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CHAPITRE I : Approches théoriques de l’évaluation des systèmes d’information

2. La problématique de l’évaluation des SI

2.3. Les approches processuelles

2.3.4. La théorie de la structuration adaptative (TSA)

La théorie de la structuration adaptative (Adaptative Structuration Theory) de DeSanctis et Poole (1994) aborde la problématique de l’impact résultant de l’introduction

Systèmes d’information de gestion Chapitre I² d’une technologie en milieu organisationnel. Selon les auteurs, cet impact est beaucoup moins le fait des fonctionnalités techniques de l’outil que de l’usage spécifique qui en est fait par les individus. Face à des technologies similaires, les auteurs constatent l’hétérogénéité des usages. Ces derniers correspondent aux diverses manipulations opérées par ces individus (acteurs) lors de la conception et de l'utilisation de ces technologies. Certains adaptent les systèmes en fonction de leurs besoins et aux spécificités de leurs tâches alors que d’autres ne l’utilisent même pas. Par ces agissements, Ils engendrent des adaptations dans les structures sociales préexistantes et sont de ce fait un facteur clé du changement organisationnel.

La préoccupation des chercheurs se situe autour de la compréhension des divergences des usages de la technologie. La théorie de la structuration adaptative de DeSanctis et Poole (1994) propose un conceptuel d’étude des changements organisationnels liés à l’utilisation des technologies de l’information.

La théorie de la structuration adaptative étudie le processus d’interaction entre technologie et organisation à partir de deux angles d’analyse : « les types de structures fournis par les technologies et les structures qui émergent par l’action des individus à travers les interactions entre les individus et les technologies » (Guiderdoni-Jourdain 2009, p. 32).

Les apports de cette théorie selon ces auteurs sont l’interprétation de la nature des structures sociales contenues dans les technologies de l’information et les processus d’interaction permettant l’utilisation de ces technologies par les individus. La théorie de la structuration adaptative apporte deux concepts majeurs que sont ; le concept de la

structuration de Giddens et le concept de l’appropriation.

Selon cette théorie, le changement organisationnel est une résultante de l’adaptation des structures de la technologie par les individus. Pour comprendre ce phénomène, les auteurs suggèrent de faire une distinction entre les structures sociales contenues dans la technologie et les structures sociales de l’action, puis d’étudier les interactions entre ces deux types de structures (Guiderdoni-Jourdain 2009).

Systèmes d’information de gestion Chapitre I² 2.3.4.1.Les structures sociales de la technologie

DeSanctis et Poole décrivent les technologies en tant que structures sociales comme suit : « Les technologies fournissent des structures sociales décrites en termes de

dispositifs (caractéristiques) structurels et d’esprit de la technologie. Ces deux éléments déterminent, ensemble, selon leurs différentes modalités, le type et la nature des interactions sociales déclenchées et rendues possibles par ces technologies1 ».

Autrement dit, les structures sociales inhérentes à la technologie peuvent être décrites de deux façons. La première consiste à comprendre les caractéristiques structurelles de la technologie, La seconde réside dans la compréhension de l’esprit de la technologie elle-même.

 Les caractéristiques structurelles de la technologie : dans leur article, DeSanctis et Poole (1994, p.128) les définissent comme « les types spécifiques de règles

et de ressources ou de capacités offertes par un système2 ». Les caractéristiques3 structurelles d’une technologie SI peuvent inclure l’ensemble du traitement de l’information réalisé par les utilisateurs. « Les manuels d’utilisation des systèmes, les revues faites par les développeurs et les commentaires des utilisateurs sont autant d’éléments à prendre en compte pour établir les caractéristiques structurelles d’une technologie SI » (Guiderdoni-Jourdain 2009, p.33). Ces éléments serviront à identifier les niveaux de restriction (les limites) et de sophistication (les performances) de la technologie. Pour évaluer ces caractéristiques, certains auteurs se focalisent sur les fonctionnalités techniques et les capacités qu’elles offrent. Les mesures adoptées peuvent être perceptuelles comme le degré de satisfaction des utilisateurs ou des mesures plus

1 AITs provide social structures that can be described in terms of their features and spirit. To the extent that AITs vary in their spirit and structural features sets, different forms of social interaction are encouraged by the technology (DeSanctis et Poole, 1994, p.128).

2 Structural features are the specific types of rules and resources, or capabilities, offered by the system (DeSanctis et Poole, 1994, p.126). Traduction de Guiderdoni-Jourdain (2009, p.33)

Systèmes d’information de gestion Chapitre I² objectives comprenant les caractéristiques techniques de ces outils en termes de puissance, rapidité et fiabilité.

 L’esprit de la technologie : la seconde façon de décrire les structures sociales de la technologie consiste à comprendre le concept de l’esprit de la technologie. Plus évasif, ce concept comprend l’ensemble des valeurs, intentions et finalités sous-jacentes à un ensemble bien déterminé de dispositifs structurels inhérents à une technologie (Kéfi et Kalika 2004). Considérée comme propriété majeure, DeSanctis et Poole assimilent l’esprit d’une technologie à l’esprit d’une loi. Ils le définissent « comme la ligne officielle

que la technologie propose aux individus concernant la manière d’utiliser le système, la manière d’en interpréter les caractéristiques et la manière de combler les écarts non explicitement spécifiés dans les procédures1 ».

Pour capturer l’esprit de la technologie, il est nécessaire selon les auteurs d’utiliser plusieurs sources d’information et de procéder à une triangulation de ces différentes sources. Les résultats de cette procédure peuvent s’avérer incohérents ou contradictoires, cela est dû à l’incohérence de l’esprit.

En effet, DeSanctis et Poole expliquent « qu’un esprit cohérent canalise les usages

de la technologie dans des directions définies. Alors qu’un esprit incohérent aura une faible influence sur le comportement des utilisateurs et peut envoyer des signaux contradictoires, rendant l’usage du système plus difficile2 ».

1 The spirit is the "official line" which the technology presents to people regarding how to act when using the system, how to interpret its features, and how to fill in gaps in procedure which are not explicitly specified (DeSanctis et Poole, 1994, p.126). Traduction de Guiderdoni-Jourdain (2009, p.33).

2 A coherent spirit would be expected to channel technology use in definite directions. An incoherent spirit would be expected to exert weaker influence on user behavior. An incoherent spirit might also send contradictory signals, making use of the system more difficult (DeSanctis et Poole, 1994, p.127). Traduction de Guiderdoni-Jourdain (2009, p.34).

Systèmes d’information de gestion Chapitre I²  Les autres sources de la structure sociales : Les auteurs distinguent des sources de structures alternatives, principalement :

- les caractéristiques et les contraintes liées aux fonctions ou aux tâches à accomplir ;

- l’environnement organisationnel qui est porteur de nombreuses autres sources de structures, telles que les normes, les valeurs partagées, et la distribution des rôles.

Une fois que les technologies sont mises en application, c’est-à-dire lorsque les règles et les ressources incorporées dans cette technologie sont utilisées par les acteurs dans le but d’accomplir des tâches dans un environnement organisationnel donné, elles produisent des propriétés structurelles, qui deviennent à leur tour de nouvelles sources de structures sociales.

2.3.4.2.La structuration

DeSanctis et Poole désignent par le terme de « structuration » la mise en action des structures sociales inhérentes à la technologie ou par d’autres sources. Ils définissent ce concept comme étant le processus par lequel les structures sociales sont effectivement produites et reproduites dans la réalité sociale. Cela suppose l’utilisation effective des fonctionnalités de la technologie ou ses caractéristiques structurelles, ainsi que l'adoption de l’esprit de la technologie. Ces deux actions réunies sont le fait des utilisateurs qui favorisent l’intégration de cette technologie parmi les propriétés structurelles préexistantes dans l’organisation. Par l’action d’intégration et d’institutionnalisation de la technologie, les utilisateurs acteurs sont potentiellement porteurs de changement organisationnel.

Par ailleurs, le changement organisationnel déclenché par la technologie n’est pas immédiat et prend du temps à se mettre en place en fonction des différentes interactions sociales qui ont lieu tout au long du processus de production et de reproduction des structures sociales issues de la technologie et en fonction des autres sources de structures sociales.

Systèmes d’information de gestion Chapitre I² La structuration est conçue comme un processus continu et récursif. Afin d’expliciter ce processus, les auteurs proposent un « arrêt sur image » du processus à un instant donné de la mise en application d'une technologie donnée, dans un contexte organisationnel donné. À ce niveau, ils désignent par processus d’appropriation l’ensemble des actions directement visibles qui sont la preuve de la réalisation effective du processus de structuration. L’étude et la description des appropriations par les différents acteurs organisationnels permettent de comprendre le processus de structuration et par là même l’émergence des changements organisationnels.

La contribution de la théorie de la structuration adaptative réside dans le fait qu’elle tente d’expliquer que l’usage d’une technologie n’est pas déterminé par ses caractéristiques techniques mais plutôt par une interaction complexe entre la technologie elle-même et l’environnement dans lequel elle est employée. Reste à comprendre tous les mécanismes susceptibles d’expliquer les changements structurels induits par l’usage des technologies (Guiderdoni-Jourdain 2009).

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