• Aucun résultat trouvé

Hypothèses étiologiques

Différents courants ont tenté de définir les causes incriminées dans les troubles du développement du langage écrit. Nous allons distinguer trois courants essentiels : le courant neurologique, organiciste, le courant instrumentaliste et le courant

relationnel.

*Courant neurologique

Certains neurologues comme MORGAN ou JORM s’accordent à dire que l’origine de la dyslexie/dysorthographie serait héréditaire ou neurologique

(constitutionnelle).

Le point de départ se trouve dans les études effectuées sur les adultes

alexiques. Conformément aux positions localisationnistes en vigueur à cette époque, le siège de la lésion cérébrale est considéré comme le centre de la fonction perturbée. On postule alors l’existence d’un « centre de la lecture ».

I.LIBERMANN28 parle en 1970 de « minimal brain damage », le professeur DEBRAY-RITZEN s’en fait l’écho en France. Cette appellation, tout en maintenant l’origine cérébrale, n’en affirme pas le postulat lésionnel. Le concept de MBD se traduit alors en « minimal brain dysfonction », la lésion n’ayant pu être localisée.

Le concept de MDB regroupe les cas de dysfonctionnements cérébraux minimes hypothétiques considérés comme consécutifs à des événements fort divers de l’histoire de l’enfant tel que la prématurité, les difficultés à l’accouchement, les traumatismes crâniens, les épilepsies précoces… 29

28 I. LIBERMANN cité par J. FIJALKOW in Mauvais lecteurs, pourquoi ?, Paris, 1986, Editions PUF 29 J. FIJALKOW, Mauvais lecteurs, pourquoi ?, Paris, 1986, Editions PUF

53 Pour certains neurologues, c’est un syndrome déterminé génétiquement sur lequel les facteurs environnementaux n’auraient aucune influence.

De nombreux travaux expérimentaux ont été menés.

HALLGREEN30 a dénombré 89% d’antécédents familiaux dans une population de 160 dyslexiques appartenant à 116 familles suédoises. Il a ainsi affirmé l’existence d’une dyslexie-dysorthographie spécifique héréditaire avec un mode de transmission autosomique dominant, indépendant de facteurs environnementaux.

*Point de vue instrumentaliste

Il attribue les troubles à deux causes :

-Un déficit des fonctions instrumentales avec des troubles de discrimination auditive et visuelle ou des fautes de perception auditive et visuelle en dehors de tout trouble de l’ouïe ou de la vue, les troubles d’orientation dans l’espace et le temps.

-Un déficit de la fonction de symbolisation.

Suzanne BOREL-MAISONNY31 a développé cette conception à partir de 1953. Selon elle, « il s’agit avant tout d’un problème de perception du langage et de la pensée, ces enfants ne comprennent pas la langue qu’ils doivent écrire ; il y a dans leur pensée de telles lacunes qu’il est vain de leur faire aborder les disciplines de la langue écrite sans combler les dites lacunes, parce qu’ils ont des difficultés

perceptives telles qu’ils annihilent tout travail de construction sur des bases aussi incertaines. »

Pour apprendre à lire et à écrire, l’enfant doit être capable d’établir des rapports phonético-graphique et grapho-phonétique entre les deux systèmes, celui des sons

30HALLGREEN cité par M. FRUMHOLZ in Ecriture et orthophonie, coll.Exploration,

1997. Bern

54 (phonèmes) et celui des lettres (graphèmes). Il doit être capable de reconnaître la succession des lettres dans les mots écrits et des sons dans les mots entendus puis la succession des mots dans les phrases à l’oral comme à l’écrit.

Les repères dans le temps et dans l’espace doivent être bien établis, la latéralisation stabilisée, le schéma corporel acquis et un bon langage oral sont des conditions nécessaires à la discrimination de sons et des lettres.

*Point de vue relationnel

Les thérapies spécialisées du langage sont le fruit de la conceptualisation d’une approche relationnelle des troubles du langage.

Il a été notamment formalisé par C.Chassagny32 puis par les membres de l’IPERS (Institut Pédagogique d'Enseignement Rééducatif Spécialisé) dans L’echec en

écriture, comment y répondre ?.

Le courant relationnel définit la dyslexie comme « le symptôme d‘un trouble de la communication » ou « trouble de la symbolisation ». Il y a une impossibilité de se prêter au champ symbolique de l’adulte, de percevoir les différentes formes du signe écrit et de les interpréter. La langue dépend d’une certaine organisation de l’univers perçu par l’enfant au cours de son développement.

Si cette évolution est trop "cahotique", l’enfant peut manquer de repères symboliques permettant son inscription dans un langage écrit signifiant à la fois pour lui et pour l’autre.

Cette notion d’altérité (développée ultérieurement dans notre travail), constitue l’un des fondements essentiels de la technique des associations de C.Chassagny.

Un autre fondement est de considérer le mot à la fois comme une élaboration perceptive et conceptuelle. Ainsi les erreurs sont considérées comme les

caractéristiques du processus de symbolisation, mais également comme des indices des processus d’appropriation de la langue, du positionnement du sujet dans le processus de symbolisation.

55 Chez les sujets dysorthographiques, les mots sont soit artificiels, extérieurs, sans vie, soit ils sont surchargés d’affects et se prêtent à des déformations de toutes sortes (phonologiques, sémantiques…)

Ils rejoignent en cela les mots de la toute petite enfance (la « Lalangue » de Lacan)

Les orthophonistes du courant PRL appréhendent le symptôme de façon à la réinscrire dans une chaîne signifiante symbolique. Cette démarche aura pour but d’éviter de se focaliser sur le symptôme afin d ‘éviter une fixation ou un déplacement de celui-ci.

Le trouble du langage doit être reconnu comme faisant symptôme. Et ajoutons que le symptôme doit aussi être reconnu comme un mode de communication. Au travers du symptôme, un échange s’établit avec l’autre, échange d’autant plus paradoxal qu’il emprunte le canal linguistique !

C.Chassagny ne rejette pas le fait que la dysorthographie et la dyslexie puissent être des troubles instrumentaux, mais ils seraient aussi dus à une difficulté relationnelle plus large qui serait le symptôme d’un mal-être , le signe d’une inscription symbolique problématique. C’est dans cette conception que notre travail de recherche s’inscrit.

La « rééducation » orthophonique est ici envisagée en fonction de ce que l’enfant nous apporte de lui-même lors de nos échanges qui sont plus sur le mode de la rencontre que sur le mode d’une relation hiérarchique.