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2. La recension des écrits

2.2. Le domaine de la culture et ses politiques

2.2.3. L’approche de développement intégré et les stratégies de développement culturel

n’est donc plus centrée uniquement sur le développement d’une offre culturelle destinée à un grand public, mais s’ouvre désormais à des objectifs de développement économique et social sur le plan local. Ces initiatives, développées par les artistes et les organismes culturels, contribuent à relever de nombreux défis sociaux auxquels font face les municipalités : la pauvreté et la criminalité qui menacent le dynamisme et la sécurité des quartiers.

Quels que soient les défis économiques et sociaux des villes, ces dernières doivent s’adapter à un contexte post-industriel caractérisé par l’émergence d’une nouvelle économie axée sur le savoir, les nouvelles technologies de l’information et de la communication (Tremblay, 2006). Pour y arriver, certaines villes misent sur des stratégies qui intègrent la culture au sein d’une démarche de développement global et durable (Saint-Pierre, Béliveau-Paquin et Dubois, 2009, 2010).

2.2.3. L’APPROCHE DE DÉVELOPPEMENT INTÉGRÉ ET LES STRATÉGIES DE DÉVELOPPEMENT CULTUREL

La notion de développement urbain a évolué depuis les années 1950 vers des approches intégrées de développement, voire de développement durable (Roberts et Sykes, 2000). Une déclaration, adoptée en 2010 à l’occasion du 3e Congrès mondial de Cités et gouvernements locaux unis

(CGLU), affirme que la culture constitue le quatrième pilier du développement durable13.

12 Ainsi, les villes les plus cosmopolites financent des événements et festivals interculturels afin de mettre en valeur les diverses origines culturelles de leurs habitants et favoriser leur intégration sociale et les échanges interculturels. Les villes développent aussi des programmes d’initiation à la lecture et d’alphabétisation destinés aux jeunes familles afin de dynamiser les quartiers défavorisés et rendre la culture accessible au plus grand nombre. D’autres activités de médiation culturelle sont mises en œuvre dans une perspective d’inclusion sociale ou de prévention de la délinquance.

45 Plusieurs facteurs ont mené à une prise de conscience de l’importance de la culture pour le développement local.

Du point de vue de l’administration publique québécoise, deux politiques majeures, dont l’une concerne la culture et l’autre l’organisation territoriale, ont contribué à faire croître l’importance des projets de développement culturel dans l’agenda des villes, soit la Politique culturelle du Québec de 1992 et le livre blanc, Changer les façons de faire pour mieux servir les citoyens (MAMM, 2000)14. Tel que l’indique Saint-Pierre (2007), la réforme territoriale municipale mise

en œuvre en 2002 a donné lieu à tout un éventail d’actions publiques axées sur le développement durable et l’accroissement de la qualité de vie des citoyens. L’auteure indique que c’est à la suite de cette réforme, alors que divers acteurs publics ressentent la nécessité de renforcer les liens et de développer un sentiment d’appartenance au sein des nouvelles villes, que des élus et des administrateurs publics locaux optent pour cette approche globale et durable de « développement intégré de la ville »15, laquelle intègre des objectifs de cohésion sociale, de préservation du

d’autorités régionales et d’associations culturelles dans le monde, réunis à Mexico à l’occasion du 3e Congrès Mondial de Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU) ont adopté une déclaration qui affirme que la culture constitue le quatrième pilier du développement durable. (Page consultée le 2014-03-25). Site du réseau culture 21, [en ligne]: http://www.reseauculture21.fr/wp-content/uploads/2010/11/zz_Culture4pilierDD_fra.pdf

14 Le Livre blanc présenté par la ministre péquiste Louise Harel, La réorganisation municipale : Changer les façons de faire, pour mieux servir les citoyens (MAMM, 2000), entraîne diverses mesures législatives dans le but de réorganiser et de fusionner plusieurs municipalités québécoises. Les lois encadrant la réforme municipale sont : 1] le projet de loi 124 qui modifie la Loi sur l’organisation territoriale municipale (2000, chapitre 27); 2) le projet de loi 134 qui institue la Communauté métropolitaine de Montréal (2000, chapitre 34); 3) le projet de loi 170, (2000, chapitre 56) qui crée les nouvelles villes de Montréal, Québec, Longueuil, Lévis et Hull-Gatineau; 4) le projet de loi 171 (2000, chapitre 57) qui modifie l’article 29.1 de la Charte de la langue française portant sur la langue de l’administration; et finalement 5) le projet de loi 29 (2001, chapitre 25) qui modifie notamment la loi 170. À la suite de l’arrivée au pouvoir du Parti Libéral en avril 2003, le Projet de loi 9 (Loi concernant la consultation des citoyens sur la réorganisation territoriale de certaines municipalités) est adopté, permettant ainsi à plusieurs municipalités, à la suite de référendums tenus en 2004, de défusionner, notamment dans les agglomérations métropolitaines de Montréal et de Québec.

15 Saint-Pierre définit cette approche comme « […] un ensemble de mesures et d’actions concernant des aspects sociaux, économiques, environnementaux, urbains et culturels mis en œuvre par les pouvoirs publics (gouvernement provincial, communautés métropolitaines, villes, arrondissements) pour « mieux vivre » dans la ville (Saint-Pierre [Projet CRSHC], 2005 : 1) ».

46 patrimoine et de revitalisation urbaine des quartiers centraux16. Également, les acteurs politiques,

sociaux et culturels se mobilisent afin d’élaborer de nouvelles visions intégrant les dimensions économique, environnementale, urbaine et culturelle dans un objectif de développement global et durable, tel qu’envisagé dans le livre blanc de la ministre Louise Harel (2000). Cette vision se concrétise à travers une planification stratégique et une approche de développement intégré incorporant des volets culturels importants. Également, tenant compte des nouvelles réalités d’après fusion, des politiques culturelles et patrimoniales locales sont élaborées, puis adoptées (Saint-Pierre et Béliveau-Paquin et Dubois, 2009; 2010).

Dans la foulée des fusions municipales, des plans stratégiques incorporant la culture comme facteur de développement urbain sont élaborés. La recherche témoigne de ces nouvelles approches de développement au Québec comme à l’étranger. À la demande du ministère de la Culture du Québec, les expériences étrangères en matière de développement culturel ont été documentées par Saint-Pierre (2002 b), mais aussi à l’occasion d’une recension exhaustive des écrits et des sites Internet par Saint-Pierre et Coutard (2002). Cette étude visait alors à relever les conditions de succès de certaines initiatives de « régénération urbaine » à l’aide de la culture et à

16 Divay et Slimani (2013) distinguent deux approches de revitalisation urbaine à Montréal, celle des années 1990 qui consiste en des interventions ponctuelles dans des quartiers dits sensibles et visant l’amélioration physique du milieu et l’approche de revitalisation urbaine intégrée (RUI) (Divay et Séguin 2004, Divay, Hamel, Rose, Séguin, Sénécal et Bernard 2004, Divay, 2005). À Montréal les projets RUI sont formulés lors des délibérations du Sommet de 2002 et s’inscrivent dans les efforts collectifs menés dans le cadre de la loi provinciale visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Dans le cadre de ces initiatives, la ville poursuit l’objectif d’améliorer la qualité de vie de secteurs défavorisés sur le plan social et économique. Les projets RUI visent la concertation et la mobilisation citoyenne afin d’habiliter les milieux à identifier des problématiques de développement local et y répondre notamment par des interventions dans le domaine de l’éducation, de la santé, de la sécurité alimentaire, des services de loisirs ou d’emploi. Ces projets impliquent souvent le secteur public et le tiers secteur notamment, des entreprises d’économie sociale.

47 mettre au jour les formes de partenariat et de soutien issues de divers ordres de gouvernement. L’étude conclut que les projets et les processus de régénération urbaine des villes de Glasgow, de Dublin, de Barcelone et de Bilbao se sont appuyés sur différentes formes d’objectifs et de stratégies soit : 1) la revalorisation de l’image de la ville et son positionnement international, 2) la redynamisation économique et le développement d’incitatifs destinés aux entreprises, 3) la requalification urbaine, la mise en valeur des espaces verts et du patrimoine architectural industriel 4) la valorisation de l’économie sociale, le développement de l’employabilité et de l’insertion sociale 5) le développement de la culture et d’une identité locale par la stimulation de la création et la mise en valeur du patrimoine 6) la coordination stratégique et opérationnelle, notamment par le biais de schéma d’aménagement, de plan stratégique et d’évaluation de projets, 7) la participation citoyenne par la consultation publique, mais aussi par la mise en œuvre de projets citoyens 8) la participation de la communauté européenne (CE) par des investissements du fonds européen et de divers programmes de subvention pour les quartiers défavorisés et les initiatives communautaires (Saint-Pierre, 2002b : 120-122). L’auteure souligne que la réorganisation municipale alors en cours au Québec aura des répercussions importantes sur le développement culturel des villes et particulièrement sur la métropole et la capitale.

Les nouvelles visions de développement de la ville de même que les plans d’action qui en découlent incorporent désormais des objectifs de développement culturel dans les principales villes québécoises (Saint-Pierre 2007). Breux et Collin (2007) constatent également que des fusions municipales au Québec17 ont entraîné une harmonisation des compétences, des budgets et

17 L’article traite de l’impact des fusions municipales sur le secteur culturel municipal dans les huit villes de plus de 100 000 habitants, résultat des fusions de 2002, soit celles de Québec, Montréal, Sherbrooke, Gatineau, Lévis, Longueuil, Trois-Rivières et Saguenay.

48 des politiques du secteur culturel. Cependant, dans le cadre d’une autre étude, Collin, Breux et Rivard (2007) concluent que la culture ne serait pas une composante des stratégies d’action publique des métropoles moyennes, du moins à l’échelle des villes canadiennes. Bien que la planification stratégique soit une pratique préconisée depuis les années 1980, les auteurs relèvent que jusqu’à 2007, selon l’échantillon à l’étude, les régions métropolitaines de Victoria, en Colombie-Britannique, et d’Halifax, en Nouvelle-Écosse, ne disposaient pas d’un plan stratégique en matière de culture.

En participant au développement de la ville, la culture incorpore les objectifs de développement de divers autres domaines de l’action publique, tels que : les développements économique, touristique, social, communautaire et environnemental. Dans un rapport présenté par le ministère de la Culture, Dalphond (2008) conclut à l’importance de poursuivre ces objectifs de développement intégré. L’auteur affirme que le Québec fait face à un changement de paradigme dans la façon de concevoir l’action publique en matière de culture. Selon lui, une adaptation du fonctionnement du système culturel serait ainsi souhaitable afin de répondre de façon adéquate aux défis démographiques, politiques et technologiques actuels (Ibid. : 99). L’auteur pointe également plusieurs défis du développement culturel québécois à venir, dont l’accès des jeunes et des communautés culturelles à la culture, la contribution des régions à la diversité culturelle québécoise et l’impact de l’évolution des goûts du public en matière de culture sur la production artistique. En somme, pour Dalphond, alors que les collectivités prennent progressivement conscience de l’importance et de l’utilité du développement culturel, l’enjeu central de l’action culturelle devient précisément une meilleure intégration de la culture avec les systèmes sociaux et économiques.

49 Notre thèse contribue aussi à ce courant de recherche en études urbaines entourant l’apport du développement culturel au devenir de la ville. Puis, sous l’angle de l’administration publique et de l’analyse des politiques, notre étude permet plus spécifiquement de décrire l’évolution des stratégies locales de développement culturel et leurs effets sur le faubourg Saint-Laurent à Montréal et le quartier Saint-Roch à Québec. Notre analyse se concentre sur la comparaison des stratégies de développement culturel mises en œuvre par les villes de Montréal et de Québec entre 1992 et 2009.

Comme elles sont au cœur de nos préoccupations de recherche et qu’elles permettent de concrétiser les orientations proposées par les politiques culturelles municipales, il convient maintenant de définir ce que nous entendons par « stratégies locales de développement culturel » et de faire état de l’avancement des connaissances en ce domaine. Au niveau local, l’offre de services dans le secteur culturel se concrétise grâce, notamment, à un soutien public aux organismes culturels locaux et aux activités de loisirs et de culture de même qu’à des mesures concernant la préservation du patrimoine. De grandes orientations en matière de développement – par exemple, la revitalisation d’un quartier, la cohésion sociale et l’inclusion des groupes minoritaires ainsi que l’attractivité de la ville pour le tourisme, les investisseurs et la main- d’œuvre – sont aussi définies. Ces orientations donnent lieu, elles aussi, à des investissements publics dans divers domaines, dont celui de la culture. Ce sont ces investissements stratégiques qui retiennent particulièrement notre attention dans le cadre de notre recherche. Or, ces stratégies de développement culturel se concrétisent à travers des ententes de financement des infrastructures culturelles locales, des festivals et des événements culturels et par un soutien à des projets ponctuels.

50 Bref pour clore cette section sur le domaine de la culture et ses politiques (section 2.2.), rappelons que les diverses études portant sur le développement culturel local confirment l’intérêt de documenter l’apport de la culture à la revitalisation urbaine. Force est de constater que le courant de recherche entourant les politiques culturelles municipales, les approches de développement intégré et l’évaluation d’impact appliquées au secteur culturel est en développement. Maintenant que nous avons précisé ce que revêtent, dans le cadre de notre propre analyse, les approches de développement intégré et les stratégies de développement culturel, il convient maintenant de faire le point sur l’état de la recherche dans le domaine du développement urbain, ce à quoi se consacre la prochaine section.