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2 Étude de la traduction lors de l'adhésion et de la formation des SICs

2.1 La traduction nécessaire au métabolisme des SICs

En plus de la présence des ARNr et de multiples RBPs connus pour contrôler la traduction, l'enrichissement d'ARNm au niveau des SICs laisse supposer que la traduction pourrait jouer un rôle dans la formation et la maturation des points focaux d'adhésion. Pour investiguer le rôle de la traduction pendant la phase initiale de l'adhésion et donc pendant la formation des SICs, les cellules MRC-5 ont été traité avec de la cycloheximide, un inhibiteur général de la synthèse protéique 306, et le nombre de cellules SICs positives au

cours du temps a été quantifié. En théorie, ce résultat devrait concorder avec ceux de l’inhibition des protéines Sam68 et G3BP1. En effet, nous avons raisonné que l'inhibition de la traduction devrait avoir l'effet inverse de celui observé avec les shSam68 et shG3BP1 puisque ces protéines sont connues pour réprimer la traduction 194,307.

Dans un premier temps, nous avons confirmé l'efficacité du traitement de la cycloheximide sur l'inhibition de la synthèse protéique. Pour cela, nous avons traité nos cellules avec ou sans cycloheximide en présence de puromycine. Cette dernière est un analogue de l'aminoacyl ARNt et elle s'incorpore dans la chaîne polypeptidique en cours de synthèse. Cela permet donc d'évaluer l'activité traductionnelle en utilisant un anticorps dirigé contre la puromycine 299 (figure 3.16-A). Nous pouvons observer qu'en présence de cycloheximide

(50 µg/ml), nous bloquons en très grande majorité l'incorporation de la puromycine, bien qu'une légère trainée résiduelle soit présente. Ce résultat indique que la cycloheximide bloque bien la traduction (figure 3.16-A). Nous avons également évalué la toxicité du traitement de cette drogue. Pour ce faire, nous avons traité les cellules MRC-5 pendant 4 heures avec différentes concentrations de cycloheximide et avons évalué le taux de survie cellulaire à 24 heures par coloration au cristal violet (figure 3.16-B). Avec une concentration 10 fois supérieure à celle utilisée pour bloquer la traduction, c'est-à-dire de 500 µg/ml de cycloheximide, nous n'observons pas de diminution de la survie. Cela indique donc qu’un traitement de 4 heures à 50 µg/ml de cycloheximide n'affecte pas la survie cellulaire (figure 3.16-B).

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Figure 3.16 : La cycloheximide bloque la traduction, mais n’affecte pas la survie cellulaire à court terme.

A) Évaluation de l’inhibition de la traduction par la cycloheximide. Les cellules MRC-5 ont été traitées en présence ou en absence de la cycloheximide (50 µg/mL) pendant 15 minutes avant l’ajout de la puromycine (10 µg/mL) pendant 5 minutes à 37°C. Un immunobuvardage a été effectué afin de visualiser l’incorporation puromycine à l’aide de l’anticorps anti-puromycine. B) Évaluation de la survie cellulaire après l’augmentation de la quantité de cycloheximide. Les cellules ont été traitées avec une quantité croissante de cycloheximide (0, 0.1, 1, 10, 100, 500 µg/mL) pendant 4 heures. Après ce traitement, le milieu de culture a été changé pour un milieu sans cycloheximide et les cellules ont été maintenues dans ce dernier pendant 24 heures à 37°C avant fixation avec 4% de paraformaldéhyde et une coloration au cristal violet (panneau de gauche). Un contrôle négatif (absence de cycloheximide) et un contrôle positif (H2O2) ont été réalisés. Quantification de la survie à la suite du

traitement à la cycloheximide (à droite). Résultats de Bergeman et al., 2016.

En présence d'inhibiteur de traduction, nous pouvons observer que les cellules MRC-5 présentent un nombre significativement plus important de SICs (figure 3.17-A). Concomitants à cette observation, nous avons trouvé que le traitement à la cycloheximide stabilise le métabolisme des SICs lors de l'adhésion. En effet, en absence de traitement, le nombre de cellules SICs positives diminue au cours du temps puisqu'elles adhèrent et s'étalent. Cependant, comme attendu, en présence d'inhibiteur de traduction, le nombre de cellules SICs positives est maintenu au cours du temps faisant en sorte qu'à 90 minutes d'adhésion, il y a encore plus de 60% de cellules qui forment des SICs comparativement à 40% pour les cellules sans traitement. Cette même observation est valable pour 2 heures d'adhésion, mais, cette fois, avec un taux de 60% par rapport 30% (figure 3.17-B). Ainsi, ces résultats indiquent clairement que la traduction est nécessaire au métabolisme des SICs et à la résolution de cette structure.

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Figure 3.17 : L’inhibition de la traduction affecte le métabolisme des SICs.

A) Images représentatives de microscopie confocale représentative de cellules MRC-5 traitées en présence ou en absence de cycloheximide (50 µg/mL) lors de l’adhésion. Le marquage correspond à une hybridation des ARNm à l’aide de la sonde oligo(dT)-Alexa 594. Barres d’échelle : 10 μm. B) Évaluation statistique du nombre de cellules SICs positives au cours du temps en présence ou en absence de traitement avec de la cycloheximide (50 µg/mL). L’analyse statistique a été effectuée sur plus de 40 cellules en triplicata pour chaque condition. La barre d’erreur représente l’écart type. Valeur du test de Student bilatéral ** ≤0.001. Résultats de Bergeman et al., 2016.

Lors de l'adhésion et de l'étalement, la cellule acquiert une nouvelle morphologie et cela nécessite une réorganisation du cytosquelette d'actine. Nous avons étudié la mise en place de ce cytosquelette d'actine et de sa relation avec les SICs en présence et absence d'inhibiteur de la traduction (figure 3.18). Pour cela, nous avons procédé à une reconstitution tridimensionnelle de cellules MRC-5. Nous pouvons observer qu'en absence de traitement à la cycloheximide, une étroite relation existe entre les SICs et le cytosquelette d'actine. En effet, les SICs semblent servir de point d'ancrage et d'ébauche aux fibres de stress, soulignant leur implication dans la maturation de l'adhésion focale et dans l'établissement de la morphologie cellulaire de type mésenchymateuse (figure 3.18-A). Cependant, en présence d'inhibiteur de la traduction, nous perdons cette organisation puisque les fibres de stress sont absentes (figure 3.18-B). L'absence de fibres de stress laisse plutôt supposer à une morphologie amiboïde 99. Cela suggère que les SICs pourraient être une transition entre

l'état amiboïde et mésenchymateux puisqu'il précède l'étalement cellulaire et que la traduction nécessaire au métabolisme des SICs serait nécessaire à cette transition.

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Figure 3.18 : L’inhibition de la traduction affecte l’organisation du cytosquelette d’actine.

Reconstitution tridimensionnelle de cellules MRC-5 nouvellement adhérentes, traitées en absence (A) ou en présence (B) d’inhibiteur de la traduction (cycloheximide 50 µg/mL). La F-actine est détectée par la phalloïdine CF™ 488 et les ARNm sont hybridés avec la sonde oligo(dT)-Alexa 594. Résultats de Bergeman et al., 2016.