• Aucun résultat trouvé

Partie I : Étude terminologique

Chapitre 1 : État de l’art de la terminologie

1.4 Terminologie scientifique

1.4.1 Langue de spécialité

La problématique de la langue de spécialité n’est pas une nouveauté et remonte au siècle dernier. En effet, avec les progrès techniques, le vocabulaire évolue, s’enrichit et s’élargit demandant alors aux spécialistes de la langue la description de ces nouveaux concepts pour répondre aux besoins communicatifs des gens de science. La terminologie, comme d’autres domaines, est au cœur des recherches de la langue de spécialité. La terminologie permet alors la description sémantique des termes et la description des mécanismes de leur formation mais aussi la systématisation du vocabulaire dans la langue de spécialité. Cette étude de la langue de spécialité consiste à déterminer son comportement en analysant le vocabulaire et la syntaxe utilisés. Ces deux caractéristiques varient selon la situation de communication étudiée et spécifient la langue de spécialité :

« ‘Expression générique pour désigner les langues utilisées dans des situations de communication (orales ou écrites) qui impliquent la transmission d’une information relevant d’un champ d’expérience particulier ». (Galisson et al., 1976)116

Cette définition met en évidence la spécificité de la langue de spécialité qui est appelée aussi « langue spécialisée, langues spécialisées, technolectes, langages de spécialité et langages spécialisés » (Vicente, 2009)117. Et afin de saisir la langue toute entière dans sa diversité, une

113 Une théorie réaliste de la terminologie : le sociocognitivisme

114 Éléments de terminologie culturelle

115 Frames as a Framework for Terminology

116 Dictionnaire de didactique des langues, p. 511

division en sous-systèmes plus homogènes peut-être utile (Kocourek, 1991)118. Ainsi, la langue de spécialité serait un sous-ensemble de la langue, fondamentalement pragmatique, de la langue dans son sens global (Cabré, 1998)119. Elle serait alors « une langue naturelle considérée en tant que vecteur de connaissances spécialisées ». (Lerat, 1995)120

Au vu de ces définitions, nous pourrions dire qu’un texte est composé d’un système d’expressions, constitué par une première ‘couche’, la langue toute entière, sur laquelle vient s’appuyer une seconde ‘couche’, la langue de spécialité.

La langue de spécialité intéresse aussi bien les linguistes (interprètes, traducteurs, lexicologues, lexicographes) que les scientifiques (spécialistes et auteurs techniques, rédacteurs des revues spécialisées) (Kocourek, 1982)121. En effet, elle fait intervenir autant le spécialiste que le vocabulaire spécialisé, variant les types de communication que ce soit entre spécialistes ou entre spécialiste et non-spécialiste. La communication entre spécialistes constitue la langue de spécialité. Compris par ses pairs, le spécialiste « condense » au plus haut niveau son vocabulaire en utilisant des termes du domaine sous la forme de symboles ou de formules ou encore de schémas et pourquoi pas des éléments de code non verbaux. Cela lui permet d'éliminer toutes les ambiguïtés de la langue courante et d'atteindre le plus haut degré de précision et de synthèse dans sa description. Quant à la communication entre spécialiste et non-spécialiste, elle permet d’expliquer les concepts d’un domaine sans employer un vocabulaire spécialisé. Ainsi, le spécialiste doit utiliser des mots et des expressions de la langue courante pour être compris. Il s’agit là de la vulgarisation, comme dans les articles de revues non spécialisées qui traitent de sujets techniques.

Que la communication soit entre spécialistes ou entre spécialiste et non-spécialiste, la langue de spécialité possède des caractéristiques.

1.4.1.1 Variante de la langue générale

La langue de spécialité n’est ni autonome, ni complète et elle ne peut exister qu’avec la langue générale. En effet, la grammaire et la syntaxe restent plus au moins inchangées ; seuls les termes utilisés, c'est-à-dire, le vocabulaire spécialisé, sont spécifiques à la langue de spécialité. Il s’agirait d’une simple variante linguistique de la langue générale (Cabré, 1998)122,

118 La langue française de la technique et de la science. Vers une linguistique de la langue savante, p. 13

119 La terminologie - Théorie, méthode et applications, p. 119

120 Les langues spécialisées, p. 20

121 La Langue française de la technique et de la science

composée d’éléments concrets qui s’inscrivent dans un domaine de vie, comme par exemple la chimie. De plus, la langue de spécialité n’est pas une langue littéraire, permettant par exemple la recherche de synonymes, mais elle se caractérise par d’autres formes ; variée, elle oscille entre courante et soutenue où elle peut être plus ou moins formelle selon son lieu de présence et est fortement liée à la culture de la société qui l’utilise (Kocourek, 1982)123.

Le vocabulaire de de la chimie, comme pour d’autres domaines de spécialité, possède les mêmes mécanismes de création de la langue générale et ses règles de grammaire restent valables. En effet, le but est de nommer de nouvelles découvertes, impliquant au passage l’accroissement de son vocabulaire, afin de répondre aux besoins de la langue de spécialité. Ainsi, la langue de spécialité crée sa propre base lexicale et terminologique dans laquelle s’inscrivent aussi bien les mots employés dans la langue générale que des termes du domaine, comme des processus (filtration), des noms d’instruments (bécher), des substances (chlorure de sodium) (Peraldi, 2012)124.

1.4.1.2 Fonction communicative

La langue de spécialité ne se limite pas à une compétence linguistique ; elle possède autant une compétence linguistique qu’une compétence spécialisée, notamment dans le cadre de son enseignement, longtemps limité à l’apprentissage de son vocabulaire spécialisé :

« La théorie didactique prégnante, à cette époque [1960], était que l’étudiant devait d’abord posséder la langue usuelle, puis compléter le vocabulaire courant par une terminologie technoscientifique appropriée ». (Gentilhomme, 2000)125

Cette double compétence, linguistique et spécialisée, facilite la diffusion des langues de spécialités et son enseignement, puisque sa fonction principale est la communication :

« C’est sans doute la fonction communicative qui a un rôle fondamental en langue de spécialité. Nous supposons que, en langue de spécialité et surtout en langue de technique et de la science, la

divergence entre l’intention de l’émetteur (de l’auteur) et la compréhension du récepteur (du

destinataire) est réduite au minimum. Par conséquent, il sera possible de n’aborder les problèmes des participants qu’indirectement, par le truchement des concepts qui sous-tendent quelques fonctions classiques, à savoir les fonctions cognitives, monologique/dialogique, émotive, conative,

métalinguistique et esthétique. » (Kocourek, 1982)126

123 La Langue française de la technique et de la science, p. 24

124 L’anglais de spécialité en chimie organique : entre indétermination terminologique et multidimensionnalité

125 Termes et textes mathématiques. Réflexions linguistiques non standard, p. 58

Cette perspective communicative de l’enseignement va jusqu'à créer un nouveau terme pour désigner la langue de spécialité ‘Communication sur Objectifs Spécifiques (COS)’, prenant en compte les paramètres complets de la situation de communication (déictiques personnels, temporels, spatiaux) aussi bien que des implications ayant un caractère interculturel, socioculturel et stratégique (Binon et al., 2000)127.

Pour les textes scientifiques en général, pour la chimie, en particulier, la langue de spécialité présente des manifestations graphiques comportant des signes, comme les lettres grecques, les indices numériques et les symboles ; mais, il ne s’agit pas de « limiter l’approche des langues

de spécialité à une lexicologie des racines grecques, latines et autres » (Lerat, 1995)128. Ainsi, la langue de spécialité dispose de moyens qui aident à connaître le monde, en facilitant cette découverte par l’expérience des spécialistes et des domaines déterminés par les recherches spécialisées.

D’autre part, la langue de spécialité se caractérise par une recherche de la monosémie et en terminologie, l’univocité notion-terme est primordiale ; mais inversement pour la langue générale, face à un degré de spécialisation moins élevé, la monosémie peut être moins respectée, et nous pouvons nous trouver face à des cas de synonymie, tout au moins partielle :

« La morphologie lexicale adéquate est celle qui conduit d’une base univoque à des formes plus complexes, mais également monosémiques. La langue générale est plus capricieuse, mais en langue spécialisée on observe des séries terminologiques homogènes sémantiquement mais fortement sujettes à l’allomorphie du fait du recours aux formants grecs anciens, latins et anglais ». (Lerat, 1995)129

De plus, la langue de spécialité propose une fonction esthétique, par une clarté et une précision non négligeable :

« Bien que l’on puisse affirmer que la langue technique et scientifique tend à neutraliser l’aspect esthétique, il serait inexact de dire que l’aspect esthétique au sens large lui fait entièrement défaut. Ce serait négliger le fait qu’il existe en techniques et en sciences un certain idéal linguistique, par

exemple la précision du contenu, la concision de la forme, l’élégance et la systématique de la terminologie employée, la réduction de la synonymie et de l’ambigüité, en bref toutes les propriétés idéales liées à l’intellectualité et à la particularité de cette langue. La littérature technique et

127 Les langue(s) de spécialité(s) : mythe ou réalité ? Lexicographie et langue(s) de spécialité(s), p. 40

128 Les langues spécialisées

scientifique possède des caractères spécifiques qui complètent le portrait de la créativité linguistique, dont la littérature esthétique au sens étroit ne constitue qu’une partie ». (Kocourek, 1982)130

De ce fait, les langues de spécialité dovent être standardisées en mettant en place une normalisation terminologique.