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1978-1981 : LA RADIO CORSAIRE

PREMIERE PARTIE

1978-1981 : LA RADIO CORSAIRE

On a donc vu à travers cette première partie que le lien entre l’émission et la chaîne qui l’héberge n’est pas évident. Rien ne semblait a priori recouper ces deux visions de la culture. Parfaitement conscient de la politique culturelle de France Culture, c’est volontairement qu’Alain Veinstein en propose un contre-modèle. L’indépendance des Nuits magnétiques serait alors la même que sur les radios pirates qui se créent pendant les mêmes années. C’est du moins ce qu’Alain Veisntein présente dans son programme en 1978 :

Nous étions une radio pirate, peut-être la seule véritable à l'époque, car nous naviguions dans les eaux territoriales du service public en battant le

pavillon de la liberté absolue79

Nuits magnétiques nourrit donc le même désir de s'exprimer et de prendre la parole que les radios pirates, mais en toute légalité, grâce au contexte nocturne. Associer radio libre et service public est paradoxal et très accrocheur. On pourrait presque parler d’argument de vente pour attirer un auditoire plus jeune sur les ondes de France Culture. Il s’agit ici alors d’interroger la légitimité de ce paradoxe. Nuits magnétiques livre-t-elle vraiment une bataille en cette période d’ondes troubles ?

2-1 Un contexte radiophonique perturbé

2-1.1 Libéraliser les ondes avant l’heure

L'année de création de Nuits magnétiques correspond aux années les plus mouvementées de la radiophonie française avec la création de dizaines de radios pirates, plus tard appelées radios libres. C'est un déferlement. Il en naît tous les jours de ces voix neuves, désordonnées, libérées80. Si ces radios sont dites « pirates », c’est que ces nouvelles stations ne sont pas autorisées (elles émettent en modulation de fréquence à travers toute la France). Elles s’inspirent des expériences italiennes et anglaises. En parallèle de ces prises de liberté, les radios périphériques qui émettent par-delà les frontières connaissent également une période d’expansion81 et la télévision continue à

envahir tous les foyers français. Le seul média a resté sur le banc de touche, c’est la radio d’Etat, celle héritée de l’ORTF. Face à ce contexte radiophonique perturbé et dans un contexte politique

                                                                                                                         

79 Ibid.  

80 Article de Télérama du 3 mai 1978

tendu82, la loi Lecat83 est votée le 7 juin 1978 par l'Assemblée Nationale. Elle confirme le monopole étatique de diffusion et sanctionne de plus en plus sévèrement les stations non autorisées, émettant en modulation de fréquence sur le territoire français (brouillage, saisie …).

Pourtant, Nuits magnétiques semble bien plus suivre les préceptes des radios pirates que ceux dictés par l’Etat, tout en étant pourtant diffusée sur France Culture. Dans sa grille de programme de 197884, France Culture présente Nuits magnétiques comme un programme ouvert,

une tranche « libre », faisant attention aux jeunes désirants faire de la radio, autant de qualificatifs qui rappellent sans équivoque les radios pirates. Il y a de fortes chances qu’on ait là l’espace

radiophonique le plus libre actuellement85 affirme même le journaliste Dominique Guillemot pour

le magazine Antennes.

Nuits magnétiques surfent sur ce renouveau radiophonique, en tirant partie le plus possible des nouvelles écoutes qui en découlent. Qu’on soit sur les radios pirates ou sur les radios périphériques86, le contexte nocturne devient de plus en plus propice à l’expression personnelle et la liberté d’expression. Finalement, la nuit permet une radio beaucoup plus libre, en dehors des schémas commerciaux, plus à même de séduire les jeunes auditeurs qui se familiarisent et se réapproprient ce média. Nuits magnétiques s’adresse à ce jeune auditoire87 et joue le risque de tester de nouvelles formes, en dehors des formats pré-établis. A l’époque des libres antennes, c’est aussi la période des libres innovations sur France Culture. La nuit a longtemps été en veilleuse88, Nuits magnétiques la rend éveilleuse sur France Culture aux jeunes générations.

2-1.2 Les pirates ne sont jamais loin du vaisseau public

La radio du service public n’a quasi pas évolué depuis l’après-guerre. France Culture est particulièrement remise en cause pour son ton vieillot, un peu triste … un peu désuet parfois89. Un des souhaits d'un des auditeurs serait d'avoir une radio plus humaine : On a l'impression qu'ils sont intouchables … trop neutres … que pensent-ils ? / on ne sent pas leur personnalité. Pourtant, malgré son image compassée, France Culture est aussi considérée comme la radio la plus libre des radios autorisées de l'époque. Pour preuve, un auditeur fidèle de France Culture, qui n’arrive pas à capter

                                                                                                                         

82 L’année 1978 correspond à un contexte politique et économique tendu : divisions politiques, remise en cause de

Valérie Giscard d’Estaing …

83 Héritage de la loi du 30 juin 1923, confirmé dans le décret-loi du 24 novembre 1923

84 Grille de programme de France Culture de 1978, consulté aux Archives Écrites de Radio France   85 Terme utilisé par Dominique Guillemot dans l'article « Parcours » dans Antennes n°4, janvier 1981 86 Europe 1 émet 24h/24 à partir de 1979, bientôt suivie par RTL

87 Article du Monde du 2 janvier 1978, « Radio Passion », de Xavier Delcourt

88 Claude Sorbets, « Ecouter la radio la nuit : écoute en veilleuse ou écoute éveilleuse », Audiences, publics et pratiques radiophoniques, sous la direction de J-J Cheval,

89 Bilan détaillé sur la situation de France Culture de 1983, dossier « Analyse de l’auditoire 1978 », dans les archives

correctement France Culture en permanence accuse le Gouvernement de brouiller cette radio « libre

pensante »90, comme si cette radio publique était à mettre dans le même statut que les radios pirates !

Il est vrai que Radio France a déjà essayé des pas de côté : France Musique initie un virage de plus en plus progressif depuis l’arrivée de Louis Dandrel91 ; L’Oreille en coin en 1968 sur France Inter n’était pas loin non plus de déjà « pirater » le service public… Nuits magnétiques se situe dans cette tradition en réhumanisant cette radio, en faisant entendre des voix personnelles et alternatives qui s’éveillent dans la nuit. Par exemple, l’émission Shaker, diffusée sur TSF 70, l’ancêtre direct de l’Oreille en coin, faisait entendre un mélange d’interpellations de quidams dans la rue ou dans les bistrots, de musique (pop ou classique), d’improvisations. Une forme de collage radiophonique

poétique.92 On retrouve ce même pêle-mêle créatif dans les Nuits magnétiques. Ainsi, « Peinture

fraîche » du 6 mars 198093 fait se rencontrer par le montage l’artiste en vogue Joseph Beuys avec le burlesque d’un peintre amateur (J’ai commencé à peindre parce que j’étais gros) ; dans « L’espace des hommes »94, Nicole-Lise Bernheim joue sur la musique en faisant alterner La belle Hélène d’Offenbach avec Horses de Patti Smith …

Nuits magnétiques cherche sans cesse son espace de liberté sur les ondes et s’inspire volontiers du renouveau radiophonique de son temps. Pour preuve, la première émission de l’année 198095 s’inspire directement de l’expérience radiophonique italienne, pionnière en termes de libéralisation des ondes, en donnant libre cours à la créativité d’Herbert Pagani, qui travaille pour ces radios privées italiennes. Si toutes les radios pirates ne sont pas contestataires96, elles se proposent principalement comme des médias alternatifs aux normes imposées par la société. Nuits magnétiques est vraisemblablement le programme de Radio France regardant avec le plus de curiosité ce que veulent véhiculer ces initiatives radiophoniques qui naissent ici-et-là sur le territoire français.

Alain Veinstein a en outre essayé d’exporter cette radio de qualité en voulant en quelque sorte créer sa propre radio libre. C’est Radio festival97, un programme lié l’été au festival d’Avignon. Les gens de la région venaient nous voir et n’en revenaient pas. C’étaient des gens comme vous et moi, pas des gens de Saint-Germain des Près ou de je-ne-sais-où. Ils avaient adopté cette radio comme

étant la leur98. Cette radio faite main, c’est la maquette du France Culture qu’il aimerait mettre en

place, dans la lignée des radios libres locales, créant du vrai lien social. C’est finalement la poursuite

                                                                                                                         

90 Dossier « Analyse de l'auditoire 1978», dans les archives d'Yves Jaigu, Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine 91 Entretien avec Olivier Beurotte, 15 mars 2016. Louis Dandrel ouvre par exemple France Culture à des musiques de

plus en plus diverses  

92 Thomas Baumgartner, L’oreille en coin, une radio dans la radio, Paris, Nouveau monde éditions, France Inter, INA,

2007, p.41

93 Jean Daive, REA Pamela Doussaud, « Peinture fraîche », 06-03-1980 94 Nicole-Lise Bernheim, « L’espace des hommes » P2, 09-05-1978 95 Herbert Pagani, « En direct de Venise » P1, 01-01-1980

96 Beaucoup de radios pirates italiennes émettaient plus un contenu pornographique qu’une contre-information

démocratique à leurs débuts. Cependant, des radios comme Radio Alice donnent véritablement la parole à des groupes qui n’ont pas la parole dans les médias traditionnels.

97 Entretien avec Alain Veinstein, 29 janvier 2016, joint en annexe 98 Ibid.  

d’une expérimentation qui a eu lieu quelques années auparavant en 1977 par France Culture dans les Cévennes avec Radio Solitude99. Cependant, cette initiative reste toujours très liée à France Culture, puisqu’ils se raccrochaient au programme de France Culture à des moments de la journée.

Ce sont finalement certains producteurs et chargés de réalisation qui vont le plus loin dans leur volonté d’émancipation vis-à-vis de cette Maison Ronde vieillissante. Ainsi, le producteur Andrew Orr représente sans doute le mieux cette culture alternative qui fomente à Radio France. Il commence sa carrière radiophonique en 1972 à France Culture au sein de l’Atelier de création

radiophonique puis produit des Nuits magnétiques à partir de 1981100. Pourtant, en parallèle, il

participe à l’aventure d’une de plus emblématiques radios pirates de l’époque, Radio Verte101 qui

émet en toute illégalité pendant ces années102. Les radios pirates, c’est pour certains professionnels de la radio la possibilité d’aller plus loin que ce que leur offre le service public. Radio Verte est même souvent mixée dans les locaux de France Culture !103 Un verrou a déjà sauté. Cette quête d’un renouveau radiophonique se ressent dans ses émissions pour les Nuits magnétiques. « Ne tirez pas sur la radio »104, sa première émission produite aux Nuits magnétiques, joue la carte de l’expérimentation sonore et remet en question la vision traditionnelle de la radio: une voix transformée sur fond de brouillages interpelle l’auditeur dès le début de l’émission en lui demandant Pouvez-vous me dire où je suis ? Il incarne cet entre-deux, en dehors des clous de la radio d’Etat, mais pas non plus en eau libre hertzienne. De la même manière, on peut aussi citer la chargé de réalisation Marie-France Thivot qui prête main-forte à Radio Franche, crée le 22 février 1978105 ou Bernard Treton, autre chargé de réalisation emblématique, qui jongle entre radio pirate et radio d’Etat106. Le technicien Michel Creis prête également main forte à Radio Verte107.

                                                                                                                         

99 Anne-Marie Autissier, Emmanuel Laurentin, 50 ans de France Culture, Paris, Flammarion, 2013, p. 188 : Pendant

une semaine, la chaîne diffuse depuis Florac près de cent heures de programmes, en créant des dialogues entre les villages de deux vallées voisines

100 Sa période la plus productive aux Nuits magnétiques sera au début des années 90

101 Thierry Lefebvre, La bataille des radios libres : 1977-1981, Paris, INA, Nouveau monde Editions, 2008, p.72 102 Radio Verte se fondra avec Radio Ivre à la libéralisation des ondes et deviendra Radio Nova.

103 Thierry Lefebvre, Op. Cit, p.72

104 Andrew Orr, Monique Veaute, REA Jacques Taroni, « Ne tirez pas sur la radio : quelques auditeurs »P2, 15-08-1981 105 Thierry Lefebvre, Op. Cit, p. 230 : Un groupe informel issu du personnel de l’ex-ORTF décide de mettre en œuvre

leurs propres émissions libres, dans le cadre du service public, mixé aux Buttes-Chaumont. Cette initiative est soutenue par les syndicats

106 Entretien avec Kristel le Pollotec, 31 mars 2016

2-2 – L’héritage de mai 68

2-2.1 Une culture 68

 

La première génération de nuits-magnétiseurs est née dans les années 40108. Presque tous avaient entre vingt et trente ans pendant les événements de mai 68. Leur pensée est alors très marquée par cette crise qui a profondément modifié la psychologie collective des sociétés industrielles, à l’âge de la croissance109. Les producteurs des Nuits magnétiques reflètent cette révolution intellectuelle, à travers leur manière de questionner le monde. Nicole-Lise Bernheim dans sa série intitulée « L’espace des hommes »110 par exemple va interroger des hommes sur leur définition de la masculinité. Elle interpelle des hommes dans l’espace public (dans la gare du nord, dans les cafés ..) et elle leur demande : S’il y a des femmes qui s’acceptent en tant que femmes, qu’est-ce qu’un homme qui s’accepte en tant qu’homme ? Elle pose alors la question en se posant volontairement comme féministe. Elle en dit finalement autant sur sa condition de femme dans sa manière de poser les questions que sur les hommes. Ses questionnements révèlent également un nouveau rapport à la sexualité, beaucoup plus libéré. Le deuxième épisode est sur le sadomasochisme et le troisième sur l’homosexualité et revendiquent une sexualité assumée et décomplexée.

Si on ne peut pas affirmer la stricte égalité des sexes dans l’émission111, Alain Veinstein intègre quand même un nombre significatif de femmes dans son équipe, à une époque où la fonction de « reporter » était principalement masculine112. Finalement, les producteurs des Nuits magnétiques incarnent pour la plupart cette sensibilité de gauche qui a éclos dix années auparavant, comme le propose Olivier Beurotte, ingénieur du son qui a participé à l’aventure des Nuits magnétiques :

Les Nuits magnétiques, c’est évidemment une histoire de politique parce que c’était bel et bien marqué à gauche. Je ne vois pas trop de

producteurs à droite ayant fait des Nuits magnétiques113.

Cette radio s’inspire en fait de toute une idéologie développée par les grands intellectuels français des années 60 et notamment de mai 68, dans sa dimension libertaire114. Dans la suite de Roland

                                                                                                                         

108 Voir tableau joint en annexe de la première génération de producteurs aux Nuits magnétiques.

109 Serge Berstein, Pierre Milza, Histoire du XX ème siècle, Tome 2 : 1945-1973 : Le monde entre guerre et paix, Paris,

Tempus Perrin, 2009, p. 497

110 Série de Nicole-Lise Bernheim, « L’espace des homme », 4 épisodes diffusés la semaine du 8 mai 1978

111 Voir tableau joint en annexe de la première génération de producteurs aux Nuits magnétiques : Sur l’année 1978, il y

a eu 5 femmes pour 11 hommes qui ont été producteurs aux Nuits magnétiques

112 Article de Patrick Eveno, Petite histoire des journalistes français, 9ème édition des Assises du Journalisme, Centre de

Congrès de Tours, 9-10-11 mars 2016

113 Entretien avec Olivier Beurotte, 15 mars 2016

114 Pascal Ory, Jean-François Sirinelli, Les intellectuels en France, De l’affaire Dreyfus à nos jours, Paris, Armand

Barthes (1915-1980) ou de Michel Foucault (1926-1984), Nuits magnétiques ne déconstruit pas tant la pensée occidentale, mais le « savoir », en s’insurgeant contre ses pères. La hiérarchie maître/élèves ne signifie plus rien et l’éducation doit se faire dans un principe horizontal. La grande université populaire qu’est France Culture doit alors se réformer aussi et Nuits magnétiques renouvelle la manière d’appréhender le savoir : Nuits magnétiques n’informe pas, à la différence des émissions de France Culture, comme Panorama ou les Après-midis de France Culture, mais propose un savoir, soumis à l’esprit critique de ses auditeurs. Elle donne corps véritablement à ces avancées intellectuelles, sans pour autant être une radio politisée.  

2-2.2 Une conception radiophonique héritée de 68

Nuits magnétiques est également l’héritière des revendications issues de mai 68 quant au rôle des médias dans la société. L’ORTF était l’une des premières remises en cause de ces contestations, dénoncé comme étant un instrument aux mains du pouvoir gaulliste. On pouvait lire des affiches dans les rues de Paris où il était écrit « La radio ment »115. Mai 68, c’est finalement la

prise de conscience du rôle fondamental des appareils d’information dans le conditionnement idéologique. Dix ans plus tard, l’ORTF n’existe plus116. Pourtant, la politique sur l’audiovisuel mise

en place par Giscard d’Estaing en 1974 n’est finalement que dans la droite ligne de cette politique gaulliste. En 1978, on parle de la radio d’Etat comme d’une radio conditionnée, dans sa façon de présenter, qui déterminent chez l’auditeur des attitudes de passivité, de respect des valeurs établies

contribuant à la reproduction du système117. Le monopole est toujours de mise dans le paysage

audiovisuel. En bref, la radio d’Etat ne stimule pas l’esprit critique et rend son auditeur passif vis-à- vis d’un savoir imposé. Nuits magnétiques se situe alors en porte-à-faux de cette dimension verticale de la radio d’Etat : elle s’adresse sans cesse à son auditeur, en lui laissant le soin de s’emparer du sens. Alain Veinstein lit ainsi une lettre d’une auditrice, madame C, en guise d’introduction à une émission118. Celle-ci émet des réserves sur le contenu de l’émission. Alors, Alain Veinstein, après avoir essayé de la contacter pour qu’elle s’exprime de vive voix, lit même ses critiques à l’antenne, et en guise de réponse, lui dédie le programme de la semaine, adapté pour la satisfaire. Un autre auditeur119, l’artiste-peintre Henri Cueco, reconnaît cette spécificité des Nuits magnétiques : même s’il lui a fallu du temps avant d’acquérir les codes de l’émission, le mot

                                                                                                                         

115 Claude Collin, « La radio est une bonne chose », L’homme et la société, Vol. 47, n°1, 1978, p.162

116 L’ORTF a éclaté avec la loi du 7 août 1974 : il est replacé par un service public national de la radiodiffusion-

télévision française avec sept unités nouvelles : TDF, Radio France, TF 1, Antenne 2, France 3, SFP, INA

117 Claude Collin, « La radio est une bonne chose », Loc. Cit.

118 Jean-Pierre Milovanoff, REA Yvette Truchband, « Fontaine de jouvence je ne boirai pas de ton eau » P1, 30/04/1979 119 Andrew Orr, Monique Veaute, REA Jacques Taroni, « Ne tirez pas sur la radio : Henri Cueco» P1, 07-08-1981  

d’ordre qui en ressort finalement c’est « Venez comme vous êtes »120 et non « Venez comme nous voulons que vous soyez ». C’est l’inverse de la « socioculture » des radios périphériques comme RTL ou Europe 1 qui représentent finalement pour lui l’élitisme par excellence en se posant comme dirigeant de la sous-culture, sans possibilité d’en sortir et en maintenant les catégories sociales.

Nuits magnétiques porte également le renouveau formel de la radio héritée de 1968. Dans ce contexte suspicieux vis-à-vis de médias sous le contrôle de l’Etat, les radios périphériques sont alors mises en vedette et renouvellent le journalisme radiophonique. Les reporters de RTL profitent d’un matériel de plus en plus léger pour descendre dans la rue et suivre les manifestations des étudiants au plus près. Autonome, le reporter n’est plus obligé de rester à côté de son car-studio grâce au Nagra, magnétophone à bande, qui permet d’enregistrer les bruits de la rue beaucoup plus facilement. C’est le début d’un renouveau radiophonique. On est loin des studios calfeutrés et calmes de l’ORTF et de France Culture qui continue à être une radio de la parole enregistrée en studio121. Nuits magnétiques est l’héritière de cette conception de l’intimité réinventée par la prise

de la rue122 de mai 68. L’Oreille en coin au sein du service public a su s’accaparer cette nouvelle

pratique de reportage en son temps. Dix ans plus tard, Nuits magnétiques approfondit encore plus l’expérience. Seulement, elle n’interroge pas les événements mais le vécu le plus personnel de tout un chacun. C’est alors une radio humaine, qui fait entendre les respirations et les silences.

2-3 Le renouveau radiophonique en pleine bataille des ondes en 1978

2-3.1 Toucher la nouvelle génération

 

Cependant, si Nuits magnétiques est l’héritière des principes de 1968, de la même manière