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Chapitre 1 : Contexte, scolarisation au Liban et abandon scolaire

1.4 La problématique de l’enseignement à Tripoli

Tripoli est la deuxième ville du Liban, située au nord de Beyrouth. Cette ville peut être aujourd’hui décrite comme un ensemble de « petites zones urbaines », alors que dans la première moitié du XXe siècle on trouvait plutôt des poches de pauvreté partout dans la ville. La ségrégation socio-spatiale des populations tripolitaines a aujourd’hui tendance à s’accroître avec l’affaiblissement quantitatif et qualitatif des classes moyennes (Le Thomas, 2009). Tripoli abrite le tiers des enfants travailleurs au Liban (Harmandayan, 2004 ; Le Thomas, 2009).

Distribution des élèves dans l’enseignement à tous les niveaux

Une enquête, effectuée en1988-1989 par l’association « Makarem al - AkhlaK », située à Tripoli sur la situation de l’enseignement, a présenté la distribution des élèves dans tous les cycles de l’enseignement dans les deux secteurs publics et privés (voir tableau 3).

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Tableau 3 : Distribution des élèves dans le secteur public et le secteur privé à Tripoli.

Selon cette enquête, dans le quartier de «Qobbé »- un des quartiers de «Tripoli, qui est l’une des zones les plus densément peuplée du Liban, et qui abrite les populations parmi les plus pauvres de Tripoli - la distribution des élèves dans tous les cycles de l’enseignement dans les deux secteurs publics et privés est la suivante: (Voir tableau 4)

Tableau 4 : Distribution des élèves dans les deux secteurs publics et privés dans « Qobbé ».

Abandon scolaire à Tripoli

L’étude pour le schéma directeur de Tripoli (2003) montre qu’un grand pourcentage d’illettrés et de jeunes ayant quitté l’école vivent dans les quartiers les plus pauvres de la ville. Le taux d’enfants d’âge scolaire ayant quitté l’école atteint des records préoccupants dans certains quartiers de Tripoli: 53 % à Bassatine, 49 % à Tell. Soulignons le fait que 27 % des enfants de Bassatine et 30 % des enfants de Tell ne sont jamais allés à l’école. Certains de ces enfants quittent l’école d’eux-mêmes par désintérêt, d’autres pour se marier (chez les filles) et d’autres pour travailler afin d’aider matériellement leur famille. A signaler que 9, 67% des enfants de moins de 11 ans sont hors l’école et que 22,22 % des enfants dans la tranche d’âge de 11 ans à 15 ans sont hors l’école (Tripoli Master Plan, 2003 ; Le Thomas, 2009).

Selon une étude effectuée par Kayal et Atiyyé en 2006 sur Tebbané et les souks (des quartiers à Tripoli) auprès d’un échantillon basé sur 455 questionnaires dans les souks, et 500 à Tebbané, les taux de fréquentation scolaire sont également très bas : (voir tableau 5).

cycle primaire cycle complémentaire Cycle secondaire Public 62,67% 22,25% 67,29% Privé 26,26% 67,66% 25,77% indéterminé - - - cycle primaire cycle complémentaire Cycle secondaire public 44,25% 75,19% 75,96% privé 55,75% 24,81% 57,67% indéterminé - -

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Tableau 5: Taux de fréquentation scolaire à Tebbané et dans les souks: % Primaire

Complémentaire Secondaire

En examinant le tableau 5, nous constatons que le taux d’abandon scolaire est déjà fort entre le primaire et le complémentaire, surtout pour les garçons puisqu’à Tebbané, seuls 32 % d’entre eux fréquentent une école complémentaire, soit plus de deux fois moins que la moyenne nationale.

Dans son étude pré-diagnostic (phase 1) en juillet 2009, élaborée sur la pauvreté à Al- Fayhaa9, Thomas dégage - suite à des entretiens menés dans des quartiers défavorisés à Tripoli auprès des certains directeurs d’écoles à Al-Fayahaa-plusieurs types de raisons qui expliquent l’abandon scolaire dans cette ville: la mauvaise qualité de l’enseignement et des conditions scolaires, l’échec scolaire, un environnement familial peu propice aux études sur le plan matériel, une nombreuse fratrie, peu d’encouragement de la part de parents souvent peu ou pas éduqués, les très faibles revenus des parents, parfois la nécessité de travailler pour subvenir aux besoins de la famille, l’absence d’investissement des familles dans le travail scolaire de leurs enfants, et même l’indifférence de nombreux parents des couches les plus pauvres. En plus, le système d’examens qui conditionnent le passage à la classe supérieure a été évoqué par ces directeurs. En effet, l’apparition des examens pour passer dans la classe supérieure, en classe de 4eélémentaire, suivie de l’introduction de l’enseignement des sciences en langue étrangère, entraîne une première vague d’abandon scolaire. La classe de 7e élémentaire, avec l’introduction de nouvelles matières, représente une autre étape « à risque » à ce niveau (Le Thomas, 2009). Les responsables scolaires sont d’accord sur le fait que les filles réussissent mieux que les garçons, ce qui fait écho aux constats des personnes interviewées de la vieille ville et de Tebbané dans l’étude de Kayal et Atiyyé en 2006. En

9Al Fayhaa est située dans la région du Nord Liban .La population d’Al Fayhaa est estimée à 330 000 habitants en 2008, soit

près d’un tiers de la population du Nord Liban, dont 72% à Tripoli, 17% à Mina, 11% à Beddawi. Elle accuse de nombreux handicaps économiques et sociaux par rapport à d’autres régions, notamment celle de la capitale, et présente le plus fort taux de pauvreté à l’échelle des régions Les trois municipalités présentent elles-mêmes un cumul d’indicateurs préoccupants, au niveau des revenus de la population, du niveau d’investissements, de l’éducation, de la santé et de la couverture sociale, des infrastructures, de l’environnement.

% Primaire Complémentaire Secondaire

souks garçons 90 41 15

filles 89 54 19

Tebbané garçons 95 32 4

41 effet, selon eux, mieux tenues, les filles sont jugées plus faciles à éduquer, à tel point qu’une majorité d’entre eux déclarait préférer enseigner à des filles qu’à des garçons.

Nous pouvons en déduire que la situation de l’enseignement au Liban est difficile et surtout à Tripoli qui est la ville la plus touchée par l’abandon scolaire notamment comme nous venons de voir entre le primaire et le complémentaire.

Dans le chapitre suivant, seront développés les facteurs psychologiques et sociaux impliqués dans le décrochage scolaire.

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Chapitre 2 : Décrochage, expérience scolaire et