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La population pathologique, études de cas

Pour étudier la grammaire du sujet, il nous semblait nécessaire de rencontrer des individus ayant réfléchi à la question dans le cadre d’une thérapie du langage. Idéalement, il aurait fallu rencontrer ces ados bien plus qu’une fois ou deux et bien plus longuement pour que se déploie, au sein d’une relation inédite entre nous et l’ado, toute l’étendue de leur rapport à la langue.

Les conditions de notre étude nous ont quand même permis de rencontrer par deux fois, et durant au moins 1h, 5 adolescents suivis en orthophonie. Procédons à une rapide présentation.

Olivier :

Olivier a 14 ans, il est suivi en orthophonie depuis le CP de manière intermittente. Sa maman change à chaque fois d’orthophoniste (« il les épuise »). Lorsque nous l’avons rencontré en Novembre 2009, il poursuivait sa seconde année avec son orthophoniste, il est en 4e. Il nous a été présenté comme un jeune garçon « difficile » dont l’aspect physique fluet, fragile, petit, contrastait avec son côté rebelle et provocateur. Il vivait seul avec sa mère, ne connaissait pas son père. Sa maman était très en difficulté avec lui, il se faisait régulièrement coller, renvoyer du collège.

L’orthophoniste comme la maman ont souligné son intelligence. Son bilan de renouvellement daté de juin 2009 montrait une dyslexie dysorthographie mixte avec une lecture rapide et peu efficace.

106 laconiques sans liaisons entre ses idées (l’épreuve du « café-caisse » montre une absence de liens sémantiques entre les différentes images qui sont décrites une à une).

Lors de nos rencontres, il nous a paru plutôt sympathique, assez peu bavard, gesticulant sur sa chaise. Il n’a montré aucune opposition à répondre à nos épreuves mais ne nous a pas donné beaucoup matière à discussion répondant brièvement à toutes nos interrogations et manifestant son envie de partir (« ça finit quand ? »).

Leila :

Leila n’avait pas tout à fait 14 ans lors de notre première rencontre, elle est en 4e. Elle est suivie en orthophonie pour troubles du langage écrit. Elle fait très jeune, elle semble douce et gentille, mais a un caractère bien trempé !

C’est une adolescente qui aime écrire et rédige actuellement un roman sous son pseudonyme « Leila ». Elle le fait régulièrement lire à son orthophoniste pour travailler la mise en forme, les tournures phrastiques et l’orthographe.

Elle nous a proposé un très joli texte pour notre proposition d’écriture, plein de subtilités et d’humour. Sa maman a cependant tenu à corriger les fautes, Leila était- elle d’accord ? « pas eu l ‘choix » me dit-elle avec un haussement d’épaules.

Nous avons eu l’occasion de discuter un petit moment et de mettre au propre ensemble un de ses textes intitulé « comment obtenir les meilleures notes possibles en

travaillant le moins possible ? » (texte en annexe)… Cette petite a décidément tout

compris.

Ali

Ah Ali, quel séducteur !

Dès notre première rencontre qui fut téléphonique, Ali m’annonce qu’il va m’intéresser ! Quelle clairvoyance !

Ali aura 15 ans le 19 avril, il est en troisième. Il est issu d’une famille d’origine mixte ; sa maman est française et son papa tunisien. Il vient d’un milieu socioculturel plutôt élevé. Il a déjà fait un beau parcours avec son orthophoniste, a fait de sérieux progrès au collège mais continue de faire des fautes d’orthographe. « C’est une partie

107 de moi-même » me dira-t-il ! Il aime se placer en savant, m’apprend dans la salle d’attente la signification en français de l’expression arabe « apipré » ( =à peu près !). Il ne tarit pas d’éloges sur son orthophoniste qui est « comme un dictionnaire ». Il nous apprendra plus tard que s’il ne fait plus de fautes, il craint de ne plus la voir…

Morgane

Morgane a 14 ans et demi lors de notre première rencontre, elle est en troisième. Elle est suivie par son orthophoniste depuis près de 2ans et avait entrepris une première rééducation avec un collègue quelques mois auparavant avant de l’interrompre. La relation avec son orthophoniste actuelle étant plus favorable au travail.

Lors de son bilan de renouvellement, son orthophoniste soulignait des troubles développementaux du langage oral et écrit. Ses troubles du langage oral portaient essentiellement sur les structures complexes.

Elle présente une dysorthographie par atteinte de la voie d’adressage avec quelques difficultés phonologiques électives notamment sur le son g. Ses erreurs sont dites « de mécanismes de lecture » et portant sur les règles grammaticales.

Morgane présente aussi une dyslexie caractérisée par une grande lenteur de lecture et une mauvaise compréhension des textes longs et complexes.

Morgane aime le travail scolaire, demande à faire « des fiches », des dictées, des jeux d’écriture. Elle ne peut cependant pas écrire sans être dirigée et a des difficultés à laisser s’exprimer son imaginaire.

Elle « plaque » ses écrits sur des scénari de films ou ses lectures. Elle est très productive…En témoigne l’épaisseur de son dossier !

Elle sera celle qui écrira le texte le plus long de notre étude.

Magalie

Magalie a 14 ans et est en 4e. C'est une grande et jolie jeune fille, assez timide, cachée derrière ses lunettes et ses longs cheveux bruns. Elle est suivie en orthophonie depuis presque 2ans pour troubles du langage écrit.

108 Magalie nous a été présentée comme une ado très productive aussi, habituée aux propositions d’écritures, ayant fait de gros progrès en orthographe, se livrant à des séances d’écriture riches et intéressantes avec son orthophoniste. Nous avons pu jeter un œil sur ses productions en séances qui nous laissaient présager un corpus

conséquent pour notre étude… Mais elle n’écrira que deux phrases pour notre proposition d’écriture !

Quelle déception ! et quel étonnement pour nous et son orthophoniste !

Lors de la présentation de notre travail, elle semblait enthousiaste et prête à coopérer. Puis à la lecture de notre proposition d’écriture, elle se disait « pas

inspirée ». Devant son refus initial, nous avons proposé un autre incipit de roman qui l’inspirerait peut-être davantage.

Sans plus de succès (elle écrira deux lignes). Lors de la présentation de notre questionnaire, elle demandera immédiatement s’il était obligatoire de répondre à tout…

Elle n’avait pas envie d’écrire pour nous, sous nos yeux, c’était manifeste. Elle échangeait des sourires complices avec son orthophoniste.

La relation transférentielle entre elle et son thérapeute s’est ainsi révélée. Elle a permis à Magalie d’améliorer son rapport à l’écrit, mais l’orthophoniste a pu ainsi voir qu’il était nécessaire à présent de s’en affranchir pour lui permettre une autonomie dans l’écriture.

I.C.2 Modalités de passation

La présentation de notre recherche, la