• Aucun résultat trouvé

4. Le cadre méthodologique

4.2 La stratégie de recherche

Afin de répondre à nos questions de recherche et de confirmer ou d’infirmer nos hypothèses, nous avons recours à l’étude de cas (Gauthier, 1997; Yin, 1994) comme stratégie de vérification. Celle-ci consiste en une analyse comparée de deux quartiers centraux à Montréal et à Québec, et fait appel à des données qualitatives et quantitatives. Notre unité d’analyse étant la ville, nous commençons notre recherche par un survol général du profil économique et politique des villes concernées pour éclairer le contexte du développement des deux quartiers à l’étude.

Notre choix méthodologique est fondé sur le pouvoir descriptif et explicatif de l’étude de cas. L’avantage de l’étude de cas est en effet de pouvoir décrire le phénomène de la revitalisation des quartiers centraux et d’expliquer comment ont évolué les stratégies de développement culturel qui ont contribué à leur revitalisation. Par ailleurs, l’analyse comparée des cas vise à souligner leurs similitudes et leurs différences et surtout à définir les étapes du développement urbain.

127 Sur le plan des similitudes, notons pour le moment que, tant Montréal que Québec, les deux plus grandes villes québécoises ont connu une revitalisation urbaine et ont redynamisé leur économie. En ce qui concerne les différences entre les villes, il faut considérer que l’influence du secteur public serait plus déterminante à Québec, puisqu’il s’agit de la capitale provinciale et que plusieurs ministères y sont situés. Montréal se distingue plutôt par l’intensité de son activité commerciale et industrielle et par la présence de plusieurs sièges sociaux de grandes entreprises. Par ailleurs, du point de vue sociodémographique, Montréal présente aussi une population plus grande et plus hétérogène sur le plan de la diversité culturelle. L’étude du profil socioéconomique des villes permettra de révéler divers enjeux de développement urbain associés à ces variantes de même que de préciser comment ces villes à l’étude se ressemblent ou se distinguent lors des études de cas et des constats d’analyse.

La théorie du développement urbain de Savitch et Kantor et ses variables motrices et contextuelles guident notre analyse comparative. Adaptées à une étude spécifique du développement culturel local, ces variables sont utiles pour décrire et expliquer le phénomène de la revitalisation urbaine des quartiers centraux et les stratégies locales de développement culturel qui le sous-tendent. Notre étude de cas s’appuie essentiellement sur une analyse de divers documents (politiques culturelles et patrimoniales, plan de revitalisation, stratégie de développement culturel, plan d’action et autres) qui nous ont permis de repérer les décisions municipales et gouvernementales qui ont eu une incidence sur le développement urbain et culturel de Montréal et de Québec entre 1992 et 2009. L’examen de ces documents nous a permis d’identifier les acteurs importants, de mettre au jour les raisons qui les ont amenés à choisir

128 certaines orientations stratégiques et d’apprécier les effets de ces stratégies sur le développement des quartiers.

L’étude de cas multiples sert à la confirmation par réplication d’un phénomène. Dans le cadre de notre recherche, ce phénomène est la revitalisation urbaine, alors que les stratégies locales de développement culturel sont notre objet de recherche. Nous étudions aussi l’évolution des stratégies de développement culturel et leurs effets sur une période de quelque 18 ans. Les effets directs des stratégies sont les projets en infrastructures culturelles qui contribuent à la revitalisation urbaine. Par ailleurs, une analyse diachronique de certains indicateurs de développement nous permet de décrire le profil général des villes avant et après la mise en œuvre des plans de revitalisation urbaine. L’analyse comparée fait état de la variation dans le temps de certaines données statistiques et budgétaires. Cette analyse fait un survol des investissements publics réalisés au titre des projets en infrastructures culturelles et expose l’évolution du contexte socioéconomique à la suite de ces investissements. Notre recherche, qui demeure générale, ne permet pas d’établir un lien direct de cause à effet entre les stratégies de développement culturel, les investissements et le développement socioéconomique local. Dans cette perspective, on doit considérer les projets en infrastructures comme le résultat direct de ces stratégies et de ces investissements et le développement socioéconomique comme un effet indirect de ces derniers. Nous avons choisi de trianguler nos sources d’information documentaires pour corroborer les faits et accroître la robustesse de nos constats. Le tableau 3 résume notre stratégie de recherche en présentant nos questions de recherche, notre hypothèse générale et les hypothèses spécifiques qui en découlent ainsi que les variables retenues. Nous détaillons ensuite dans le tableau 4 nos sources de données pour chacune de nos variables. Quant au tableau 5, il précise nos choix

129 d’indicateurs, dont certains sont inspirés de Savitch et Kantor (2002) et de notre proposition d’un cadre d’analyse adapté à notre recherche.

Tableau 3 : Retour sur nos hypothèses de recherche

Questions de recherche Hypothèse Description des variables

Question 1

Comment ont évolué les stratégies de

développement culturel dans les quartiers faubourg Saint-Laurent à Montréal et Saint- Roch à Québec entre 1992 et 2009?

Hypothèse 1 :

Les stratégies locales en faveur du développement culturel, de même que les partenariats qui permettent leur mise en œuvre, notamment au chapitre des

immobilisations, se sont diversifiées dans ces deux quartiers au cours de cette période.

Le processus décisionnel

Les stratégies mises de l’avant par les gouvernements fédéral et provincial et les villes pour favoriser les projets de développement urbain culturel et socioéconomique.

Question 2 Quelles sont les ressources et les contraintes qui ont conditionné les choix de développement culturel des villes à l’étude?

Hypothèse 2 :

Au début des années 1990, tous les ordres de gouvernement investissent dans de grands projets de revitalisation urbaine au sein des deux quartiers à l’étude.

À partir du milieu des années 1990, les contraintes financières imposées par les gouvernements fédéral et provincial ont donné lieu à un renforcement, sur la scène locale, des partenariats entre les milieux économiques et culturels.

Les variables motrices

Les ressources provenant du secteur public, du secteur privé, et du tiers secteur qui contribuent aux projets de développement culturel.

Les contraintes budgétaires et le financement public et privé des projets de développement culturel.

Question 3

Comment ont évolué les mécanismes

démocratiques et l’influence des

regroupements citoyens durant cette période?

Hypothèse 3 :

Le renouvellement des mécanismes démocratiques et l’influence de regroupements culturels ont favorisé le développement culturel et la revitalisation des quartiers centraux.

La mobilisation des acteurs culturels a été le catalyseur de stratégies de revitalisation urbaine incorporant des projets de développement culturel.

Les variables contextuelles

Les mécanismes démocratiques soit, les nouvelles règles, normes et pratiques démocratiques adoptées par la

municipalité au cours de cette période. L’émergence de regroupements culturels et leur influence sur les orientations de développement. La culture locale, soit les valeurs et les normes qui orientent les choix de développement.

130 Question 4

Quel est l’apport de ces stratégies à la

revitalisation urbaine des deux quartiers à l’étude?

Hypothèse 4 :

Les stratégies de développement culturel ont conditionné la mise en œuvre de projets culturels qui ont contribué à la revitalisation urbaine et à la redynamisation économique locale.

La reconnaissance de la vocation culturelle de ces quartiers a été accompagnée de stratégies d’image de marque urbaine visant à les consacrer en tant que « quartiers culturels ».

Les résultats directs

Les effets directs prennent la forme de projets de développement culturels qui contribuent à la revitalisation urbaine. Ce bilan se mesure par le nombre et le coût des nouvelles infrastructures et les actions de mise en valeur du patrimoine bâti.

Les effets indirects

La redynamisation de l’économie locale dépend de plusieurs facteurs, nous ne pouvons tous les mesurer dans le cadre de cette étude.

Il n’est donc pas possible dans le cadre de cette recherche d’établir une relation directe de cause à effet entre les stratégies de développement culturel et la redynamisation économique locale.

HYPOTHÈSE 1 :

Notre première question de recherche propose de décrire les stratégies locales de développement culturel et leur évolution dans le temps. Notre hypothèse est que ces stratégies, notamment au chapitre des immobilisations, se sont diversifiées dans les deux quartiers étudiés entre 1992 et 2009.

Pour vérifier cette hypothèse, nous nous basons sur l’étude du processus décisionnel et de la position de négociation des villes. L’analyse du processus décisionnel met en lumière les stratégies mises de l’avant par les gouvernements fédéral, provincial et les villes pour favoriser le développement local. La position de négociation se mesure par la nature des outils d’intervention (contrôles et incitatifs) mis en place par les administrations municipales; ces outils traduisent une

131 position de négociation avantageuse ou au contraire désavantagée face aux promoteurs de projets urbains ou de développement culturel. Ces deux éléments d’analyse expliquent le processus décisionnel et les marges de manœuvre des décideurs publics en fonction du contexte économique et politique.

HYPOTHÈSE 2

La deuxième question de recherche incite à identifier les ressources et les contraintes qui conditionnent les choix de développement culturel des villes au cours de la période étudiée. Notre hypothèse est que, à la suite des investissements dans des projets de revitalisation urbaine, des contraintes financières posées par les gouvernements fédéral et provincial 57 auraient donné lieu à

un renforcement des liens entre les milieux économiques et culturels en faveur de stratégies locales de développement.

Pour vérifier cette hypothèse, nous mettons au jour les variables motrices de notre modèle, soit les ressources provenant des secteurs public et privé et principalement les investissements qui contribuent au montage et à la réalisation des projets d’infrastructures culturelles. Nous faisons aussi état des contraintes de l’environnement économique et des principales orientations politiques qui ont eu une influence sur le financement public et privé des projets en infrastructures culturelles.

57 Rappelons que des contraintes financières se sont matérialisées par une réduction des paiements de transfert aux municipalités (Tindal et Tindal, 2000). Comme nous le verrons, ces changements ont eu des répercussions sur les subventions et les programmes de tous les secteurs, dont le secteur culturel. Mais n’anticipons pas.

132 HYPOTHÈSE 3

Notre troisième question de recherche a pour objectif de mettre au jour la nature et l’évolution des mécanismes démocratiques (consultation publique, sommet, forum, comité consultatif) et l’influence des regroupements culturels durant la période d’étude. Nous posons l’hypothèse que le renouvellement des mécanismes démocratiques et l’émergence de regroupements culturels ont favorisé un virage en faveur du développement culturel et de la revitalisation des quartiers centraux. La mobilisation des acteurs culturels, politiques et économiques aurait ainsi permis de catalyser des stratégies de revitalisation urbaine incorporant des projets de développement culturel.

Pour vérifier cette hypothèse, nous analysons les variables contextuelles de notre modèle, soit l’évolution des mécanismes démocratiques et de la culture locale. À cette fin, nous examinons l’évolution des mécanismes démocratiques. Ces changements comprennent les nouvelles politiques de consultation publique et pratiques démocratiques adoptées par les villes, telles que les sommets, les forums, les rendez-vous stratégiques ou l’émergence de tables de concertation ou de comités consultatifs. Les changements concernant la culture locale permettent, pour leur part, d’identifier les valeurs et les normes qui conditionnent le processus décisionnel. Ces valeurs et ces normes se reflètent dans les nouvelles orientations politiques mises de l’avant par les élus. Mais aussi dans les stratégies locales de développement et leur contenu : plans de développement, programmes, mesures incitatives ou règlementaires.

HYPOTHÈSE 4

133 œuvre ont contribué à la revitalisation urbaine des deux quartiers à l’étude. Notre hypothèse est que les stratégies de développement culturel ont conditionné la mise en œuvre de projets culturels qui ont contribué à la revitalisation urbaine et à la redynamisation économique locale. La reconnaissance de la vocation culturelle de ces quartiers aurait donné lieu, par la suite, à des projets d’image de marque urbaine visant à les consacrer en tant que « quartiers culturels ». Pour vérifier cette hypothèse, nous étudions les résultats directs et les effets indirects du développement culturel sur la ville. Les résultats directs se résument au bilan des projets de développement culturel. Ce bilan se mesure par le nombre et le coût des nouvelles infrastructures, les actions de mise en valeur du patrimoine bâti et la tenue de festivals et événements. Les effets indirects comprennent la contribution du développement culturel à la revitalisation urbaine et la construction progressive d’une nouvelle image de marque. Les effets indirects du développement culturel sur l’environnement socioéconomique local ne peuvent être évalués de manière spécifique, car l’économie locale dépend de plusieurs facteurs, dont le contexte économique mondial et les initiatives de développement dans leur ensemble. Nous pouvons cependant mesurer leur présence à travers la construction et la promotion d’une nouvelle image de marque associée aux quartiers visés, ces derniers devenant des vitrines et des outils de (re)positionnement. La comparaison de la situation avant et après la mise en œuvre des plans de revitalisation urbaine donne un aperçu général de ces effets indirects.