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La pression temporelle

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 152-155)

Le temps de l’apprentissage

6. La pression temporelle

La pression temporelle est un phénomène que tout un chacun connait. Nous pourrions dire qu’elle est le résultat du ratio entre le temps disponible et le temps donné pour effectuer une tâche. L’idée même d’une échéance que l’on peut ressentir comme trop courte, la peur de manquer de temps engendre une pression temporelle.

1 Le secrétaire est recruté, comme les assistants pédagogiques, par le service d’accueil des étudiants en situation de handicap des universités. Il s’agit majoritairement de vacataires étudiants.

152 Les étudiants ne sont donc évidemment pas les seuls à ressentir cette pression. Les acteurs universitaires qui leur apportent leur soutien : chargé d’accueil, enseignant et pair, sont aussi concernés par cette problématique. Afin de l’illustrer, nous donnerons un exemple pour chaque catégorie.

Tout d’abord, le chargé d’accueil de l’Université Montpellier 3 évoque ce problème.

Corpus XX

CA3 136. en tiers temps puis pour nos étudiants qui sont accompagnés de toute 137. façon on rentre toujours en contact avec eux quand y’a des problèmes 138. (en)fin on est en relation peut-être ce serait encore à développer parce 139. qu’on est toujours un peu dans le rush euh voilà oui on devrait être peut 140. être: plus de sensibilisation et d’information à faire

Idéalement, le chargé d’accueil pourrait mettre en place davantage de mesures en faveur des étudiants en situation de handicap mais le temps lui manque. Le terme « rush » qu’il utilise [ligne 139] est très significatif. Le premier sens donné à ce mot est celui de la ruée d’une foule qui n’a donc rien à voir avoir une quelconque temporalité. Mais dans son sens second, il évoque une course de vitesse. C’est-à-dire que le rush est vécu comme un temps qui s’accélère. Finalement, l’individu court après le temps. La précondition auquel sont soumises les actions exprimées au conditionnel : [ligne 137] « ce serait à développer », [lignes 139-140]

« devrait […] plus de sensibilisation d’informations à faire » est plus de temps. Cœugnet & al.

explicitent très bien ce ressenti : « l’individu percevrait un déficit temporel parce qu’il est dans l’impossibilité de répondre à toutes celles qui le séduisent, parce que ses pratiques lui semblent insuffisantes en nombre, voire en termes de satisfaction, ou parce qu’elles impliquent de restreindre le temps devant être alloué à d’autres tâches » (2011 : 158).

Corpus XXI

ET9 4. braille en fait […] quand j’aurai ma plage braille déjà ce sera bon je 5. pourrai pren(dre) faire mes exercices peut être pas au même rythme que 6. tout le monde pas prendre les corrections comme tout le monde comme 7. i(l) faut mais au moins euh: faire les exercices à mon rythme et si je 8. peux pas corriger au rythme de tout le monde de toute façon le prof il 9. envoie par mail les corrigés en fait + en cours ben on voit pas au tableau 10. donc le prof faut qu’i(l) dicte évidemment tout ce qu’i(l) marque au 11. tableau tous les profs ne le font pas forcément ++ évidemment à 12. l’université ben ça va vite y’a pas que moi donc euh:: dans ma classe je 13. suis la seule personne malvoyante donc le prof i(l) va pas s’attarder non 14. plus euh sur une élève+ faut qu’il continue son cours normal aussi donc

153 Dans cet extrait, l’étudiant explique qu’il ne peut effectuer les exercices proposés en cours faute d’outil adapté. Il fait toutefois référence à un temps futur mélioratif où cet empêchement serait pallié par l’acquisition de l’outil en question : la plage braille. Malgré les apports de l’outil, demeurera une différence temporelle dans l’exécution des exercices, la comparaison avec les autres étudiants « tout le monde » est marqué par « que » [ligne 5] puis une seconde fois par le comparatif « comme » [ligne 8]. Il met en avant l’unicité de son cas comparé aux autres étudiants voyants. Il explique que la prise en compte de sa situation par l’enseignant représenterait une perte de temps sur le cours qui serait donc éventuellement tronqué si celui-ci devait s’attarder sur son cas. Selon l’étudiant, une pédagogie différenciée dans ce contexte ne serait pas favorable aux autres étudiants qui perdraient eux le bénéfice de la totalité du cours.

Dans les propos de l’étudiant, nous ressentons une certaine pression temporelle liée à ce temps qu’il définit comme rapide [ligne 15] « ça va vite ». Le « rythme » de l’étudiant (pour reprendre le terme qu’il utilise par deux fois [lignes 9&10]) est cependant moins soutenu. Il faut entendre ce terme en tant que cadence, vitesse d’exécution des actions. Tous les étudiants sont évidemment touchés par la rapidité mais cet étudiant qui a dû avoir recours à un moyen informatique en raison de la perte de la vue à l’âge de 12 ans n’a pas acquis une vitesse suffisamment rapide pour la prise de notes.

L’extrait ci-dessous provenant de la vidéo « A vous de voir »1 met en scène un étudiant qui souhaite aider son pair déficient visuel en écrivant pour lui les équations mathématiques.

Corpus XXII

PA2 23. au début j’ai voulu euh commencer à écrire les équations des cours de 24. math + par exemple faire une page recto-verso manuelle ça m’a pris 25. quatre heures et j’ai, j’ai laissé tomber parce (en)fin je peux pas, je peux 26. pas mettre quatre heures dans une page sachant qu’il y a une vingtaine 27. de pages par chapitre c’est un peu difficile quoi donc mais par contre en 28. cours j’essayais de lui dicter quand elle voyait pas

E10 29. ouais

PA2 30. mais des fois ça va trop vite et tout (en)fin c’est un: comme on peut 31. quoi (rires) un peu difficile quoi mais bon + on fait

Malgré sa bonne volonté, le pair PA2 s’est trouvé confronté à un problème de taille qui lui a fait renoncer à écrire les équations pour l’étudiant malvoyant : le temps. En effet, si

1 Tome II, corpus XXII

154 nous nous en référons au temps que requiert l’écriture d’une page de formules mathématiques

« quatre heures » [ligne 25], c’est une activité chronophage que ne peut se permettre d’effectuer le pair qui est confronté à ses propres préoccupations d’apprenant. La temporalité est liée ici à la quantité d’informations à écrire. Malgré son renoncement à aider l’étudiant par ce moyen, PA2 essaie d’aider l’étudiant dans sa prise de notes lors des cours. Nous voyons bien ici que le temps est un problème récurrent. Premièrement, lors de l’écriture des formules mathématiques et deuxièmement en cours où le débit de parole de l’enseignant régie le temps de la prise de notes des étudiants. Le pair dit d’ailleurs que « des fois ça va trop vite » [ligne 30]. Encore une fois, soumis à ses propres problèmes de gestion du temps, le pair a bien du mal à apporter son soutien à E10 comme il le souhaiterait.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 152-155)