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Etude du passage monomère/dimère

IV.2 Etude de la dimérisation par dichroïsme circulaire

Toutes les molécules biologiques sont des chromophores, c’est à dire des molécules qui absorbent la lumière. Dans le cas où ces molécules sont chirales, elles peuvent donner naissance à un phénomène appelé dichroïsme circulaire qui consiste en l’absorption inégale de la composante circulaire droite et gauche de la lumière (ΔA=AG -AD). Pour les protéines, l’essentiel du dichroïsme circulaire mesuré résulte de leurs

structures secondaires. La contribution de chacun des résidus à l’activité optique s’ajoute dans un arrangement régulier, et tend à se compenser dans des structures irrégulières. Les profils d’absorption d’une hélice α, d’un feuillet β et d’une « pelote statistique » sont donnés en Figure IV.5. La technique du dichroïsme circulaire (CD) permet donc, avec peu de matériel (quelques nanomoles), d’estimer le niveau de structuration de la protéine.

Figure IV.5 : Courbes caractéristiques CD suivant la nature de ces éléments de structure secondaire (issue de Brahms & Brahms, 1980).

Nous avons enregistré les spectres de dichroïsme circulaire (CD) dans l’UV lointain (200 – 250 nm) du monomère oxydé, du monomère réduit et du monomère réduit auquel 0,3 à 1,3 équivalents de Zn2+ ont été

des conditions les plus proches possibles des conditions d’anisotropie de fluorescence dont les expériences seront discutées dans le chapitre suivant. La concentration en sel a cependant été diminuée afin de ne pas perturber les spectres.

Figure IV.6 : A) Spectres de CD enregistrés dans l’UV lointain et normalisés par rapport à la concentration et au nombre de résidus du monomère oxydé, du monomère réduit par 20 équivalent de DTT, du monomère réduit en présence de 1 équivalent de Zn et du dimère. Tous les spectres ont été enregistrés dans du tampon MOPS 20 mM KCl 40 mM pH 7. Le blanc est soustrait de chaque courbe expérimentale. Les longueurs d’ondes caractéristiques des structures secondaires sont indiquées par des traits pointillés avec la structure secondaire correspondante avec « RC » pour « random coil ». B) Spectres de différence. Le CD montre que lors de la réduction, les structures secondaires du monomère restent identiques. Par contre, l’ajout de Zn2+ entraîne d’importants changements spectraux et l’on

« retrouve » le spectre correspondant au dimère. Le spectre du dimère n’est pas totalement retrouvé car le passage monomère dimère n’est pas total du fait de l’excès de DTT qui peut complexer le Zn. Dans notre cas, on peut estimer que 70% du monomère a dimérisé. C) Superposition des courbes obtenues au cours des différents ajouts de Zn2+.

Le spectre du dimère possède 2 minima à 209 nm et 222 nm (Figure IV.6A). Celui à 222 nm correspond aux transitions n→π* que l’on retrouve dans les hélices α et celui à 209 nm correspond aux transitions π→π*. L’estimation de la composition en structure secondaire est difficile. En effet, les longueurs

d’ondes entre 190 et 200 nm sont très importantes pour les programmes d’ajustements des données or nous ne pouvions obtenir de spectres en dessous de 200 nm à cause de la concentration en sel de notre échantillon.

Le spectre du monomère oxydé montre 2 minima à 206 nm et 222 nm (Figure IV.6A). On peut constater que l’ellipticité molaire par résidu (θ) est faible pour les longueurs d’ondes inférieures à 210 nm. Dans cette région, les résidus non structurés ont l’influence la plus importante sur le signal. La réduction du monomère par du DTT n’entraîne pas de changements visibles (Figure IV.6A et B) sur le spectre ce qui indique que les structures secondaires sont identiques dans le monomère oxydé et le monomère réduit.

L’ellipticité plus faible (en valeur réelle) pour les longueurs d’ondes inférieures à 210 nm dans le spectre du dimère suggère qu’il y a des différences au niveau des structures secondaires entre les formes monomérique oxydée (et réduite) et dimérique. Cette différence spectrale pour les longueurs d’ondes inférieures à 210 nm est très claire sur la Figure IV.6B (courbe magenta, Δθ=θdim-θmono ox). Le monomère

apparaît donc visiblement moins structuré que le dimère.

L’ajout de Zn2+ sur le monomère modifie fortement l’allure du spectre avec une augmentation de l'ellipticité molaire par résidu entre 200 et 209 nm qui s’accompagne également d’un déplacement de la longueur d’onde du minimum d’absorption qui passe de 206 nm à 209 nm (Figure IV.6B et C). Ce déplacement du minimum d’absorption ainsi que l’observation des pics d’absorption à 209 et 222 nm (caractéristiques des hélices α) indiquent que l’incorporation de Zn2+ par le monomère réduit s’accompagne

d’une structuration notamment en hélices α des régions qui étaient auparavant déstructurées. A 1,3 équivalent de Zn2+ par monomère réduit, le spectre obtenu est très proche de celui du dimère. Comme l’ajout

de Zn2+ sur du monomère réduit entraîne la dimérisation, on peut en conclure que les structures secondaires présentes au sein du dimère natif et du dimère formé in vitro sont vraisemblablement similaires ou très proches. Si le spectre du monomère réduit en présence de 1,3 équivalent de Zn2+ est déconvolué en fonction

des spectres du monomère réduit et du dimère natif, on estime qu’environ 70 % du monomère est passé sous forme dimère. Le fait qu’à 0,9 équivalent la proportion de dimère soit d’environ 50% est probablement du à l’excès de DTT nécessaire pour réduire toutes les cystéines. En effet, le DTT peut complexer le Zn2+ par ses

thiols. Nous ne sommes pas allés au-delà d’un excès de 1,3 équivalents de Zn2+ car le métal entraîne une

précipitation de la protéine. On peut signaler que l’ordre d’ajout du DTT (en premier) puis du Zn2+ est

important. Si l’ordre est inversé, la dimérisation est plus lente ce qui suggère que le métal est peut être incorporé dans un autre site comme nous le verrons au chapitre V.

Les spectres de différences obtenus du monomère réduit avec 1,3 équivalents de zinc et du dimère natif par rapport au monomère réduit (Figure IV.6B) montrent une différence importante entre 220 et 240 nm avec un Δθ positif. Les modifications spectrales observées dans cette région pourraient être dues aux modifications de l’environnement des chaînes latérales des résidus aromatiques et dans notre cas plus

particulièrement des Tyr (13, 15). En effet, des changements comparables ont été attribués à des modifications d’environnement des aromatiques dans le cas de la chaîne β de l’hémoglobine lors de l’incorporation d’oxygène (10). L’intensité de ces bandes est décrite comme plus intenses dans un environnement hydrophile que dans un environnement hydrophobe. Dans notre cas, ce phénomène pourrait bien être expliqué de façon similaire avec une plus grande hydrophobicité de l’environnement d’acides aminés aromatiques dans la forme monomère. D’après la structure cristallographique de P.aeruginosa, l’interface de dimérisation est notamment constituée d’un feuillet β antiparallèle inter sous unité. Au sein de chaque brin β5, on retrouve un motif de type « LYLY » dont les tyrosines pourraient être à l’origine du signal entre 220 et 240 nm. Ce motif n’est pas rigoureusement conservé mais les résidus correspondant sont toujours hydrophobes (cf. chapitre III Figure III.17). Ce motif appartenant au brin β5 impliqué dans l’interface de dimérisation d’après la structure du dimère ZnRZnSFURD de P.aeruginosa (12), il est

raisonnable de penser que l’environnement de ces résidus va être modifié du fait de la dimérisation, expliquant ainsi les changements spectraux observés.

Afin de compléter les données obtenues avec le dichroïsme circulaire, nous avons réalisé une analyse semblable par RMN du processus de dimérisation.