• Aucun résultat trouvé

Rappels Bibliographiques

II.1 La RMN : limites et progrès technologiques

De nombreuses conditions doivent être remplies avant de commencer l’étude d’une macromolécule par RMN. Celle-ci doit être soluble, stable à forte concentration et sa masse moléculaire ne doit pas être trop importante sous peine d’avoir des signaux dont la qualité sera altérée par des phénomènes physiques.

Pour éviter ces problèmes, certaines propriétés techniques doivent être prises en compte.

II.1.1

Limites imposées par la technique et l’échantillon biologique

Le rapport signal sur bruit (S/N) d’une expérience est proportionnel aux paramètres suivants :

scans * 2 3/2 obs exc 3/2 0 1 mlc

AT

B

γ

γ

T

N

N

N

S

où Nmlc est le nombre de molécules dans le volume d’observation, A représente l’abondance des spins actifs,

T la température, B0 le champ magnétique statique, γexc et γobs les rapports gyromagnétiques des spins

initialement excités et observés, T2* la relaxation transversale et Nscans le nombre de scans.

Cette relation montre que la sensibilité augmente avec l’intensité du champ magnétique (en B03/2) et

l’augmentation du nombre de spins (Nmlc*A).

Dans un champ magnétique, la différence de population des niveaux d’énergie des spins est très faible (de l’ordre de 1,4 pour 10 000 spins à 18,8 Tesla). La RMN n’est donc pas une technique très sensible et nécessite l’utilisation d’échantillons concentrés (>0,5 mM) et stables (pas de phénomènes d’oligomérisation, pas de dégradation) car l’enregistrement des différentes expériences peut durer plusieurs semaines.

La taille de la molécule est également un paramètre important. En effet, la gamme des déplacements chimiques des différents atomes détectables est constante : 12 ppm pour le proton, 30 ppm pour l’azote et le carbone α. Comme le nombre de signaux observables augmente bien plus vite que le nombre de résidus, le nombre de superpositions des pics de corrélation est de plus en plus important lorsque la taille de la protéine augmente. Ceci entraîne une diminution de la résolution et des difficultés d’interprétation des spectres de par l’augmentation du nombre de systèmes de spins attribués de manière ambiguë (Figure II.1).

Figure II.1 : Spectre 1D 1H de 3 protéines de tailles différentes. L’augmentation du nombre de résidus entraîne une

augmentation des superpositions sur le spectre.

Un autre problème inhérent à la taille de la molécule est la largeur de raie. Un pic de résonance est une fonction lorentzienne et peut s’écrire de la manière suivante :

( )

2 0 2 2 2 2

)

υ

)

(1/R

1

1/R

υ

f

+

=

où f(υ) correspond à l’intensité du pic à la fréquence υ, R2 à la vitesse de relaxation transversale (R2=1/T2*)

et υ0 représente la fréquence correspondant au maximum d’intensité du pic. On peut facilement montrer que

la largeur de raie à mi hauteur Δυ est proportionnelle au temps de relaxation transversale T2*(* indique que

l’on tient compte de l’inhomogénéité du champ):

* 2 2

πT

1

π

R

Δυ=

=

Comme T2 est dépendant du temps de corrélation τc lui même proportionnel à la taille de la

molécule, il en résulte que la largeur des signaux augmente avec la taille de la molécule (Figure II.2).

kT

ηV

τ

c

=

Avec η : viscosité du milieu, k : constante de Boltzmann, T : température et V : volume de la molécule directement dépendant de sa taille.

En conséquence, la sensibilité et la résolution d’une expérience seront diminuées avec l’augmentation de la taille de la molécule étudiée.

Figure II.2 : Comparaison du signal observé en fonction de la taille de la molécule. La largeur à mi-hauteur du pic de corrélation est proportionnelle à la vitesse de relaxation transversale R2 elle-même proportionnelle au temps de

corrélation τc de la molécule.

De nombreuses avancées ont été faîtes, aussi bien concernant la préparation des échantillons que des progrès au niveau des spectromètres et des méthodes d’analyse pour repousser les limites de la technique.

II.1.2

Les progrès instrumentaux

Nous avons vu que la sensibilité d’une expérience augmente avec le champ magnétique en B03/2. La

puissance des aimants n’a cessé d’augmenter et est passée de 2,1 Tesla en 1962 (correspondant à une fréquence 1H de 90 MHz) à 22,1 Tesla en 2005 (soit 950 MHz, Oxford Instrument produit non commercial).

Un spectre enregistré à 800 MHz est 2 fois plus résolu et 6,4 fois plus sensible qu’un spectre enregistré à 400 MHz. L’augmentation de l’intensité du champ permet de diminuer le nombre de recouvrements et d’augmenter l’intensité des raies de résonances.

Une autre avancée importante au niveau des spectromètres est l’arrivée des cryosondes. Dans ces dernières, les bobines sont plongées dans un bain d’hélium liquide qui permet de diminuer le bruit thermique et d’augmenter la sensibilité des expériences d’un facteur 2 ou 3. L’utilisation de cryosondes peut donc permettre de diminuer les concentrations de l’échantillon (qui peut être difficile à obtenir) à condition que celui-ci soit stable à de faible concentrations salines. En effet, l’efficacité de ces sondes diminue fortement avec l’augmentation de la force ionique mais cet aspect est en cours d’amélioration avec l’élaboration en 2005 d’une cryosonde permettant l’étude d’échantillons ayant une concentration saline jusqu’à 500 mM NaCl (http://www.varianinc.com/)

II.1.3

Le marquage isotopique et la RMN hétéronucléaire

Des avancées importantes en RMN proviennent des progrès concomitants réalisés dans le marquage isotopique et le développement de la RMN hétéronucléaire multidimensionnelle.

Les macromolécules biologiques sont des molécules organiques constituées d’hydrogène, d’azote, de carbone, d’oxygène, de soufre et de phosphore. Parmi ces éléments, seuls le proton et le phosphore sont les éléments dont les isotopes les plus abondants possèdent un spin ½. Des techniques de marquages isotopiques permettent aujourd’hui d’introduire de manière partielle uniforme, totale ou localisée des isotopes avec un spin nucléaire. L’introduction d’hétéronoyaux possédant un spin ½ est très intéressante puisqu’elle permet d’augmenter la résolution des spectres. En effet, depuis la fin des années 1980 / début des années 1990, des expériences hétéronucléaires multidimensionnelles ont été développées. Elles exploitent les couplages scalaires 1J (à travers 1 liaison chimique) entre hétéronoyaux et apportent deux avantages :

La corrélation de paires de noyaux reliées par une liaison covalente qui facilite l’attribution et l’identification de la nature chimique des noyaux.

L’augmentation de la résolution des spectres. En effet, les résonances protons vont être séparées dans un espace à deux, trois voire quatre dimensions en fonction de la nature chimique de leurs voisins.

Ces évolutions ont permis d’augmenter la gamme de taille des molécules étudiables. La détermination par RMN de la structure haute résolution peut être faîte pour des protéines de l’ordre de 30 kDa à 40 kDa. La détermination du repliement global peut se faire pour des molécules plus grosses jusqu’à 80 kDa environ.

Il existe deux types de marquages isotopiques, le marquage uniforme et le marquage spécifique. Selon les besoins de l’étude, l’un ou l’autre ou les deux types de marquage peuvent être effectués. Le marquage spécifique peut faciliter l’étude lorsque l’on cherche à identifier des résidus précis ou si l’on veut observer des interactions intermoléculaires. Néanmoins son coût est élevé puisqu’il est nécessaire de se procurer des acides aminés marqués ou leurs précurseurs.

II.1.4

La deutération

Un marquage très utilisé pour l’étude des molécules de grande taille est la deutération. Ce marquage permet de remplacer tout ou une partie des protons (1H) présents dans la molécule par des deutérium (2H ou

D). Le deutérium possède un spin nucléaire (S=1) mais son rapport gyromagnétique étant différent de celui des autres isotopes utilisés (1H, 15N,13C,31P,), sa gamme spectrale sera différente et il ne sera pas « excité »

lors des expériences et sera donc invisible. Il faudra par contre découpler les couples X-D (16) afin de supprimer le couplage scalaire entre ces noyaux qui diminue la sensibilité du noyau X.

La deutération peut être partielle (et uniforme) ou totale. Elle permet, d’une part la simplification des spectres du fait de la diminution du nombre de protons et d’autre part d’augmenter le rapport

signal/bruit des expériences. Cette augmentation de sensibilité est due à deux phénomènes : la diminution de la vitesse de relaxation des spins 13C aliphatiques et la diminution de la diffusion de spin des 1H dans les expériences de type NOESY (Nuclear Overhauser Effect Spectroscopy).

La diminution de la relaxation des 13C aliphatiques s’explique par la différence des rapports

gyromagnétiques du 1H et du D (γ

H≈ 6,5γD). La relaxation transversale (T2) des Cα est extrêmement sensible

à la deutération et diminue d’un facteur 9 lorsque le Hα est remplacé par un deutérium (Figure II.3a). Par contre, la relaxation des CO et des N n’est pas modifiée, ces derniers n’étant pas liés covalemment à des deutérons (Figure II.3b).

Figure II.3 : Comparaison des T2 des différents noyaux en fonction du τc de la molécule et de la deutération (issue de

(52))

Un autre avantage provenant de la deutération est la diminution de la densité de proton. Ceci permet de limiter le phénomène de diffusion de spin qui correspond à la fuite de magnétisation du fait des multiples interactions homonucléaires 1H-1H (Figure II.4). Dans ce cas, les mesures de distances entre noyaux par

l’utilisation de l’effet NOE (Nuclear Overhauser effect) seront plus précises et des NOEs pour des protons distants jusqu’à 8 Å peuvent être détectés (24).

Figure II.4 : Diminution de la densité de proton due à la deutération et expliquant la diminution de la diffusion de spin. Les flèches en pointillés correspondent aux interactions 1H-1H à l’origine de la diffusion de spin. (reproduit

Pour les molécules de taille moyenne (20-25 kDa), un taux de deutération compris entre 50 et 75% permet de compenser la diminution de sensibilité du fait de l’augmentation de la taille de la molécule (13).

Bien que la deutération ait amené des améliorations évidentes, elle entraîne une diminution du nombre de protons et donc une diminution du nombre de contraintes spatiales issues de l’analyse des NOEs, beaucoup d’interactions n’étant plus mesurables. Une deutération totale n’est pas conseillée pour les molécules aux alentours de 20 kDa et Laue et al. (30) ont proposé qu’un taux de deutération de 50% est un bon compromis pour attribuer les chaînes latérales et enregistrer des expériences NOESY.

Dans le cas des protéines de taille > 25 kDa, il devient nécessaire d’avoir des taux de deutération importants afin d’obtenir des spectres bien résolus, mais dans ce cas, les contraintes de type NOE ne seront plus accessibles empêchant la détermination d’une structure haute résolution. Pour palier à ce problème, d’autres contraintes peuvent être utilisées, basées sur l’analyse des NOEs entre méthyles. Du fait de leur hydrophobicité, les résidus hydrophobes comme les valines, les leucines et les isoleucines sont souvent impliqués dans le cœur hydrophobe des protéines. On peut donc spécifiquement protoner ces résidus au niveau des méthyles par marquage spécifique (15) et observer les interactions entre les méthyles proches dans l’espace afin de déterminer le repliement de la protéine (14).

Depuis les années 1990, une autre approche permettant de collecter des contraintes spatiales dans les molécules deutérées a été développée. Elle se base sur la mesure des couplages dipolaires résiduels (RDC). Ces derniers contiennent l’information permettant d’orienter les différents vecteurs de la molécule (exemple : les N-H, C-H…), les uns par rapport aux autres. Pour les mesurer, l’échantillon est placé dans un milieu cristal liquide qui va induire de l’ordre dans l’échantillon. Dans ces conditions, la réorientation moléculaire n’est plus isotrope et le couplage dipolaire n’est plus moyenné à 0 permettant ainsi de le mesurer. Ce paramètre permettra d’obtenir des contraintes orientationnelles comme nous le verrons plus tard. Ces contraintes sont une source très intéressante de contrainte puisqu’elles ne sont pas dépendantes de la distance contrairement au NOEs.