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Environnement social et cadre législatif des déficients visuels

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 30-37)

Évolution sociale et juridique

2. Environnement social et cadre législatif des déficients visuels

L’intérêt de relever les lois en faveur des personnes en situation de handicap réside dans la vision significative de l’évolution sociale survenue durant ces dernières décennies.

Notre approche se veut révélatrice du processus de construction sociale de la notion de handicap en faveur d’une institutionnalisation et d’un contrôle politique. En effet, les lois sont-elles révélatrices de la place accordée aux handicapés ou bien la création de lois ne revient-elle pas à vouloir à tout prix normaliser l’individu, le catégoriser pour qu’il rentre dans une norme ?

L’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économiques) explique qu’Ebersold montre une évolution du cadre juridique en trois phases. Jusqu’aux années 1950 est véhiculée une image de l’infirme dont on ne retient que l’incapacité qui le caractérise.

Puis, la loi de 19571 témoigne d’un souci de réadaptation. L’infirme n’est plus un incapable, un invalide mais quelqu’un qui possède des aptitudes qu’il convient de développer et qui peut

1 Annexe 1

30 être intégré dans le monde du travail. À partir des années 1970 (lois de 19711 et 19752) s’opère un processus de normalisation. L’infirme est un membre à part entière de la société, laquelle par ailleurs peut-être responsable de son état ; il dispose de droits identiques à tout un chacun, et doit être déculpabilisé, « lavé de tout soupçon » quant aux causes de sa déficience.

L’OMS3 considère la cécité comme un handicap majeur, ceci est incontestablement justifié par la place qu’occupe la vision chez l’homme. En effet, celle-ci revêt un haut pouvoir informatif. Elle structure le handicap en trois classifications internationales :

- la déficience qui définit toute perte de substance ou altération d'une structure ou fonction psychologique, physiologique ou anatomique (maladie, accident, hérédité...) dans son aspect lésionnel ;

- l’incapacité qui représente la réduction partielle ou totale de la capacité d'accomplir une activité dans les limites considérées comme normales pour un être humain dans son aspect fonctionnel ;

- le désavantage qui est une limitation ou une impossibilité d’accomplir un rôle social humain normal en rapport avec l’âge, le sexe, les facteurs sociaux et culturels dans son aspect situationnel ou social.

La Classification internationale des déficiences, incapacités, handicaps (CIDIH) est publiée par l’OMS en 1980. Cette clarification conceptuelle du handicap est une avancée puisqu’elle ne se limite pas à la seule cause médicale du déficit mais introduit la notion de désavantage comme dimension des conséquences sociales du handicap. Toutefois il sera reproché à cette classification de ne pas prendre en compte le rôle des facteurs environnementaux dans la construction du handicap. « L’enchaînement causal de la déficience à l’incapacité et au désavantage social fait en effet écouler le préjudice social subi par la personne du seul critère individuel de la déficience » Barral (2005 : 99). Dans le domaine législatif, le terme « handicapé » est apparu vers la fin des années 1950. Nous proposons ci-après de présenter les lois sur le handicap qui sont apparues depuis cette période.

La loi n°57-1223 du 23 novembre 19574

Cette loi sur le reclassement professionnel des travailleurs handicapés introduit pour la première fois cette notion de travailleur handicapé.

« Art 1er

La présente loi a pour objet l’emploi des travailleurs handicapés ou leur reclassement suivant un processus pouvant comporter, selon les cas, outre la réadaptation fonctionnelle prévue par les textes en

1 Annexe 2

2 Annexe 3

3 Organisation Mondiale de la Santé

4 Annexe 1

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vigueur, une réadaptation, une rééducation ou une formation professionnelle. Est considéré comme travailleur handicapé pour bénéficier des dispositions de la présente loi, toute personne dont les possibilités d’acquérir, ou de conserver un emploi sont effectivement réduites par suite d’une insuffisance ou d’une diminution de ses capacités physiques ou mentales.

Art 2

La qualité de travailleur handicapé est reconnue par la commission départementale d’orientation des infirmes, instituée par l’article 167 du code de la famille et de l’aide sociale et dont les attributions sont étendues à toutes les personnes qui sollicitent le bénéfice de la présente loi. La commission compétente est déterminée par le lieu de résidence de l’intéressé. Lorsque la qualité de travailleur handicapé a été reconnue, la commission donne un avis sur l’orientation professionnelle de chacun des bénéficiaires et se prononce sur l’opportunité des mesures à prendre pour favoriser son reclassement. »

Elle fait état du droit au reclassement professionnel de tous les handicapés et mentionne l'obligation d'emploi. Les entreprises doivent alors compter dans leurs effectifs 10% de mutilés de guerre ou autres infirmes et si elles ne respectent pas ce quota elles devront s'acquitter d'une redevance. Il s'avèrera que faute de contrôle efficace cette loi ne sera pas appliquée.

La loi n°563 du 13 juillet 19711

C’est avec cette loi sur la santé et les services sociaux qu’une allocation pour les mineurs handicapés et pour les adultes versée par les caisses d'allocations familiales est mise en place. Concernant les mineurs handicapés, le Titre 1er stipule :

« Art. L. 543-2. – Les enfants n’ayant pas dépassé l’âge fixé par le décret en Conseil d’Etat prévu à l’article L. 527 et qui sont atteints d’une infirmité grave entraînant une incapacité permanente égale ou supérieure à un pourcentage fixé par décret, ouvrent droit, quel que soit leur rang dans la famille, à l’allocation des mineurs handicapés, lorsque leurs parents ou les personnes qui en assument la charge justifient des mesures particulières concourant à l’éducation et entraînant des dépenses supplémentaires dans des conditions fixées par décret. »

Puis le Titre 2 explicite les droits à l’allocation des adultes handicapés :

« Art. 7 – Les personnes de nationalité française et résidant sur le territoire métropolitain ou dans les départements d’outre-mer ayant dépassé l’âge d’ouverture du droit à l’allocation des mineurs handicapés prévue à l’article L. 543-2 du code de la sécurité sociale, mais âgées de moins de soixante-cinq-ans, qui sont atteintes d’une infirmité les rendant inaptes au travail et entraînant une incapacité permanente égale ou supérieure à un pourcentage fixé par décret, perçoivent une allocation aux handicapés adultes, lorsqu’elles ne peuvent prétendre au titre d’un régime de sécurité sociale, d’un régime de pensions de retraite ou d’une législation particulière, à une prestation de vieillesse ou d’invalidité d’un montant au moins égal à cette allocation. »

1 Annexe 2

32 La loi n°75-534 du 30 juin 19751

La loi du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées, se dispense de donner une définition du handicap et détermine le fait que le handicapé est celui qui est reconnu comme tel par l'institution. Liberman nous rapporte que Simone Veil Ministre de la Santé avait décidé : « sera désormais considérée comme handicapée toute personne reconnue comme telle par les Commissions départementales » (2009 : 36). Il lui sera même attribué une carte de la COTOREP2 (Commission Départementale d'Orientation des Infirmes) pour prouver son statut. Pour Barral, « la loi de 1975 apparaît comme la consécration de la construction de la catégorie des personnes handicapées comme catégorie médico-administrative fondée sur la déficience » (2008 : 95). Une équipe pluridisciplinaire évalue alors les besoins de compensation en fonction du projet de vie et propose un plan personnalisé de compensation. Cette réorganisation de l'ancienne CDOI (Commission Départementale d'Orientation des Infirmes) instituée par la loi de 1957 en commission interinstitutionnelle s'appuie sur une équipe technique pluridisciplinaire afin d'exercer des fonctions aussi diverses et globales telles que l'appréhension du handicap, l'élaboration de solutions d'orientation et l'attribution d'allocations spécifiques aux handicapés.

Au regard de cette loi, la catégorie « handicapé » semble aller de soi, des critères d’éligibilité pour les mesures prévues sont définies. Les caractéristiques déficitaires de la personne et la définition des prestations et institutions tiennent lieu de définition du handicap et du même coup de la personne handicapée, assimilée au handicap (Barral, 2008 : 95).

L’article 49 prescrit que : « les dispositions architecturales et aménagements des locaux d’habitation et des installations ouvertes au public, notamment les locaux scolaires, doivent être tels que ces locaux et installations soient accessibles aux personnes handicapées ». Elle demande également aux responsables d’établissements de faire connaître aux constructeurs la réglementation en vigueur et d’utiliser tous les moyens à leur disposition pour sensibiliser et informer en toutes occasions les professionnels de la construction sur les problèmes de la circulation des personnes à mobilité réduite ou atteintes de déficience sensorielle dans l’environnement architectural.

La loi n° 2005-103 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées3.

Cette loi vient d’une part consolider les fondations de la loi de 1975 et d’autre part, elle annonce plus clairement des droits fondamentaux. La loi de 1975 énonçait dans son article 4 que l’obligation éducative devait de préférence se dérouler en milieu ordinaire.

L’article 19 de la loi 2005, lui, mentionne que ce n’est non pas « de préférence » mais en

1 Annexe 3

2 Commission technique d’orientation et de reclassement professionnel

3 Annexe 4

33 priorité que la scolarisation doit être menée en milieu ordinaire. Cette loi affiche une volonté de réorientation politique et c’est la première loi qui donne une définition du handicap afin de garantir des droits à la personne handicapée. Prenons connaissance de cette définition dans l’article 2 :

« Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne, en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive, d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant. »

Cette loi nous intéresse plus particulièrement puisqu’elle est celle qui a poussé les universités à prendre en compte les spécificités des étudiants en situation de handicap du fait que l’inclusion scolaire des jeunes en situations de handicap était un sujet d’actualité. Cette loi mise en place dans ce contexte sociétal (dénommée loi handicap par le ministère de l’Education nationale) explicite dans le «Titre IV: accessibilité » que tous les élèves et étudiants doivent pouvoir suivre une scolarité.

« Chapitre Ier : Scolarité, enseignement supérieur et enseignement professionnel. La principale innovation de la loi est d'affirmer que tout enfant, tout adolescent présentant un handicap ou un trouble invalidant de la santé est inscrit dans l'école de son quartier. Il pourra ensuite être accueilli dans un autre établissement, en fonction du projet personnalisé de scolarisation. Les parents sont pleinement associés aux décisions concernant leur enfant. Sont mis en place les équipes de suivi de la scolarisation et les enseignants référents. La loi réaffirme la possibilité de prévoir des aménagements afin que les étudiants handicapés puissent poursuivre leurs études, passer des concours, etc.1 »

L’accès à tout par tous est également un des fondamentaux de cette loi : qu’il s’agisse des transports en commun, des bâtis ou de l’école. La loi 2005 a notamment permis de nombreuses avancées pour les personnes handicapées, au sein des universités. Jusqu’alors, les modalités d’accompagnement étaient définies par les universités.

Les textes de références sont :

- la lettre du 7 février 1989 qui a pour objet « l’accessibilité des locaux et l’accueil des étudiants handicapés » et qui rappelle l’article 49 de la loi du 30 juin 1975.

Concernant l’accueil des étudiants le texte énonce que :

« les étudiants handicapés doivent être aidés dans leur choix d’études et notamment lors d’une première inscription dans l'enseignement supérieur en leur communiquant des informations sur l’organisation des enseignements, les conditions de scolarité, mais aussi les aménagements prévus pour un déroulement satisfaisant de leur cursus {…} les différentes formes d’aides sociales auxquelles ils peuvent avoir recours {…} ainsi que les équipements sociaux pouvant être mis à leur disposition. »

1 Annexe 4

34 Afin que l’accueil de ces étudiants soit personnalisé, le directeur de l’enseignement supérieur demande à ce qu’il y ait un référent (enseignant ou administratif) qui coordonne les différentes actions.

- la circulaire n°4 du 22 mars 1994 qui prévoit, entre autres, des dispositions spécifiques pour les examens des étudiants handicapés.

C’est le service de la Médecine Préventive qui délivre, pour chaque étudiant, une attestation notifiant les adaptations pouvant être mises en place. Il existe différents types d’aménagements selon le handicap de l’étudiant et la nature de l’épreuve. Par exemple un sujet pourra être agrandi ou imprimé en braille pour pouvoir être lu par le déficient visuel ;

- l’arrêté du 9 Avril 1997 qui prévoit la création d’une commission chargée des handicapées dans les universités. Cette commission doit veiller à l’accueil des étudiants handicapés et à l’amélioration de leurs conditions d’études ;

- la circulaire du 29 Août 2001 sur le rôle du Bureau de la Vie Etudiante dont l’objectif est de regrouper en un lieu l’ensemble des informations utiles à la vie d’étudiant ;

- la circulaire du 25 juin 2003 sur les conditions d’aménagement des examens et concours de l’enseignement supérieur pour les candidats en situation de handicap.

Depuis la loi du 11 février 2005, les universités ont l’obligation : - d’inscrire les étudiants et assurer leur formation (article 20) ;

- de mettre en œuvre l’accompagnement et les aménagements nécessaires ; - de rendre les locaux accessibles dans les 10 ans ;

- de rendre les sites internet accessibles dans les 3 ans.

Puis, le décret du 21 décembre 2005 prend en compte les dispositions à mettre en œuvre pour l'aménagement des examens, on conserve :

- le temps majoré ;

- la secrétaire et la salle indépendante ; - le matériel adapté ;

- la possibilité de conserver les notes sur 5 ans ; - l’étalement des sessions sur plusieurs années.

Nous pouvons relever l’article L 111-1 du Code de l'Éducation qui stipule que :

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« L’acquisition d'une culture générale et d'une qualification reconnue est assurée à tous les jeunes, quelle que soit leur origine sociale, culturelle ou géographique. L'intégration scolaire des jeunes handicapés est favorisée. Les établissements et services de santé y participent. »

Cette loi récente ainsi que la charte des universités signée entre l’université et la Ministre de l’enseignement supérieur1 contribuent à voir se développer l’intérêt porté aux conditions d’accueil des étudiants en situation de handicap. D’ailleurs, depuis la loi de 2005, dans les universités françaises des services chargés d’accueil pour ces étudiants ont vu le jour.

Parallèlement, le nombre d’étudiants handicapés croît, il a doublé en moins de 10 ans. Il est passé de 3601 en 1993/1994 à 7029 en 2000/2001. Les entretiens que nous avons menés dans le cadre de cette recherche auprès des chargées d’accueil des Universités de Montpellier en 2009/2010 montrent que ces chiffres continuent à augmenter. Nous pouvons donc supposer que c’est grâce aux possibilités de soutien dont ils disposent que les étudiants s’inscrivent dans l’enseignement supérieur. Cette mise en place dans les universités résulte du cadre législatif mais aussi des soutiens financiers qu’accorde l’Etat dans le cadre des programmes quadriennaux qu’ils concluent.

Barral stipule que : « dans son esprit, cette loi marque une avancée indéniable, qui reflète pour partie le profond bouleversement conceptuel et normatif qui s’est opéré au plan international dans le domaine du handicap au cours des trente dernières années (2008 : 96) ».

Finalement les avancées législatives et notamment la loi 2005 a permis de passer du concept d’intégration à celui d’inclusion. Cette loi reste très ambitieuse, il reste beaucoup à faire et le « handicap » reste toujours un combat. L’effort doit rester axé sur l’adaptation de l’environnement à la personne en situation de handicap.

1 Annexe 5

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Chapitre 2

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