dans l’analyse de la puissance d’ESA. En effet, cette partie de la fibre dopée est caractérisée par une puissance d’ESA plus faible. À cette position dans le milieu de gain, les puissances d’émission spontanée co ou contra-propagative ne sont pas encore assez importantes pour induire une diminution significative de l’inversion de population.

Figure 2.27 : Calcul de l’ESA co et contra-propagative pour la fibre (A). (A) λp= 980 nm. (B) λp= 1480 nm.

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Enfin, la fin du milieu de gain est une région où la population du niveau N2 diminue de manière

significative. Deux phénomènes sont à l’origine de cette diminution. Le premier est similaire à celui à l’origine de la diminution du niveau excité au début de la fibre amplificatrice. En effet, cette position dans le milieu de gain correspond à l’endroit où l’ESA co-propagative est maximale ce qui provoque une diminution de la population du niveau supérieur. La seconde explication se trouve dans l’étude de la figure 2.28. Celle-ci indique qu’à la fin du milieu de gain la puissance de pompe a été presque complètement absorbée et que par conséquent, il y a moins d’ions erbium disponibles pour effectuer une transition entre le niveau énergétique supérieur et le niveau fondamental.

Figure 2.28 : Simulation de la propagation de la puissance de pompe dans la fibre (A) dans le cas d’un pompage à 980 nm.

A ce stade de notre étude, il est intéressant de connaître la conséquence de l’évolution du niveau N2, de l’ESA et de l’absorption de la pompe sur l’amplification du signal. La réponse est donnée

par les résultats de simulations présentés à la figure 2.29 qui rendent compte de l’évolution du gain du signal le long de la fibre amplificatrice. Le gain étant proportionnel à (σeN2-σaN1), l’évolution du gain

le long de la fibre dopée est directement relié à l’évolution de la population du niveau supérieur. Dans le cas d’un pompage à 980 nm, la population du niveau N2 a tendance à décroître à la fin de la fibre et

la courbe de gain sature. Dans le cas du pompage à 1480 nm, le gain augmente linéairement car la population du niveau supérieur est sensiblement constante tout le long du milieu de gain.

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Figure 2.29 : Évolution du gain le long de la fibre (A). (A) λp= 980 nm. (B) λp= 1480 nm.

Les simulations concernant la fibre (A) étant achevées, nous effectuons des simulations identiques avec la fibre EDF-C 1400 de la compagnie Coractive (fibre (B)). La principale différence entre la fibre (A) et la fibre (B) est le coefficient d’absorption du signal de pompe, ainsi que l’indique le tableau 2.2 qui fait apparaître un facteur 5 entre ces coefficients. La conséquence de cette différence est illustrée à la figure 2.31 où nous remarquons que la puissance de pompe est totalement absorbée après quelques mètres de propagation à l’intérieur du milieu de gain lorsque la longueur d’onde de pompe est égale à 980 nm.

Figure 2.30 : Calcul de la population du niveau N2 pour les deux longueurs d’onde de pompe dans le

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Figure 2.31 : Simulations de la propagation de la puissance de pompe dans la fibre (B). (A) λp= 980 nm. (B)

λp= 1480 nm.

Il en résulte que la fin de la fibre est très peu inversée. Dans le cas d’un pompage à 1480 nm la section efficace d’absorption étant plus faible et la section efficace d’émission à la longueur d’onde de pompe étant non nulle induit une décroissance moins importante de la puissance de pompe. Comme dans le cas de la fibre (A), la population du niveau supérieur est plus faible au début de la fibre (B) (figure 2.30). Ceci est toujours dû au fait que l’ESA contra-propagative est maximale à cette position comme le confirme la figure 2.32. Cependant nous remarquons que dans les deux configurations de pompage, la population du niveau supérieur est moins uniforme que dans le cas de la fibre (A). Ceci est une conséquence de l’absorption plus rapide de la puissance de pompe.

À la figure 2.32, on note que l’ESA contra-propagative est maximale au début de la fibre, mais que la valeur de cette dernière est deux fois moins importante que dans le cas de la fibre (A) pour un pompage à 980 nm. Ceci s’explique par le fait que la fin de la fibre est beaucoup moins inversée, et de fait l’émission spontanée générée à la fin du milieu de gain est moins amplifiée lors de sa propagation. Par voie de conséquence, la valeur maximale au début de la fibre est plus faible. Nous pouvons aussi remarquer que l’ESA co-propagative n’est pas maximale à la fin de la fibre. Ceci est toujours une conséquence de la faible inversion du milieu de gain à cette position. En effet, l’émission spontanée générée au début de la fibre est fortement amplifiée car la population du niveau supérieur est

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importante. Cependant, après quelques mètres de propagation cette inversion devient plus faible, atteignant même des niveaux inférieurs à 50%, synonyme d’absorption du signal.

Figure 2.32 : Calcul de l’ESA co et contra-propagative pour la fibre (B). (A) λp= 980 nm. (B) λp= 1480 nm.

De plus, tout comme dans le cas de l’ESA contra-propagative, le niveau maximal de l’ESA co- propagative est deux fois plus faible dans le cas de la fibre (B) que dans celui de la fibre (A) toujours dans le cas d’un pompage à 980 nm. Lorsque la longueur d’onde de pompe de 1480 nm est utilisée, la pompe est absorbée beaucoup moins rapidement ce qui permet à l’ESA de croître.

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Les conséquences de ce qui précède sont présentées à la figure 2.33. Nous remarquons que pour un pompage à la longueur de d’onde de 980 nm le gain est moins important que pour la fibre (A). La faible inversion et l’absorption rapide de la puissance de pompe en sont à l’origine. Cette fibre nécessiterait en fait une puissance de pompe plus importante à 980 nm. Dans le cas d’un pompage à 1480 nm le gain est supérieur à celui obtenu avec la fibre (A).

Nous pouvons d’ores et déjà tirer quelques conclusions de ces premières simulations. Du fait de son pouvoir d’absorption supérieur, la fibre (B) de la société Coractive semble pouvoir offrir de meilleurs résultats lorsqu’elle est utilisée comme milieu de gain. En effet, dans le cas d’un pompage à 1480 nm, le gain qu’elle peut fournir est supérieur à celui de la fibre (A). De plus, la longueur de fibre nécessaire à l’obtention du gain maximal est plus courte que dans le cas de la fibre de Lucent(A). Pour une application laser, cette particularité est très importante car elle permet d’obtenir un ISL plus grand. Enfin, le niveau d’ESA fourni par la fibre (B) est plus faible ou équivalent que celui de la fibre (A). Ceci est un autre avantage pour la réalisation de laser à fibre, car un niveau d’ESA plus faible implique que la source de bruit est moins importante. Pour certains régimes d’émission comme le régime de modes bloqués, la source de bruit, qui par définition a une phase aléatoire, peut perturber le bon fonctionnement du système laser.

Cette première série de simulations concernait la compréhension de la physique à l’origine du processus d’amplification. Nous souhaitons, à présent, discuter d’un point qui est plus en rapport avec l’optimisation du processus d’amplification. En effet, lorsqu’on conçoit un milieu amplificateu,r que ce soit pour la réalisation d’un amplificateur optique ou d’un laser à fibre optique, on doit se poser la question suivante : quelle longueur de fibre doit-on utiliser ? Pour la réalisation d’un amplificateur optique, la longueur de fibre optimale est définie comme la longueur permettant d’obtenir le maximum de gain. Ainsi que nous l’avons vu sur les figures 2.29 et 2.33, le gain évolue au cours de la propagation du signal. Il commence par croître, passe par un maximum puis pourrait diminuer si la fibre dopée était plus longue. La figure 2.34 présente le calcul des longueurs optimales de fibre pour les deux types de fibre dans le cas d’un pompage à 980 nm. Le cas d’un pompage à 1480 nm est présenté à la figure 2.35.

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Les résultats des figures 2.34 et 2.35 confirment les observations précédentes, à savoir que la fibre (B) nécessite des longueurs plus courtes que la fibre (A) car les coefficients d’absorption de la pompe à 980 et à 1480 nm sont plus importants.

Figure 2.34 : Calcul de la longueur optimale de la fibre dopée erbium pour un pompage à 980 nm.

Cependant lorsqu’on utilise un milieu de gain pour la réalisation de lasers multi-longueurs d’onde la définition de longueur optimale est sensiblement différente de celle d’un amplificateur optique. Comme nous l’avons vu au paragraphe III.3.1 c), la forme spectrale du gain dépend de l’inversion et donc de la longueur de la fibre dopée. Pour une inversion moyenne égale à 68%, il existe une région où le gain est relativement plat[39]. Or, un paramètre important pour les lasers multi longueurs d’onde

est la platitude du spectre de sortie. En effet, pour que ce type de sources soit utilisable pour des applications courantes des lasers, il est nécessaire que la puissance de chaque ligne laser soit relativement égale. Nous proposons donc de redéfinir la longueur optimale d’un milieu de gain. Autrement dit, dans le cas des lasers multi longueurs d’onde, la longueur optimale du milieu de gain n’est plus la longueur de fibre permettant d’offrir le maximum de gain mais plutôt la longueur permettant une inversion de population de 68%. Une inversion plus faible implique, pour les mêmes valeurs de pertes, une fibre plus longue. La longueur de fibre optimale pour l’utilisation de l’amplificateur comme milieu de gain pour un laser multi-longueurs d’onde sera donc plus longue que celles calculées aux figures 2.34 et 2.35.

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Figure 2.35 : Calcul de la longueur optimale de la fibre dopée erbium pour un pompage à 1480 nm.

Il est à noter que d’un point de vue expérimentale, l’optimisation de la longueur de fibre donc du milieu de gain est souvent faite en utilisant une méthode d’essais-erreurs. En pratique, on utilise une longueur de fibre plus importante que la longueur théorique puis on y réalise des coupes jusqu'à obtenir la platitude souhaitée.