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Les chargés d’accueil des services dédiés aux étudiants en situation de handicap handicap

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 168-172)

Adaptation des différents acteurs

2. Les chargés d’accueil des services dédiés aux étudiants en situation de handicap handicap

C’est par l’entremise de la loi 2005 que de nouveaux métiers ont vu le jour au cœur des universités. La mise en place de services dédiés aux étudiants en situation de handicap est soutenue par le recrutement de chargés d’accueil qui sont des personnels administratifs mais pas forcément formés à chaque handicap. Ils sont confrontés à des besoins hétéroclites. Ne serait-ce que pour la déficience visuelle, ils peuvent se trouver confrontés à des cas très différents. La diversité des pathologies de la déficience visuelle différencie le développement cognitif des aveugles congénitaux, des aveugles tardifs et des amblyopes dont la vue permet encore de distinguer ce qui se trouve sur l’écran. Les raisons de cette différenciation se trouvent dans la représentation qu’a alors le déficient visuel de son environnement. Ceux qui ont eu une cécité précoce ont une représentation de l’environnement différente de ceux dont la perte de la vue survient plus tardivement. Les aveugles de naissance ont davantage de difficultés à se forger une représentation spatiale car ils n’ont pas de construction d’un espace visuel sensori-moteur ainsi qu’une bonne coordination visuo-tactile. Les aveugles tardifs (après 2 ans) qui ont pu bénéficier de la vue ont quant à eux emmagasiné en mémoire des images du monde contrairement aux aveugles précoces. La représentation mentale entre ces deux groupes s’en trouve sensiblement différenciée.

Par exemple, le non-voyant qui a déjà utilisé un ordinateur avant de perdre la vue peut se représenter ce qui se passe à l’écran lorsqu’il navigue et garde en mémoire la trace de ce qu’il a vu. Pour le non-voyant congénital la représentation est différente. Si elle est sous forme d’images, nous pouvons fort bien postuler que leur représentation est différente de ceux qui ont déjà vu les images défiler à l’écran. Ces différences sont importantes à relever car

168 elles peuvent expliquer des stratégies d’apprentissage et des besoins dissemblables.

L’hétérogénéité des profils des étudiants nécessite une grande adaptation : que ce soient des besoins techniques, aux problèmes d’accessibilité, de déplacement dans le campus, d’aides à la recherche bibliographique, d’assistance aux examens ou d’aide aux études. Ce sont autant de missions qui sont confiées aux chargés d’accueil. Dans un premier temps, nous verrons de quelle façon ces derniers font face à leur inexpérience de certains handicaps, puis dans un second temps nous verrons comment ils s’organisent pour se tenir informés des améliorations qui pourraient être proposées aux étudiants. Les chargés d’accueil de deux universités nous font partager leur expérience au cours des entretiens suivants. Nous présentons, pour commencer, un extrait provenant d’un entretien avec le chargé d’accueil de l’Université Montpellier 1 :

Corpus XVIII

ENQ 38. donc en fait pour chaque handicap vous découvrez sur le tas ? CA1 39. oui

ENQ 40. et c’est pas difficile des fois ?

CA1 41. si, si c’est difficile oui c’est certain que ce serait mieux avec une 42. formation préalable sur le handicap

ENQ 43. en même temps c’est difficile d’avoir une formation sur chaque 44. handicap non ?

CA1 45. ça se fait petit à petit en fait avec les étudiants par exemple j’ai

46. beaucoup d’étudiants moi sourds sur Montpellier enfin malentendants et 47. petit à petit j’acquiers des notions grâce à eux en fait

ENQ 48. en fait c’est eux qui vous expriment leurs besoins

CA1 49. oui par rapport aux besoins par rapport à des tas de choses ce qu’il y a

L’enquêteur s’interroge sur la difficulté de faire face à une situation de handicap sans formation préalable à celle-ci. Le chargé d’accueil nous fait part de ses difficultés [ligne 41]

par une accumulation d’affirmations qui emphase et met l’accent sur les difficultés rencontrées. Tout d’abord, CA1 vient asserter la pensée de l’enquêteur implicitement contenu dans sa question en répondant par l’affirmative «si » qu’il répète. Le chargé d’accueil ne se contente toutefois pas de cette affirmation et poursuit par une reprise de l’énoncé négatif interrogatif précédent transformé sous forme affirmative : « c’est difficile ». Puis il réaffirme à nouveau d’un « oui » qui est suivi d’un conditionnel mélioratif « ce serait mieux » expose l’idée du bénéfice d’une formation préalable. Toutefois faute de formation institutionnelle, celle-ci se pratique alors sur le terrain dès lors que le chargé d’accueil doit faire face à une nouvelle situation. L’adaptation est alors progressive et se met en place grâce à la coopération des étudiants. L’idée d’une formation progressive et graduelle est exprimée par l’expression

« petit à petit » qui est répétée [lignes 45 et 47]. L’apprentissage des chargés d’accueil s’effectue donc in situ en fonction des cas rencontrés. Ceci est également confirmé par le chargé d’accueil de l’Université Montpellier 2.

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Corpus XIX

ENQ 196. et vous au niveau de votre poste vous avez eu une formation 197. spécifique ?

CA2 198. alors moi j’ai été auxiliaire de vie scolaire pendant cinq ans euh j’ai 199. dix ans d’expérience dans l’accompagnement des personnes handicapés 200. et je suis conseillère en économie sociale et familiale de formation de 201. diplôme donc voilà euh je connais pas tout évidemment donc y’a des 202. types de handicap sensoriel j’étais plus sur des handicaps moteurs ou 203. sur l’accompagnement de personnes avec handicap moteur ceci dit 204. voilà je découvre aussi j’apprends je complète ma formation 205. évidemment en l’exerçant donc voilà puis on travaille avec des 206. associations aussi qui sont compétentes pour l’accompagnement des 207. personnes dans une situation de handicap

Ce chargé d’accueil témoigne des facultés d’accommodation que lui demande cet emploi alors même qu’il a une expérience significative auprès de personnes en situation de handicap : « dix ans » [ligne 199]. Cette expérience est toutefois minorée par une négation restrictive « je connais pas tout » [ligne 201]. Par la suite, il précise que cette restriction provient du fait que son expérience concerne des handicaps moteurs et non sensoriels. Il décrit son adaptation par l’utilisation des verbes d’action « découvrir », « apprendre » et

« compléter » [ligne 204]. Ce champ lexical illustre le fait qu’une adaptation nécessite un acte d’apprentissage. Ainsi que le précise Piaget « Une perception, un apprentissage sensori-moteur (habitude, etc.), un acte de compréhension, un raisonnement, etc., reviennent tous à structurer, d’une manière ou d’une autre, les rapports entre le milieu et l’organisme ».

(1967d : 14)

[Ligne 205] comme le chargé d’accueil précédent, celui-ci explique que son apprentissage se fait sur le terrain « en l’exerçant » mais aussi en recourant à des professionnels du handicap dans les associations. Savoir faire appel à ceux qui détiennent le savoir que nous n’avons pas est une preuve d’adaptabilité. Notre connaissance de l’emploi nous permet d’ajouter que ce n’est qu’en discutant avec l’étudiant que le chargé d’accueil connaît précisément ses besoins. Par exemple, selon l’outil utilisé par l’étudiant les adaptations diffèrent. Le chargé d’accueil prend connaissance en amont des outils informatiques adaptés existants et s’informe sur les nouvelles technologies qui sont créées.

Puis, il s’enquiert auprès de l’étudiant de l’outil qu’il utilise (par exemple la plage braille pour un déficient visuel maîtrisant le braille ou un grossisseur d’écran pour un malvoyant qui voit encore suffisamment pour pouvoir en bénéficier, ou la synthèse vocale). Le chargé d’accueil poursuit sur ce sujet.

Corpus XIX

CA2 94. braille la reconnaissance vocale + tout ça c’est installé sur son poste à 95. elle et en complément on lui a aussi: on teste avec elle elle teste 96. l’utilisation du stylo numérique

ENQ 97. ah oui c’est en test dans les universités

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CA2 98. donc voilà donc c’est vrai que là ça permet donc à AP3 son assistante 99. pédagogique de lui prendre les notes ET3 fait une prise de notes elle de 100. son côté sur son ordinateur pendant les cours complétée par une prise de 101. notes de AP3 avec le stylo numérique ce qui permet à ET3 de pouvoir 102. ensuite prendre cette clé la mettre sur son ordinateur à lire et pouvoir 103. après les transformer pour pouvoir les sortir en braille ou de pouvoir les 104. relire avec sa synthèse vocale

Cet extrait nous paraît représentatif de l’effort d’adaptation effectué conjointement par plusieurs personnes pour améliorer les techniques de prises de notes pour le déficient visuel.

Le service d’accueil teste un nouvel outil : le stylo numérique, qui consiste à capturer et organiser des notes manuscrites en les stockant sur clé USB, une fois les informations stockées, celles-ci peuvent ensuite être lues par un lecteur d’écran ou avec une plage braille.

L’objectif de ce test est de proposer ultérieurement cet outil à d’autres étudiants si celui-ci fonctionne bien. Ce test s’effectue par le biais de l’étudiant ET3 et de son assistant pédagogique. Comme le dit Sarralié (2007) dans Scolariser les enfants déficients visuels aujourd’hui. Contribution à la réflexion : « Vygotski rappelait à bon escient que si un élève déficient visuel arrive au même résultat qu’un enfant voyant, ce n’est pas souvent par un cheminement identique, un effort semblable » (2007 :4). Suivre un cursus en milieu ordinaire demande la mise en œuvre de stratégies compensatoires comme celle de la prise de notes par un autre outil que le stylo. De même, l’Université Montpellier 3 s’est pourvue d’un stylo

CA2 220. parce qu’on est en relation on crée un réseau relationnel des 221. partenaires à ce niveau-là donc ils savent que quand ils ont des 222. nouveaux outils ils nous envoient un catalogue ou ils nous informent 223. qu’ils vont faire des séances de démonstration tel jour à telle heure à 224. l’Union des Aveugles + si nous on a des questions sur les moyens les 225. plus adaptés moi je contacte l’Union des Aveugles puisque j’ai une 226. référente là-bas voilà et ça pareil on travaille avec l’Arieda pour les 227. étudiants sourds ou malentendants avec le GIHP pour les étudiants avec 228. un handicap moteur avec l’AFM pour euh: on a eu un étudiant atteint de 229. myopathie donc voilà on essaye d’ouvrir un peu le partenariat parce que 230. voilà on maîtrise pas tout on sait pas tout et donc c’est bien de pouvoir 231. mutualiser les compétences et les savoir-faire et puis on travaille surtout

Relevons l’idée de création d’un réseau relationnel. Il s’agit par ce biais d’amener à soi les informations évitant ainsi un travail de veille dans un contexte de travail où les chargés d’accueil, largement sollicités par les étudiants, manquent de temps. Savoir trouver des

171 ressources par le biais de réseaux, de partenaires c’est savoir bénéficier des ressources présentes dans l’environnement, ce qui constitue bien là un acte d’intelligence au sens de Piaget (1969). En effet, celui-ci postule que l’intelligence agit en assimilant le réel à des structures de transformation. L’intelligence, sous forme intériorisée et réflexive, agit grâce aux instruments de la pensée en exécutant et coordonnant des actions. Ces opérations s’effectuent par organisation de la pensée, ce qui donne lieu à une assimilation et une transformation des données. Cette transformation consiste à partir d’un état initial pour aboutir à un autre. Nous considérons que tout acte permettant de trouver des stratégies adaptatives relève de l’intelligence. Dans le cas des chargés d’accueil, confrontés à de nouvelles situations, la mise en place d’actions relève bien de stratégies d’adaptation. Comme nous avons pu le remarquer précédemment avec l’utilisation du stylo numérique, les assistants pédagogiques doivent également fournir un effort d’adaptation à de nouveaux outils.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 168-172)