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THEME/RHEME

4.3. LES MODELES PRAGMATICO-INFORMATIONNELS

1.3.2.2. LA PRÉDICATION "SÉMANTIQUE"

Avec une appréhension particulière en sémantique des cas prototypiques de la relation TC, Jacobs adopte une définition de la notion de prédication, qu'il illustre avec le XP qui occupe la marge (Vorfeld) dans la phrase racine de l'allemand :

(117) “In (X,Y), X is the semantic subject and Y the semantic predicate if

(a) X specifies a variable in the semantic valency of an element of Y, and (b) there is no Z such that (i) Z specifies a variable in the semantic valency of an element in Y and (ii) Z is hierarchically higher in semantic form than X” 180

Dans la définition en (117), il considère une relation de nature sémantique soutendue entre deux termes X et Y qu’il qualifie respectivement de sujet sémantique et de prédicat sémantique ; et Z correspond à la relation de spécification de la variable partagée. Il spécifie, ensuite, cette relation TC grâce à deux types de contraintes (une d’ordre sémantique et l’autre d’ordre hiérarchique syntaxique) : dans la contrainte (i) la valence du verbe dans le prédicat sémantique détermine et spécifie la variable X comme sujet sémantique. La contrainte (ii) correspond à une contrainte de nature syntaxique exprimée en termes de

sémantiquement supérieur à B181.

C'est également le cas pour le PP dans sa chambre dans (119), dès lors que l'on admet qu'une variable d'événement est introduite par le verbe tête (et, pour respecter la clause (a) de la définition en (117), dans la valence du verbe) :

(119) Dans sa/ chambre Maria a \Rangé tous ses jouets.

Tout XP occupant la marge n'est pas un sujet sémantique : c'est le cas des XP qui sont des ajouts et qui sont analysables comme des modifieurs : évidemment en (119). Ils ne sont pas des « sujets sémantiques » car ils ne spécifient pas une variable dans la valence associée au verbe.

(120) Evidemment son père refusera.

Il est à noter que pour Jacobs, dans les énoncés comme (120), le modifieur présente la même réalisation prosodique que les XP qui sont des sujets sémantiques. La situation est donc différente de celle de (118) où les NP sujets syntaxiques sont, tous deux, des sujets sémantiques au sens de (117), mais présentent une accentuation différente. Ce qui confirme bien qu'il y a indépendance du marquage prosodique, en termes de séparation informationnelle, et du statut de sujet sémantique.

L’analyse de la définition (117) montre, par ailleurs, qu’elle peut poser des conflits puisqu’elle admet, d’une façon générale, qu'il ne peut y avoir qu’un seul sujet

180 Jacobs J., op.cit., p. 647.

181 C'est l'analyse qu'adopte Jacobs pour le GN objet der Polizei dans l’énoncé : der Polizei est le sujet sémantique de : Der Poli/ZEI miss\TRAUT er (il se méfie de la police) [Jacobs, Op.cit :648(11)]

l’application de cette définition dans le cas d'une dislocation gauche en français (cas de plusieurs XP disloqués) dans l’analyse en termes de notion de prédication, seul le premier XP est considéré comme étant un sujet sémantique : Les dessins animés en (120a), Maria en (121b). Il n'est pas clair que cette distinction corresponde à quoi que ce soit au plan sémantique ou pragmatique.

(121) a. Les dessins animés, Maria, elle en voit tous les jours.

b. Maria, les dessins animés, elle n'en en voit tous les jours.

De manière générale, l'ensemble des constituants extraits peuvent être analysés comme des sujets sémantiques : l'interrogatif quel dessin animé en (116a) ou les GP en (122b) et (122c) sont des sujets sémantiques.

(122) a. Quel dessin animé Maria a-t-elle vu aujourd’hui ?

b. A Maria, Fantasia n'a jamais plu.

c. Dans sa chambre se trouve une très grande poupée.

Selon l’approche de Jacobs de la prédication comme l’un des cas du prototype du thème, nous pouvons considérer à Maria en (122b) comme thème grâce à un simple test d’interrogation spécifiant la variante désigné par le focus (quel dessin animé. Cependant, en (122c) représentant une l’inversion locative, l’entité occupant la marge (qui est différente de à Maria) est analysée comme une construction à antitopique. De ce fait, il est évident de considérer le XP objet d’une interrogation dans une phrase interrogative participe à ce prototype au même titre qu'un XP extrait dans une phrase déclarative.

considérer (dans) sa chambre en (122c) comme un thème de phrase ; ce qui rend cette conclusion quelque peu paradoxale.

Ceci nous conduit à dire que le cas prototypique de la prédication tel que défini en (117), concerne bien des XP qui spécifient des thèmes que des XP qui ne spécifient pas des thèmes(cas de dans sa chambre en (122c).

De plus, la définition de la prédication en (117) peut s’appliquer aussi bien au sujet catégorique qu'au sujet thétique spécifié dans l’exemple asserté de Jacobs (Cf. exemple en note 181). En résumé, la définition donnée à la prédication par Jacobs reste peu convaincante concernant le contraste qui doit être opéré dans l’analyse entre (catégorique/thétique) introduit par le type de proposition.

Un autre fait important, à notre avis, est qu’au même titre que la séparation, la prédication ; Jacobs semble suivre le raisonnement de Molnár (1991: 183) sur le cas des adverbes topicalisés en Hangrois182, et n’exclu pas de la fonction topicale les adverbiaux, les spatiaux au même titre que les nominaux puisque, au sens de ses exemples analysés, la plupart des constructions topicales de l'allemand moderne n’excluent pas les adverbes en position topicale. Il justifie cela par le fait que, syntaxiquement, les adverbes de position peuvent être disloqués183. Il est cependant clair qu’une telle appréhension ne sépare pas entre position topicale occupée par une entité (qui relève de l’aspect organisationnel donc syntaxique) et la fonction topicale assurée par une entité (qui relève de la représentation sémantico-référentielle).

182

Molnár, V., 1991, p.183 cit in Jacobs,J., 2001, p.649

183

prédication, le seule critère pertinent pour Jacobs dans la spécification du thème est justement l’antéposition, c’est- à -dire la marge (le vorfeld).

1.3.2.3. L'ADRESSAGE

Jacobs qualifie le mécanisme de stockage analysé par Reinhart pour rendre compte de la notion d'à-propos pragmatique par la notion d'adressage. La raison de son bien fondé est que ni la séparation informationnelle ni la prédication ne sont en mesure de capter l’à-propos qui est intrinsèquement liée à la relation soutendue entre thème (topoic) et rhème (comment) car en réalité le commentaire est ce que l’on dit à propos du topic184. En ce sens, il considère la notion d’adressage sous la définition suivante :

(123) "In (X,Y), X is the address for Y iff X marks the point in the

speaker-hearer knowledge where the information carried by Y has to be stored at the moment of the utterance (X,Y)"185 .

Jacobs insiste sur le fait que seuls les GN référentiels marquant la connaissance partagée entre énonciateur et co-énonciateur peuvent fonctionner comme une adresse : "addressation is incompatible with nonspecific, quantified, and negative phrases"186

.

L’application de la définition (123) à la dislocation gauche qui admet des GN quantifiés universellement (124) et négativement (125) pousse à admettre que la

184 Jacobs J.,Op.cit., p.650

d'adressage du XP disloqué.

(124) a. Tous les épisodes de Dora, Maria les a vus et revus.

b. N’importe quel chanson de Dora, Maria la chante des heures et des heures.

c. Au début, chaque dessin animé, Maria le regarde pendant des heures.

(125) a. Aucun de ces dessins animés, Maria ne l'a vu.

b. Personne de ses copines, Maria n'en dit du mal. c. Rien de ce qui a été dit, tu ne l’oublierais.

D’autre part (123) suppose que, dans l’analyse, on devrait constater que les dislocations gauche mettant en jeu un GN quantifié universellement ou négativement se comportent discursivement de façon très différente des dislocations mettant en jeu un GN référentiel et, par conséquent, un thème et une fonction d'adressage.

Comme pour la dimension de prédication, la définition (123) ne prévoit qu'une seule adresse et s’avère présenter une insuffisance descriptive pour le cas d'occurrence de plusieurs XP disloqué (cf. (121) ci-dessus).

1.3.2.4. LECADRAGE

La dimension du cadrage correspond au dispositif de relativisation à une dimension mise en jeu dans l'évaluation des contenus propositionnels et à une restriction dans le domaine référentiel lié au cadre de l’assertion.

reality to which the proposition expressed by Y is restricted" 187.

Soit les deux illustrations suivantes:

(127) a. Financièrement, Adam se porte bien.

b. En cas de panique, ne restez pas dans l’immeuble.

Selon (126), la condition de vérité (i.e. the truth condition) d'une proposition dépend essentiellement du cadrage : en (127), la proposition selon laquelle Adam se porte bien n'est vraie que dans la dimension financière (il peut aller très mal sur d’autres plans physiquement, psychologiquement, etc.).

En ce sens, il est proposé d'analyser comme des thèmes de phrase les SP de lieu ou de temps antéposés (128a) ou les conditionnels (128c). Une vaste littérature sur les adverbiaux188 et les SP spatiaux189 a démontrée, cependant, que c'est précisément parce qu'ils mettent en jeu cette dimension de cadrage dans l’univers du discours. En d’autres termes, ils ont en commun la capacité d’introduire un point de vue du locuteur et de restreindre les conditions de vérité de la proposition et la capacité de description des entités référentielles que porte un énoncé.

187 ibid., p. 656

188

Cf. G. Gross & M. Piot eds.(1988), H. NØlke ed. (1990), D. Leeman ed. (1990), Charolles et Vigier ( 2005).

189

Cf. Haiman 1978, Combettes et Prévost 2001, Charolles 2003, Charolles et Péry-Woodley2006, Krifka 2006, Charolles et Vigier 2009.

b. Si Maria demande quoi que ce soit, je le lui achèterai.

L’approche de Jacobs souligne, cependant, que la perspective de cadrage introduite et analyse à partir de simples énoncés est applicable, aussi, pour un segment de texte. Elle contribue à définir ce segment comme unité et en quoi porte sa logique cohésive. La dimension cadrative, de ce fait, est valable pour une succession d’énoncés jusqu'au changement du domaine de référence qui est ici le cadre thématique.

L’articulation thème (topic)/ commentaire (comment) trouve, ici, son bien fondé dans la perspective du cadrage puisque celle-ci concerne d’une façon générale le fonctionnement du discours qui dépasse le seul cadre de la. Il faut, cependant, noter que la perspective de cadrage n’est pas automatiquement lié à l’antéposition et à la marge gauche de la phrase ; beaucoup de travaux ont signalé ce fait dans l’analyse des adverbiaux, des spatiaux et des circonstanciels et de leur topicalité190 (par exemple) qui ont comme vocation l’introduction du cadre thématique. Ainsi l’expression Juridiquement a le même effet de cadrage qu'elle se trouve à la marge gauche en extraposition ou pas comme le montre si bien l’exemple en (129).

(129) a. Juridiquement, ce genre d’aveu ne peut être recevable.

b. Ce genre d’aveu, juridiquement, ne peut être recevable. C. Ce genre d’aveux ne peut, juridiquement, être recevable.