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THEME/RHEME

5.6. ASSOCIATION AVEC LE FOCUS : ROOTH (1992)

Dans sa théorie "A theory of focus interpretation" ; Rooth (1992) introduit en linguistique le terme association avec le focus afin de rendre compte du phénomène de réalisation prosodique du focus et sa portée avec l’introduction de particules restrictives et/ou additives (en anglais) qu’il nommera par la suite Particules sensibles au focus PSF.

En effet, il emploie pour cette classe lexicale le terme particule pour souligner que ces unités peuvent appartenir à des catégories morphosyntaxiques différentes220. Du coup, il est largement admis dans la littérature formelle que la sémantique vériconditionnelle et/ou la pragmatique des PSF met en jeu la structure informationnelle (cf.§1 .3.4 ci-dessus). C’est même un des arguments essentiels pour faire entrer la structure informationnelle dans l’architecture de la grammaire. Au sens de Rooth l’association avec le focus regroupe tous les phénomènes qui mettent en jeu la valeur sémantique focale (the focus semantic value).

L’association avec le focus peut recouvrir les trois distinctions suivantes :

218 Cf. Vallduvi, E., 1992.

219 Cf. Marandin J.-M., 2005, op.cit.

220

entités différentes : elle peut se combiner syntaxiquement avec une entité A et sémantiquement avec une entité B faisant partie de A.

Dans l’exemple (148), la sémantique interprétative nous montre que parmi les interprétations possibles comme dans (148.b), la particule only se combine syntaxiquement avec le SV "introduce Bill to Sue" et sémantiquement avec Bill parce que dans cette interprétation cible la restriction opérée par only porte sémantiquement sur Bill et personne d’autre.

(148) a. Paul only introduced Bill to Sue

b. Paul n’a présenté à Sue que Bill et personne d’autres

2. Il a été remarqué que l’entité associée à une PSF est distinguée prosodiquement (saillante). En anglais, il est accentué. En (149), on a admis que l’associé de only porte le focus prosodique.

(149) a. Paul only introduced BILL to Sue

b. Paul only introduced Bill to SUE

L’interprétation de énoncé (149a) peut être paraphrasée par (150a) et celle de (149b) par (150b). On notera que, dans ce cas, les conditions de vérité de (149a) et (149b) sont distinctes. (149a) est fausse, alors que (149b) est vraie, dans une situation où Paul a présenté Bill et Georges à Sue.

(150) a i. Posé : Paul n’a présenté personne d'autre que Bill à Sue

ii. Présupposé: Paul a présenté Bill à Sue

ii. Présupposé : Paul a présenté Bill à Sue

L’examen de la distinction prosodique est, donc, le seul mécanisme permettant de lever les ambigüités et rendre pertinente la distinction entre la combinatoire syntaxique et la combinatoire sémantique.

3. L’approche de la sémantique interprétative des faits observés dans le fonctionnement des PSF met en claire la partition fond-focus/présupposition sur la base du marquage prosodique et/ou de l’interprétation.

a. Dans le premier cas, Jackendoff spécifie que: « l’interprétation de mots even, only, et just est intimement lié au focus et à la présupposition»221. on s’appuie, donc, sur le processus de marquage prosodique (en anglais) pour redre compte que la sémantique des PSF implique, dans l’analyse, une partition fond-focus.

b. Dans le deuxième cas, on constate que l’interprétation des PSF met en jeu un ensemble d’alternatives. Par exemple, l’interprétation de only dans (149a), telle qu'elle est explicitée dans (150a), met en jeu un ensemble d’alternatives à Bill (les autres personnes que Bill qui auraient pu être présentées à Sue). Si on admet que la sémantique du focus informationnel met en jeu un ensemble d’alternatives, alors on peut admettre que la partition fond-focus et l'association avec le focus mettent en jeu les mêmes mécanismes d’interprétation sémantique222.

221

Jackendoff, R., 1972, p.247

Dans ce chapitre nous avons présenté un état descriptif des notions de base thème rhème, topic, focus, …etc. L’examen de ces notions à travers plusieurs perspectives d’analyse et modèles linguistiques nous a montré que celles-ci, engendrent plusieurs lectures et peuvent rendre compte de plusieurs fait linguistiquement distincts ce qui leur confère un statut multidimensionnel, d’autre part ce qui justifie le caractère conflictuel qu’elles laissent transparaitre si l’on ne sépare pas le cadre d’analyse (syntaxique, logico-sémantique, cognitif, pragmatique, …etc.) ainsi que le modèle d’approche. De ce fait, réduire l’aspect conflictuel qui entoure ces notions, en linguistique générale, revient à définir le cadre d’approche théorique, de préciser et de cerner avec pertinence la nuance entre les différentes conceptions qui se superposent mais qui rendent comptes chacun d’une réalité linguistique différenciable sur le plan d’analyse théorique.

Par ailleurs, nous avons exposé quatre superpositions, la plus répandue étant celle entre thème/rhème et information ancienne/information nouvelle. Elle paraît évidente à première vue : le thème étant défini comme « ce dont quelque chose est affirmé » et le rhème « ce qui est affirmé du thème », nous pouvons facilement admettre que sujet et thème peuvent coïncider, ainsi que rhème et prédicat. Les appellations données initialement, à savoir pour thème et rhème respectivement, de « sujet psychologique » et « prédicat psychologique » paraissent très significatives malgré qu’ils ne rendent pas comptes des dimensions cognitive et discursive.

En guise de résumé, nous pouvons considérer l’outil notionnel de thème sur deux plans distincts (formel hiérarchique et cognitif discursif) :

position initiale (le plus à gauche) d’un énoncé, il peut être séparé du reste de l’énoncé par une pause (une virgule à l’écrit ou un autre signe de ponctuation) ; il peut être, aussi, mis en valeur par des particules cadratives dites de thématisation et/ou par des moules prédicatifs.

II. Du point de vue cognitif discursif, le thème est considéré comme étant le sujet psychologique "ce dont on parle", " ce dont il est question". Il est la base de la prédication il en est le support (puisqu’il supporte les différentes informations s’y afférent, pouvant être introduite et/ou (ré)activées dans l’univers discursif). Il représente le point de repérage et d’ancrage qui gèrent un domaine notionnel. Il est par ailleurs, « ce qui est connu » : le topique, c'est-à-dire la partie de l’ensemble des connaissances partagées entre énonciateur et co-énonciateur, il est aussi « ce qui est donné » : le fond commun informatif qui fait partie des quelques éléments que le locuteur suppose présent à l’esprit du co-énonciateur et qui peut être activé ou non selon les jugements intersubjectif.

Il apparait claire que la distinction entre les différentes superpositions thème/rhème, topique/commentaire, donné/nouveau, information ancienne/information connue n’est pas essentiellement catégorielle mais dépend entièrement du point de vue d’analyse et du cadre théorique d’approche (syntaxe, discours, SI, etc…)

La spécification de ses superpositions, et la pertinence de ses converses sont entièrement conditionnées par les mécanismes mis en œuvre dans le cadre des opérations de thématisation (topicalisation) et de rhématisation (focalisation) qui varient et se diversifient d’une langue à une autre et d’un dialecte à un autre.

CHAPITRE 3.

MECANISMES DE THEMATISATION (TOPICALISATION)