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3.4.1) Les leviers d’action de la prévention

L’éducation offre des leviers d’action particulièrement intéressants dans la prévention de l’obésité car elle permet d’atteindre à la fois les déterminants corrigibles par l’individu mais également, les déterminants de l’obésité qui ne sont pas directement corrigibles par l’individu lui-même. Ainsi, les femmes peuvent agir sur les déterminants épigénétiques de leurs enfants au cours de leur grossesse et par des pratiques d’allaitement appropriées. Plusieurs études ont par ailleurs pointé l’influence du niveau d’éducation des mères sur la santé nutritionnelle des enfants. Certains experts considèrent que les taux élevés d’insuffisance pondérale à la naissance et de malnutrition des enfants en Asie du Sud sont reliés à la restriction de l'accès des femmes à l'éducation (UNICEF, 1998).

Je pense que les leviers d’action de la prévention globale passent par l’éducation nutritionnelle et l’environnement scolaire.

L’éducation nutritionnelle implique d’une part, un apport de connaissances scientifiques qui permettent d’agir sur les déterminants alimentaires en adaptant les choix alimentaires et le niveau d’activité physique aux besoins de l’organisme, et d’autre part, le développement

de compétences psychosociales qui sont impliquées dans un nombre très important de

174 travers l’impact du stress sur les axes neuroendocriniens (Sherwood, 2006) ou encore par le contrôle de l’agressivité (Favre, 2007) dont certaines voies de régulation sont similaires à celles qui contrôlent l’appétit, facteurs socio-économiques (Sobal et Stunkard, 1989; Poulain, 2009), facteurs psychologiques (Le Barzic, 2004; Mariage et al., 2005). De plus, les compétences psychosociales, en permettant le développement de l’esprit critique et la capacité à prendre des décisions, se révèlent être des compétences particulièrement pertinentes à développer dans le contexte de gastroanomie décrit par Fischler (1979). Dans ce contexte, l’abondance du choix et des discours préventifs place le mangeur dans une situation anxieuse qui pourrait contribuer au développement des pathologies nutritionnelles telles que le surpoids et l’obésité. Cette anxiété potentielle devrait donc faire l’objet d’une attention particulière dans les programmes d’éducation nutritionnelle développés en milieu scolaire : elle concerne autant les aspects biomédicaux de l’alimentation à travers l’inflation des discours de prévention que les aspects psychosociaux à travers l’esprit critique, la gestion du stress, l’apprentissage des choix. De plus, une stratégie de prévention efficace devrait également inclure un travail sur la stigmatisation des personnes obèses afin de limiter les troubles psychoaffectifs qui peuvent renforcer le phénomène d’obésité.

La pluralité des déterminants de l’obésité met en exergue le rôle potentiel de nombreux partenaires de travail pour les enseignants. En effet, de nombreux acteurs jouent un rôle important au niveau de déterminants particuliers (les familles peuvent agir sur les facteurs liés au rythme de vie de l’enfant; la municipalité peut agir sur la sédentarité à travers une politique de transport appropriée; les médias, les industries agro-alimentaires et les producteurs peuvent agir sur les facteurs alimentaires et en particulier l’évolution du système alimentaire…). Le partenariat est donc un élément important de la prévention de

l’obésité.

Dans cette éducation nutritionnelle, il paraîtrait pertinent d’intégrer toutes les disciplines (géographie, sciences, vivre ensemble…) avec une approche transversale qui multiplie

les angles de vue.

Ainsi, les critères de l’éducation pour la santé en milieu scolaire préconisés par les experts internationaux (UNESCO, UNICEF, OMS, 2002; Jourdan et Bougeois-Victor, 1998) - travail en partenariat, développement des compétences psychosociales, travail par projet transversal - semblent donc constituer des leviers d’action particulièrement pertinents pour une stratégie nutritionnelle adaptée à la nature complexe de l’obésité.

L’environnement scolaire permet également de toucher le plus grand nombre de déterminants possibles grâce aux approches promotionnelles qui agissent sur l’environnement global de l’enfant.

3.4.2) Justification d’une prévention en milieu scolaire

Les experts internationaux ((UNESCO, UNICEF, OMS, 2002) considèrent que le milieu scolaire constitue un cadre adapté pour promouvoir la santé des enfants. En effet, d’après une revue d’études en éducation pour la santé (Steward-Brown, 2006), les stratégies nutritionnelles visant un public d’enfants sont souvent mises en œuvre dans le milieu scolaire, qui offre plusieurs leviers d’action aux stratégies nutritionnelles. La FAO (2007) considère que l’école permet de mettre en pratique l’éducation nutritionnelle de façon promotionnelle. Celle-ci vise à prévenir les troubles nutritionnels et, dans le même temps, à faire participer activement les élèves, à développer leurs compétences pour faire des choix propices à la santé, et à créer le bien-être nutritionnel par l’instauration des conditions et d’un environnement propices à la santé nutritionnelle (ibid). En effet, Booth (2001) rappelle que si les stratégies nutritionnelles basées sur l’éducation présentent un grand intérêt, elles gagneraient à être couplées à une action sur l’environnement nutritionnel. Steward-Brown (2006) confirme que l’efficacité d’une action d’éducation pour la santé dépend de la modification de l’environnement scolaire ainsi que de la prise en compte de plusieurs déterminants de santé (approches multifactorielles). Précisément, les programmes nutritionnels les plus efficaces adoptent des approches globales ciblant l’environnement scolaire et, en particulier, la nourriture proposée dans les cantines scolaires (ibid).

175 Concernant plus spécifiquement l’obésité infantile, une expertise collective de l’INSERM (2006) rappelle que la place de l’école est une constante des politiques proposées. Les programmes développés en milieu scolaire visent l’éducation à l’alimentation et à la nutrition, la place de l’activité physique et sportive ou encore l’offre alimentaire à l’école. En effet, selon le conseil national de l’alimentation, l’éducation par l’exemple et la qualité des repas servis en restauration scolaire sont une composante de l’éducation nutritionnelle (ibid). De plus, pour Jourdan (2004a), si la prévention du surpoids et de l’obésité réalisée en milieu scolaire est réalisée par l’activité physique et l’éducation nutritionnelle, il est également important d’y associer le développement des compétences psychosociales qui permettent aux enfants d’être plus tolérants face aux différences physiques et de les relativiser afin d’éviter de stigmatiser les personnes en surpoids. Ces compétences devraient également permettre aux enfants de mieux s’accepter et de développer une image positive d’eux- mêmes (ibid). En effet, Stewart-Brown (2006) rappelle que certains programmes scolaires ciblant les désordres alimentaires visent à aider les jeunes à prendre conscience de l’écart entre la représentation qu’ils ont de leur corps et la réalité.

La pertinence de développer des programmes de prévention de l’obésité en milieu scolaire semble donc faire consensus dans la littérature. Cependant, il convient de s’interroger sur la période optimale de mise en œuvre de ces programmes au cours de la scolarité.

3.4.3) Age d’intervention optimal pour une prévention en milieu scolaire

L’âge d’intervention optimal d’un programme de prévention de l’obésité me semble devoir répondre à deux critères : la période critique de développement de l’obésité chez les jeunes et le niveau de maturité des élèves leur permettant de comprendre les enjeux de cette éducation et d’y être réceptifs.

3.4.3.1) Les périodes de réceptivité des programmes de prévention

Pour la FAO (2007), l’école atteint les enfants à un âge critique, quand les habitudes alimentaires sont en train de s’acquérir. En effet, les enfants jeunes sont a priori plus réceptifs aux messages de prévention puisqu’ils n’ont pas encore adopté de conduite particulière : Tubiana (2004) rappelle que, lors des conférences de Dublin (1990 et 1994) qui ont précédé la mise en œuvre de l’éducation pour la santé à l’école dans l’ensemble des pays de l’union européenne, la précocité de cette éducation apparaissait déjà comme gage d’efficacité. Cependant, Jourdan et al. (2002) soulignent que même si les programmes de l’école primaire accordent une place importante à l’éducation à la santé, il n’y a pas de consensus sur l’idée que la prévention serait plus efficace à ce niveau. Pourtant, selon deux expertises collectives de l’INSERM (2001 et 2003), c’est bien au niveau de l’école primaire que les actions d’éducation nutritionnelle sont les plus nombreuses : la plupart des études de prévention de l’obésité infantile se sont déroulées en école primaire, chez des enfants de 8 ans et plus. D’après ces experts, les enfants de cet âge seraient plus accessibles au raisonnement et moins dépendants de leurs parents que les plus jeunes (INSERM, 2003). Dans le domaine de l’éducation pour la santé, certains experts recommandent de définir l’âge opportun pour démarrer un programme d’éducation pour la santé en fonction de la présence du risque (INSERM, 2000).

3.4.3.2) Les périodes à risque de développement de l’obésité

Au cours de la vie, le tissu adipeux connaitrait deux périodes physiologiques de prolifération, l’une après la naissance, l’autre entre 9 et 13 ans (Basdevant, 2004; Ailhaud, 2001; INSERM, 2000). Au cours de ces périodes sensibles, il est probable que des stimuli nutritionnels (acides gras) et hormonaux (insuline, glucocorticoîdes, IGF-1) affectent par leur intensité et leur fréquence la différenciation des préadipocytes en adipocytes (INSERM, 2000). Les mesures de prévention de l’obésité devraient donc être prises très tôt dans l’enfance afin de limiter le recrutement d’un nombre trop important d’adipocytes et donc l’augmentation de la masse grasse.

176 Certaines études font état d’autres périodes critiques au cours de la vie durant lesquelles un sujet pourrait être plus vulnérable au développement d’une obésité ultérieure (OMS, 2003) : période prénatale, période du rebond d’adiposité, adolescence, début de l’âge adulte et, pour les femmes, grossesse et ménopause. Il y a donc au cours de la scolarité, deux périodes critiques (rebond d’adiposité et adolescence) pour le développement de l’obésité chez les jeunes.

La première se situe entre 5 et 7ans, c’est la période du rebond d’adiposité.

Ce phénomène correspond à une variation physiologique de l’indice de masse corporelle au cours de la croissance : il augmente la première année de la vie, puis diminue jusqu’à l’âge de 6 ans, et augmente à nouveau jusqu’à la fin de la croissance. La remontée de la courbe de l'indice de masse corporelle observée en moyenne à l’âge de 6 ans est appelée rebond d’adiposité (HAS, 2011).

Les études montrent que l’âge du rebond d’adiposité est corrélé à l’importance de l’adiposité à l’âge adulte : plus le rebond est précoce, plus le risque de devenir obèse est élevé. Cette période coïncide avec l’accroissement de l’autonomie et de la socialisation de l’enfant. Elle pourrait constituer une période de vulnérabilité pour l’enfant qui risque d’adopter des comportements favorisant le développement de l’obésité (OMS, 2003). Cette période plaide en faveur d’un démarrage des programmes de prévention en milieu scolaire le plus tôt possible.

La seconde période de vulnérabilité se situe à l’adolescence. C’est une période d’autonomie accrue souvent associée à une déstructuration des repas, à une modification des habitudes alimentaires et à des périodes d’inactivité pendant les loisirs, auxquelles s’ajoutent des changements physiologiques favorisant les dépôts de graisse, en particulier chez la femme (OMS, 2003). Cette période semble donc particulièrement pertinente pour la mise en œuvre de programmes de prévention.

J’ai choisi de placer mon étude en école primaire, avant la deuxième période de vulnérabilité. Je me suis focalisée sur l’école élémentaire (dès 6 ans), puisque, d’après l’expertise collective de l’INSERM (2003), les enfants plus jeunes sont moins accessibles au raisonnement et plus dépendants de leurs parents dans le domaine de la nutrition.

3.4.3.3) Idées fortes du paragraphe « La prévention (globale) en milieu scolaire »

Nous avons vu que l’obésité est un phénomène multifactoriel qui peut être qualifié de complexe au regard de la théorie de Morin. Une stratégie de prévention efficace en milieu scolaire devrait donc répondre à la nature complexe de l’obésité, en s’inscrivant dans une démarche globale. Celle-ci devrait prendre en compte les déterminants de l’obésité dans l’environnement, et développer une éducation nutritionnelle basée sur le partenariat, les approches transversales et le développement de connaissances nutritionnelles et surtout de compétences psychosociales afin de toucher le plus de déterminants possibles. Une telle stratégie de prévention se baserait donc sur des modèles intégrateurs du comportement nutritionnel comme ceux que j’ai précédemment présentés (Davison et Birch, 2001; Booth et al., 2001; FAO, 2007; Ezan et al, 2010), s’inspirant des modèles de santé holistique, écologique et autonome. En effet, les quelques expérimentations fondées sur des approches de type écologique, orientées par la pensée complexe, qui sont disponibles dans la littérature semblent particulièrement prometteuses (INSERM, 2006). Ce serait donc avec une approche basée sur la pensée complexe que l’on pourrait développer une prévention réellement efficace, c’est-à-dire prenant en compte le plus de déterminants possibles et leur interaction. J’ai considéré nécessaire d’analyser les stratégies de prévention de l’obésité actuellement mises en œuvre dans les écoles à travers une revue d’études des programmes de prévention.

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3.5) Revue d’études des programmes de prévention de l’obésité en