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L’Algérie est un pays connu par sa richesse langagière, qui fait du terrain sociolinguistique algérien un champ d’investigation pertinent qui pourrait intéresser de nombreux chercheurs en sciences du langage. Il semble pertinent de dire que cette mosaïque linguistique et culturelle de l’environnement algérien fut le résultat de nombreux évènements historiques parmi lesquels nous pouvons citer les belligérances successives : phénicienne, carthaginoise, romaine, byzantine, arabe, turque, espagnole, française.

Par ailleurs, parmi les périodes cruciales dans la configuration de l’environnement sociolinguistique algérien sont : d’un côté la civilisation arabe, qui fut un vecteur de l’islamisation et de l’arabisation de l’Algérie, et de l’autre côté la colonisation française prolixe qui s’échelonna sur 132 ans, accompagnatrice d’une francisation et d’une acculturation massive. Cette politique de monolinguisme qui fait du français la seule langue parlée dans l’espace algérien, fut mise en lumière par les autorités gouvernementales à l’aube de l’indépendance mais tout en optant pour la promotion de la langue arabe, qui représente l’un des traits fondamentaux de l’identité algérienne. Afaf Baala Boudebia ( 2012 : 165,175 ) confirme que : « L’histoire sociolinguistique de l’Algérie depuis 1830 jusqu’à nos jours peut se

résumer en deux phases : la francisation et puis l’arabisation ».

En revanche, il est admis à dire que malgré les efforts fournis en termes d’arabisation, le français demeure omniprésent dans les pratiques langagières des algériens, car il jouit du statut de la première langue étrangère, même si ce statut reste jusqu’à nos jours ambigu. Selon D. Caubet ( 1998 , 122) : « le français en tant que langue de l’ancien colonisateur a un

statut ambigu ; d’une part, il attire le mépris officiel (il est officiellement considéré comme une langue étrangère au même titre que l’anglais), mais d’autre part, il est synonyme de réussite et d’accès à la culture et au modernisme ».

Ainsi le tamazight et ses variétés ( kabyle chaouit , chleuh, mozabit, le targui..), fut proclamé comme langue nationale en 2002 et une langue officielle en 2016. Rajoutant à celles-ci,

30 l’anglais qui constitue la deuxième langue étrangère, apprise principalement dès la première année du cycle moyen.

2. Le statut des langues en présence en Algérie

2.1 L’arabe et ses variétés

L’arabe classique forme une partie intégrante de la famille des langues chamito-sémitique tout à fait comme l’hébreu, l’araméen, l’akkadien et l’amorite… . Il tire ses origines exactement du moyen Orient, puis il s’est propulsé Grâce à l’Islam dans d’ autres zones géographiques telles que les pays de Maghreb.

Il est admis à dire que l’arabe à travers sa variété dit « classique » ou « fusha » constitue le noyau de la communauté algérienne. Il est un trait constitutif de l’identité nationale tout comme l’islam et l’amazighité.

Il est à noter aussi que l’arabe est la langue du coran et le vecteur de l’islamisation ce qui lui accorde le privilège de langue sacrée au sein de la société. Autrement dit « L'articulation de la religion sur la langue arabe classique confère à cette dernière une dimension de sacralité … ». (Queffélec et al., 2002 p. 33).

En revanche, en termes d’usage l’arabe classique a subi une dévalorisation et un recul durant l’époque coloniale. Durant cette dernière les autorités coloniales ont promulgué une politique de monolinguisme en encourageant la diffusion de la langue française au détriment des autres variétés linguistiques en présence.

Il est à rajouter que cette variété linguistique à caractère littéral est la langue nationale et officielle de l’Algérie, elle est absente quasiment des usages de la vie quotidienne des locuteurs algériens et elle s’apprend essentiellement à travers l’école dés la première année du cycle primaire.

Concernant la variété arabe, nommée « standard », « médium », « moderne », elle représente la langue internationalisée et adaptée à l’évolution des sciences. Rajoutant à cela, l’arabe « standard » est une langue qui se caractérise par la création lexicale des emprunts à partir des autres langues étrangères telles que l’anglais et le français.

En comparant « l’arabe classique » à « l’arabe standard », il s’avère que la première est figée, tandis que la deuxième est contextualisée avec un vocabulaire modernisé. L’arabe

31 standard fait l’objet d’usage par les locuteurs dans les administrations, la presse ( écrite et orale ) et la justice. Elle est la langue par laquelle s’effectue l’enseignement de plusieurs domaines tel que l’éducation civique, la technologie l’histoire-géographique.

Quant à l’arabe algérien, nommé aussi « arabe dialectal », « derja », « langue véhiculaire » par plusieurs chercheurs, en effet ces appellations sont bien évidement le résultat de la divergence d’opinions de ces chercheurs concernant la définition de la langue en question. Certains chercheurs, comme celui le cas de Farouk BOUHADIBA, préfèrent le mot « arabe algérien » sous prétexte qu’il est lié linguistiquement ( lexique et morphologie) à l’arabe classique. En revanche, cette dénomination est quasiment rejetée par Kamel DAOUD , car pour lui le lien unissant l’arabe à l’algérien est réductible à quelques mots empruntés , une relation tout à fait identique avec d’autres langues comme l’espagnol, turque, français… Pour d’autres chercheurs, l’arabe algérien est considéré comme une langue indépendante voire autonome, dotée d’un système linguistique (grammaire, phonétique, syntaxe, morphologie) sauf que ce système linguistique « arabe algérien » n’est pas encore standardisé (latent), et que la différence entre l’arabe algérien et l’arabe classique est dans le fait que le premier est réservé à l’oral (sauf quelques écrits journalistiques et quelques faits théâtraux) et le second est écrit. Pour d’autres, notamment les arabophones l’arabe dit « dialectal » est une dégénération de l’arabe classique, un sous-système métissé qui ne peux remplir ni la fonction de l’enseignement ni celle de la recherche scientifique.

Il est nécessaire de signaler qu’en Algérie la langue la plus dominante en fonction des locuteurs est l’arabe algérien parce qu’elle constitue la première langue de socialisation de la majorité de la population. Ainsi cette variété linguistique sert principalement à la communication quotidienne et constitue un moyen linguistique par lequel le locuteur algérien exprime ses sentiments, son affectivité, et son humeur.

Enfin l’arabe algérien est connu par sa diversité interrégionale sachant que cette diversité ne présente en aucun cas un obstacle au niveau de la compréhension. Yacine DERRADJI précise « la diversité existe mais elle n’entraine aucune difficulté dans la

compréhension et la communication lorsque les locuteurs de divers régions marquées linguistiquement se rencontrent » ( Derradji : 2002,121).

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2.2 Le berbère ou le Tamazight

Le tamazight avec ses différentes variétés (le kabyle, le chaoui, le touareg…) est l’une des langues les plus anciennes sur le territoire algérien. Il tire son origine de l’époque de l’antique. Cette langue est parlée par les berbères.

Le Tamazight est la langue première de socialisation d’une certaine catégorie de la population algérienne. Les berbérophones représentent presque le tiers (27%) de cette population, ils ont pu garder la présence de leur langue dans le paysage linguistique algérien malgré l’histoire mouvementée du pays, qui fut façonnée par des invasions successives. Durant l’époque coloniale, le tamazight et sa culture furent utilisé comme moyen afin que le clivage linguistique soit créé au sein de la société algérienne. Dans cette optique, l’envahisseur a encouragé la promotion de cette langue au moment où il optait à tout prix pour la substitution du français à la langue arabe.

Au lendemain de l’indépendance, Le berbère, avec les autres variétés parlées en Algérie ont été extrêmement mis en marge dans l’environnement linguistique algérien avec la préconisation de la politique d’arabisation qui cherchait à unifier le peuple à travers la promotion unique et progressive de la langue arabe. Pour cela les berbérophones n’ont pas cessé de réclamer la valorisation et la reconnaissance de leur langue car elle est le vecteur principal de leur origine, identité et culture. Le véritable mouvement qui représente la revendication des berbérophones fut créé en 1980 sous le nom du « printemps berbère », ils exprimaient leurs colères et leurs rejets vis-à-vis les autorités gouvernementales par le biais des manifestations successives, des grèves générales, et des boycotts scolaires.

Ce n’est qu’en 2002 et après de nombreuses revendications faites par les berbérophones, que cette langue a pu atteindre le statut de langue nationale. En revanche, ce statut a été approximativement symbolique parce qu’il n’a pas apporté de nouveau à la situation des berbérophones dans la mesure où il n’y a eu aucune procédure qui encourage la promotion et l’enseignement de cette langue. En 2016, le Tamazight est reconnu comme étant langue nationale et officielle dans la constitution. Cette proclamation est considérée comme un pas en avant pour les berbérophones dont le projet de sa généralisation serait de plus en plus nécessaire.

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2.3 Le français

La langue française en Algérie fut imposée au peuple algérien dès le début de l’occupation, qui date de 1830 jusqu’à 1962. Le pouvoir en place de cette époque a promulgué une politique linguistique de francisation pour s’enraciner et maintenir l’effondrement des référents identitaires des algériens dont la langue et la culture sont les principaux constituants. Cette politique de monolinguisme fut fortement accompagnée d’une acculturation ségrégationniste afin que le colonialisme assure le prolongement de son existence.

De ce fait, la langue française finit par s’incruster dans le terrain sociolinguistique algérien et elle devient la seule langue nationale et officielle du pays. Cela a conduit l’arabe classique inéluctablement à un recul dans le sens où son usage se limite à la lecture du coran et à la prière en cédant à la langue française le terrain vide pour se propulser et d’être le moyen par lequel fonctionnent toutes les institutions.

En 1962, et après avoir passé plus d’un siècle de révolution, l’Algérie a pu récupérer son indépendance. L’envahisseur français a laissé des séquelles qui décèlent un héritage linguistique considérablement reconnu à travers les instituions fonctionnant en français. En effet la nécessité de dénuer les traces (linguistiques, culturelles ) laissées par le colonisateur n’est qu’un début vers la construction d’une nouvelle Algérie indépendante.

Le pouvoir post-colonial a promulgué une politique d’arabisation ayant pour objectif, la restauration de la position prestigieuse qu’occupait l’arabe classique dans l’époque précoloniale et la réduction des champs d’utilisation de la langue française qui fut largement ancrée dans le paysage linguistique algérien.

Par ailleurs, il est nécessaire de dire que la démocratisation de cette politique d’arabisation a participé à la reconfiguration du paysage sociolinguistique algérien notamment le changement statutaire qu’a connu la langue française. A ce sujet ZABOOT explique que : « la langue française a connu un changement d’ordre statutaire et de ce fait, elle a quelque peu

perdu terrain dans certains secteurs où elle était employée seule, à l’exclusion des autres langues présentes dans le pays, y compris la langue arabe, dans sa variété codifiée » ( ZABOOT : 1989,

91).

.Le français devient la première langue étrangère, enseigné dés la troisième année primaire. Certes il y a eu ce changement de statut mais il est important de dire que le français

34 demeure omniprésent dans les pratiques langagières. Il est à noter que malgré l’encouragement et la promotion de l’arabisation, la langue française voit encore le jour dans le contexte linguistique algérien et demeure omniprésente dans les pratiques effectives des locuteurs.

Pour conclure, le paysage linguistique algérien est caractérisé par une hétérogénéité qui décèle une coexistence de plusieurs variétés langagières. L’arabe algérien est utilisé par la majorité des algériens sachant qu’il ne jouit pas d’un statut officiel. Quant à l’arabe classique, il est la langue nationale et officielle du pays, il est réservé à l’usage formel ( les écoles publiques, la presse écrites et orale ). Le français de sa part constitue la première langue étrangère, il est dominant dans plusieurs domaines tels que les domaines scientifiques et techniques. Il est utilisé par les intellectuels et certaines écoles privés. Alors que Le tamazight est utilisé par les berbérophones. Rabah sebaa (2002 ) dit à ce sujet :

« Ceux qui connaissent l'Algérie savent qu'il existe dans cette société

une configuration linguistique quadridimensionnelle, se composant fondamentalement de L'arabe algérien, la langue de la majorité, de l'arabe classique ou conventionnel, pour l'usage de l'officialité, de la langue française pour l'enseignement scientifique, le savoir et la rationalité et de la langue amazighe, plus communément connue sous l'appellation de langue berbère »1

3.La politique linguistique et culturelle en Algérie (francisation et

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