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Partie I : Étude terminologique

Chapitre 1 : État de l’art de la terminologie

1.3 Évolution de la terminologie

En retraçant brièvement l’historique de la terminologie, nous apercevons que depuis longtemps nommer les objets est une pratique usuelle ; mais, elle n’était pas encore appelée terminologie. Cela concerne toutes les langues, notamment l’arabe ; les linguistes et grammairiens arabes de l’époque classique ont donné une place très importante à la lexicologie et à la terminologie (Jaber, 2012)98.

Suite au développement des sciences et des techniques ainsi que la circulation de l'information à l'échelle mondiale, la terminologie permet de classer et d’organiser les domaines de connaissance notamment dans les sciences grâce aux travaux du naturaliste Linné pour la botanique (Systema naturæ, 1735), Lamarck pour la biologie (Flore française, 1778), et des chimistes Lavoisier, Berthollet, Guyton-Morveau et de Fourcroy, pour la systématisation de la chimie (Méthode de nomenclature chimique, 1787). Vers la fin du 19ème siècle, la terminologie n’est plus restreinte aux sciences et commence à s’appliquer aux techniques.

Au début du 20ème siècle, la terminologie moderne prend son essor et se développe ; quatre étapes se distinguent : les origines (de 1930 à 1960), caractérisées par la création des méthodes de travail terminologique, l’étape de structuration (de 1960 à 1975), marquée par le développement de l’informatique, des techniques documentaires et l’apparition de la normalisation des langues, la période d’éclatement (de 1975 à 1985), caractérisée par l’apparition de la micro-informatique et de l’aménagement linguistique et l’étape des larges horizons (depuis 1985), où les méthodes informatiques, les instruments de travail terminologique et les ressources se développent, tout comme les industries de la langue et la création des réseaux internationaux (Cabré, 1998)99.

À l’origine, des recherches sur la terminologie sont effectuées par trois écoles de pensée classique qui deviennent les trois grands centres d’activité terminologique, à savoir, Vienne, Moscou et Prague. De ces écoles est sorti Wüster, le père de la Théorie Générale de la Terminologie (TGT), « à qui nous devons d’immenses efforts pour la reconnaissance

disciplinaire et politique de la terminologie » (Cabré, 2007)100 ; sa thèse intitulée Internationale Sprachnormung in der Technik, besonders in der Elektrotechnik (Normalisation internationale de la langue électrotechnique) est considérée comme le premier travail théorique sur la

98 Les manuels scolaires arabes de chimie : analyse de la terminologie et du discours

99 La terminologie. Théorie, méthode et application, p. 27

terminologie et son dictionnaire de la machine-outil vérifie en pratique ses théories. Sous son influence, la Fédération internationale des associations de normalisation (ISA), voit le jour. Dans les années 1960 à 1975, la terminologie s’étend vers d’autres centres d’influence comme le Canada, la Belgique et la Suisse (pays officiellement bilingues ou plurilingues). La France s’intéresse aussi à la terminologie et « devient alors l’un des enjeux majeurs d’une politique linguistique qui ne cesse d’évoluer à mesure que la francophonie se construit sur la scène

internationale » (Depecker, 2005)101 avec notamment Gilbert, Rey, et De Bessé. La terminologie fait également son entrée dans les grandes organisations internationales et les organismes à vocation plus technique, comme la création par Wüster en 1971 d’INFOTERM (International Information Centre for Terminology). On assiste aussi à l’apparition des premières grandes banques de données terminologiques et au début de l’organisation de la coopération terminologique mondiale.

À partir des années 70, on assiste à un aménagement linguistique, c'est-à-dire, une politique conduite par un État ou une organisation internationale à propos d'une ou plusieurs langues parlées dans les territoires relevant de sa souveraineté, comme le cas de du Canada (Corbeil, 2007)102.

Depuis 1985, la terminologie a fait son entrée dans le monde universitaire en tant que discipline autonome. Par ailleurs, elle s’est avérée utile pour les besoins de commercialisation des biens et des services dans la société mondiale ainsi que dans le développement des outils d’ingénierie linguistique et du traitement du langage naturel. Suite à l’explosion des corpus numériques, aux développements de la linguistique de corpus et de l’ingénierie linguistique, une redéfinition de la terminologie et une révision de sa théorie a été nécessaire pour répondre aux nouveaux besoins s’orientant à présent vers une terminologie descriptive.

Après avoir connu son premier essor au début du siècle, notamment avec la théorie wüstérienne, la terminologie a été de nouveau au centre des occupations recherchant constamment de nouveaux modèles théoriques.

101 Présentation, p. 3

102 Le rôle de la terminologie en aménagement linguistique : genèse et description de l’approche québécoise, p. 94

1.3.1 Fondements théoriques de la terminologie

Pendant les années 1930, les fondements théoriques de la terminologie ont été développés par plusieurs écoles de pensée : l'école autrichienne, l'école tchèque et l'école soviétique.

1.3.1.1 Ecole autrichienne

Fondé par Wüster, l’école autrichienne est basée sur sa théorie, la Théorie Générale de la Terminologie (TGT) ; elle est la première à rendre compte des termes, de leurs fonctions et de leurs relations. Cette théorie est basée sur les éléments suivants :

• L’importance du concept, des relations entre les concepts et de la relation entre le terme et le concept,

• La nécessaire démarche onomasiologique, • L’analyse située au niveau du terme, • L’approche essentiellement synchronique,

• La définition de la terminologie comme étant un domaine interdisciplinaire. (Cabré, 2007)103

La terminologie est soit considérée comme une discipline autonome à caractère interdisciplinaire, soit centrée sur la philosophie (organisation des notions et des connaissances), soit appartenant aux langues de spécialité. Cependant, cette théorie a des limites tant par sa conception idéaliste que par l’impasse qu’elle fait sur certains principes de la terminologie :

• La phraséologie en réduisant la terminologie à l’analyse du terme seulement (« combinatoire des termes » (Cabré, 2007)104),

• Les aspects pragmatiques, sémantiques et sociologiques de la terminologie en minimisant la distinction entre les termes et les unités lexicales de langue générale « conception linguistique » (Cabré, 2007)105),

• Les autres applications de la terminologie comme la traduction, la rédaction technique, la communication en général… en se concentrant sur la documentation et la normalisation.

103 La terminologie, une discipline en évolution : le passé, le présent et quelques éléments prospectifs

104 Idem

La théorie wüsterienne est donc considérée comme une « approche prescriptive, conceptuelle et onomasiologique » en opposition aux nouvelles théories qui sont considérées comme une « approche descriptive, linguistique et sémasiologique, basée sur l’étude de textes spécialisés » (Bertels, 2009)106. Mais cette théorie a influencé et influence toujours les travaux de la terminologie et de l’ontologie jusqu'à nos jours (Budin, 2007)107.

1.3.1.2 Ecole soviétique

Suite à la traduction de la théorie wüsterienne en langue russe, Lotte fonde la seconde école terminologique ; ce dernier observe l’importance du discours et du contexte, au sein desquels le terme reçoit sa valeur ainsi que la reconnaissance du caractère essentiellement polysémique du vocabulaire. C’est « une conception beaucoup plus linguistique de la terminologie ; une influence moins profonde de la philosophie que chez les chercheurs germano-autrichiens » (Rondeau, 1991)108. Les sujets les plus importants traités par l’école de Moscou étaient : la notion, le découpage du terme, la différence entre terminologie et nomenclature (cf. 1.1.4 Nomenclature) et la place de la terminologie en tant que discipline, puisque « c'est en U. R. S. S. qu'est née la terminologie comme discipline scientifique, au moment où s'élaboraient en Autriche des méthodes de traitement des données terminologiques » (Rondeau, 1991)109.

1.3.1.3 Ecole tchèque

À la base des travaux théoriques de l'école de Prague se trouve la conception de la langue comme un système possédant une fonction et une finalité, celle d'exprimer et de communiquer. Elle ouvre les portes à la linguistique structurelle ou fonctionnelle ; le structuralisme est devenu la base théorique de cette école, considérant les langues de spécialité comme un style fonctionnel de la langue, un style professionnel. La standardisation terminologique internationale est centrale dans les travaux de cette école.

1.3.2 Les nouvelles théories de la terminologie

Plusieurs théories ont vu le jour et peuvent se résumer en quatre points de vue :

106 Etudier la sémantique des termes techniques : des théories à la pratique

107 L’apport de la philosophie autrichienne au développement de la théorie de la terminologie : ontologie, théories de la connaissance et de l’objet

108 Introduction à la terminologie

• « La terminologie comme un besoin social,

• La terminologie comme une pratique destinée à satisfaire les besoins engendrés par cette exigence ;

• La terminologie comme une application ou ensemble de ressources générées par la pratique,

• La terminologie comme un domaine du savoir ». (Cabré, 2007110)

1.3.2.1 Théorie Communicative de la Terminologie

La Théorie Communicative de la Terminologie (TCT) peut être définie comme « une théorie linguistique des unités terminologiques à composante cognitive et communicative » (Cabré, 2007)111. Voici quelques principes fondamentaux de cette théorie :

• L’unité terminologique est l’élément central de la terminologie,

• Les unités terminologiques ont des propriétés linguistiques, cognitives et socio-communicatives,

• L’analyse des unités terminologiques doit se faire à partir du corpus.

1.3.2.2 Terminologie textuelle

La terminologie textuelle peut être définie comme une « analyse de corpus textuels » (Bourigault et al., 1999)112. Les fondamentaux de cette théorie sont :

• Le texte est le point de départ de la description à construire. On va du texte vers le terme. Les bases théoriques de la terminologie doivent être ancrées dans une linguistique textuelle.

• Le terme est le produit d’un travail d’analyse, réalisé à partir du corpus en identifiant les structures lexicales qui présentent des caractéristiques à la fois spécifiques et stables et à partir de l’application en vérifiant leur utilité.

110 La terminologie, une discipline en évolution : le passé, le présent et quelques éléments prospectifs, p. 80

111 Idem, p. 96

D’autres approches ont fait l’objet de travaux comme la terminologie sociocognitive de Temmerman (2000)113, la terminologie culturelle de Diki-Kidiri (2007)114 ou encore la Frame-Based Terminology de Faber (2014)115.