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Discussion sur les changements structuraux responsables de l’activation du dimère de FUR : rôle de l’hélice α

Discussion générale et conclusions

VII.2 Discussion sur les changements structuraux responsables de l’activation du dimère de FUR : rôle de l’hélice α

Les structures secondaires du dimère ZnSFURD d’E.coli et du dimère ZnRZnSFURD de P.aeruginosa

sont presque identiques (comparaison données RMN et structure cristallographique). La seule différence observée se situe au niveau de l’hélice α1 absente chez E.coli mais présente chez P.aeruginosa. De ces données, rien n’indique que les structures tertiaires et quaternaires sont identiques dans les deux formes.

De plus, les données RMN montrent que les structures secondaires du domaine N-terminal sont identiques dans le monomère FURM et le dimère ZnSFURD d’E.coli, à l’exception de l’hélice α1 qui est

présente dans le monomère. D’autre part, les structures secondaires du monomère FURM et de la protéine

tronquée FUR1-82 sont identiques. Le fait que les spectres HSQC 1H-15N soient quasiment superposables

suggèrent que les structures tertiaires du monomère et de FUR1-82 sont probablement très proches. Enfin, les

structures cristallographiques de FUR1-82 d’E.coli et du domaine N-terminal de ZnRZnSFURD de

P.aeruginosa sont superposables.

De toutes ces données, on peut conclure que le domaine N-terminal de FUR est un corps rigide dont le repliement est globalement indépendant du domaine C-terminal excepté au niveau des 10 premiers résidus dans le monomère et le dimère. En effet, la structuration de l’extrémité N-terminale de la protéine en hélice α1 semble dépendre de la forme oligomérique et, comme nous allons le proposer pour le dimère, de la présence ou non de métal dans le site de régulation.

Cette hélice α1 est observée dans les structures de FUR1-82, FURM et dans la structure du dimère

ZnRZnSFURD de P.aeruginosa correspondant vraisemblablement à une forme activée de la protéine. Par

contre, elle n’est pas observée dans la forme non activée ZnSFURD de FUR d’E.coli où les résidus

correspondant sont flexibles d’après la RMN. On peut donc s’interroger sur le rôle de cette hélice dans l’activation ou l’activité de la protéine.

Les données de cross-link à l’EDC obtenues sur ZnSFURD d’E.coli, indiquent que l’extrémité N-

terminale d’une sous-unité est en interaction ionique avec un résidu appartenant à l’extrémité du domaine C- terminal (8). D’autre part, la RMN montre que cette région de la protéine est très flexible. Des études de pontages réalisées à l’adépimidate de méthyle et à l’acétimidate de méthyle, qui pontent des lysines proches dans l’espace, sur la forme ZnSFURD d’E.coli, ont montré que les lysines K76 et K97 d’une sous-unité

pouvaient être pontées avec des lysines de l’extrémité N-terminale de l’autre sous-unité (8). Cela indique une distance entre elles de moins de 3 Å. Ces travaux de pontage covalents analysés par spectrométrie de masse suggèrent fortement que l’extrémité N-terminale d’une sous-unité est proche de la région « centrale » (81- 100) et de l’extrémité C-terminale de l’autre sous-unité dans la forme ZnSFURD de E.coli. On peut donc

supposer qu’il existe des interactions rapprochant l’extrémité N-terminale d’une sous-unité avec l’extrémité C-terminale de l’autre sous-unité. Néanmoins ces interactions ne seraient pas « rigide », puisque la RMN indique que les extrémités N-terminale et C-terminale sont tout de même flexibles.

Si l’on regarde la position de l’hélice α1 dans la structure cristallographique de P.aeruginosa, de telles interactions n’existent pas. L’hélice α1 d’une sous-unité n’est pas en contact avec l’autre sous-unité, ni au niveau de la région (81-100) ni au niveau de l’extrémité C-terminale. Toutes ces informations vont bien dans le sens que l’orientation et la position des premiers résidus de la forme ZnSFURD sont différentes de

celles observées dans la structure cristallographique de ZnRZnSFURD.

On peut donc proposer que l’incorporation de métal dans le site de régulation va permettre de rompre les interactions entre les résidus N-terminaux d’une sous-unité avec les résidus de la région centrale et de l’extrémité C-terminale de l’autre sous-unité. Alors que ces interactions empêchaient la structuration en hélice des résidus N-terminaux, cette hélice va pouvoir se reformer dans la forme activée de la protéine. Comme le montre la Figure VII.1, un positionnement des résidus N-terminaux dans la région où se trouve Lys76, Lys 97 et le N-ter de l’autre sous-unité semble tout à fait possible puisque cette zone correspond à une sorte de cavité à l’interface des dimères. Ce positionnement expliquerait tout à fait une non-affinité d’une telle forme pour l’ADN.

Figure VII.1 : Modèle chimère constitué de la superposition de FUR1-82 (bleu et cyan) avec FUR de P.aeruginosa

(le domaine N-terminal de celle-ci n’étant pas montré). Les domaines C-terminaux (rouge et vert correspondent à ceux de FUR de P.aeruginosa). Sous forme apo, les résidus non structurés de l’extrémité N-terminale pourraient être proches de la région centrale (positions 76 et 97) et du C-terminal de l’autre sous-unité. L’incorporation de métal entraînerait un changement conformationnel avec la rupture d’interactions stabilisant les résidus N-terminaux dans la région centrale. L’orientation de ces résidus serait alors modifiée, ils se structureraient en hélice α pour se positionner comme observé dans la figure (orientation identique dans E.coli et P.aeruginosa). La flèche en pointillé montre le mouvement supposé des résidus N-terminaux (marrons) lors de l’activation de la protéine par le métal.

Bien entendu, ce mécanisme implique une réorganisation structurale importante de la protéine lors de l’activation du dimère (rupture d’interactions, structuration en hélice α et réorientation de l’extrémité N- terminale). Notre hypothèse de mécanisme est néanmoins appuyée par la titration suivie par RMN du dimère (ZnSFURD) par du Zn2+ qui montre que les réorganisations structurales sont importantes lors de

l’incorporation du Zn(II), les modifications spectrales observées étant très nombreuses. De plus, les modifications spectrales observées lors d’une expérience semblable réalisée sur du monomère FURM d’E.coli

sont très faibles et suggèrent que l’incorporation de métal n’entraîne que des changements structuraux subtils dans le monomère. Ces deux observations permettent de proposer que l’incorporation de métal entraîne des effets vraisemblablement différents dans les deux espèces. Dans le dimère, ces réorganisations structurales peuvent être de nature quaternaire (réorientation d’une sous-unité par rapport à l’autre, modifications des interactions entre sous-unités) et/ou tertiaire (réorientation d’un domaine par rapport à l’autre).

D’autres données de la littérature sont compatibles avec la réorientation de l’extrémité N-terminale lors de l’incorporation de métal dans le site régulateur que nous proposons. En effet, Coy et al. (3) ont montré que FUR d’E.coli devient plus sensible à la trypsinolyse au niveau de la lysine 76 lors de l’incorporation de métal, comme si elle était protégée dans la forme non-métallée. D’après les données de

pontage des lysines, et notre modèle, la lysine 76 d’une sous-unité est proche de l’extrémité N-terminale de l’autre sous-unité dans la forme ZnSFURD. Donc, si le métal entraîne une réorientation de l’extrémité N-

terminale, cette lysine (et la région centrale) deviendra plus accessible au solvant, et donc aux protéases, ce qui expliquerait les résultats obtenus par Coy et al.

L’importance de l’hélice α1 dans l’activité de la protéine est également appuyée par le fait que Coy et al., dans le même article, indiquent que la perte des 9 premiers résidus entraîne une baisse de spécificité de reconnaissance de l’ADN (3). D’autre part, il a été observé que la mutation A10G (acide aminé très majoritairement hydrophobe à chaîne aliphatique dans les différents organismes) chez P.aeruginosa empêche d’observer la liaison de la protéine sur le promoteur pvdS (1). Si l’on observe les structures de

P.aeruginosa FUR et de FUR1-82, on peut remarquer que dans les deux cas, l’alanine forme des contacts de

Van der Waals avec les chaînes latérales des résidus 64 et 66 qui sont des acides aminés toujours hydrophobes dans les différents micro-organismes.

En conséquence, d’après toutes les données obtenues sur FUR d’E.coli, nous pouvons proposer que l’incorporation de métal entraîne un changement de conformation et d’orientation de l’extrémité N- terminale. Celle-ci passerait d’une localisation proche de la région centrale et notamment des lysines 76 et 97 (de l’autre sous-unité), à la position observée dans la structure cristallographie de FUR1-82. Dans le même

temps, elle passerait d’une conformation non structurée à une conformation en hélice α.

On peut se demander maintenant comment l’incorporation de métal peut entraîner la formation de l’hélice α1.