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3)Le changement de statut : « tu quitteras ton père et ta mère »

Cette injonction de la Bible assure la mise en œuvre des interdits de l’inceste et du parricide, la nécessiité d’orienter ses désirs et pulsions en dehors du cercle familial. L’avenir de l’adolescent se situe en dehors du cercle familial d’origine.

Nous sommes actuellement confrontés à un paradoxe ; les adolescents sont de plus en plus poussés vers l’autonomisation, la responsabilisation, la quête de la

réussite sociale dès le plus jeune âge, mais ils restent de plus en plus longtemps

88 dépendants matériellement et financièrement de leurs parents. Perdu entre ces

allégations contradictoires, l’adolescent peut éprouver des difficultés à se construire en tant qu’adulte.

4) Le changement des attitudes

À l’adolescence, le sujet change plus ou moins radicalement, ce peut être déroutant pour l’entourage. Ces changements s’opèrent sur le style vestimentaire, des goûts musicaux plus exclusifs (désir d’originalité) et le désir d’intégrer un groupe a l’image de ce changement d’apparence.

Les adolescents ont la banalité en horreur que ce soit dans leur face

individuelle ou dans leur face sociale ; ils nourrissent une révolte à l’égard des adultes, de l’autorité, des systèmes de valeur et des idées reçues.

L’adolescent tend à modifier ses relations avec son entourage proche. Il y a alors une nécessité de distance physique (plus de bisous, surtout devant les copains, extrême pudeur, cherche à s’isoler de la famille…) entre l’ado et ses parents. Une sorte de défense contre un sentiment d’intrusion, de promiscuité permanente qui devient plus ou moins pénible.

L’ado a aussi tendance à avoir des conduites d’opposition et particulièrement avec les personnes à qui il est le plus attaché. On peut aussi observer des conduites d’autosabordement : échec scolaire volontaire pour être perçu comme un rebelle par ses camarades, école buissonnière, conduites addictives…

Il peut arriver encore qu’il y ait des passages à l’acte comme mode

d’expression des conflits et des angoisses chez les adolescents (agressivité, vol…)

III.A.2 Adolescence et problématique de l’identité

Le sentiment de continuité de soi, d’identité est alors mis en péril. Une fragilité narcissique s’insinue; dans le meilleur des cas, ce questionnement narcissique stimule la symbolisation et la créativité. Sinon on peut assister à l’organisation d’un « faux-

self »53de la personnalité et un risque d’entrée dans la pathologie.

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III.B Etre et s’écrire à l’adolescence

Si écrire devient corvée, objet évalué quantifié, quand écrire ne devient plus que message informatif, rapport et compte-rendu, si écrire n’est plus un plaisir, comment l’écriture se peut-elle se porter auprès de nos ados ? Langage SMS, MSN, Facebook, twitter… Abréviations de connaisseurs et smileys pour exprimer l’indicible, un langage dont l’adulte, novice en nouvelles technologies, est exclu, un langage qui n’a pas non plus sa place sur les bancs du collège.

Quand on demande à un ado à quoi sert l’écriture, les réponses font souvent référence au monde scolaire et aux apprentissages plus qu’à l’expression et au plaisir littéraires de l’écriture.

Pourtant écrire n’est pas que travail bien fait, notation, conjugaison et grammaire…

L’écriture est une activité qui mobilise autant qu’elle révèle l’individu dans sa dimension affective et singulière. Écrire c’est se dire, se dévoiler, montrer ses émotions, ses conflits, ses désirs… D’une certaine manière.

Si écrire c’est se dire, c’est que chaque scripteur est unique, se distingue des autres, son écriture est singulière et personnelle.

Le rapport du sujet à l’écriture peut se questionner de plusieurs manières. Tout d’abord ; quel est le compromis qui existerait entre expression de la subjectivité et acceptation du code contraint. Ensuite, l’écriture d’un sujet peut-elle être traitée de manière autonome ou bien n’est elle qu’un aspect du rapport du sujet au monde ?

la notion de self en psychologie. Il distinguait le vrai et le faux self :

-Le vrai self : L'individu dispose de ses mouvements psychiques (c'est la "réalisation de soi"). 
 -Le faux self : L'individu s'adapte à l'environnement. il agit "pour plaire", sous la

contrainte.L'individu qui agit ainsi peut y prendre du plaisir tout de même : "on fait plaisir, alors ça fait plaisir". le faux self provient des rapports établis avec le monde extérieur. Il permet d'exister aux yeux des autres.

90 À l’adolescence, le rapport au monde est bouleversé, nouveau, étrange et violent parfois. Comment l’écriture ne pourrait-elle être épargnée par cette tornade qu’est l’adolescence ?

 Oser se dire : du Sujet à l’écriture

“ La langue n’est ni réactionnaire, ni progressiste.

Elle est tout simplement fasciste, car le fascisme, ce

n’est pas d’empêcher de dire, c’est d’obliger à dire. ”

Roland Barthes

L’écriture peut être un moyen de se dire selon différentes modalités : ce que l’auteur choisit de dire, de dire, et comment il le dit.

Dans le cas du journal intime, Ph. Lejeune 54 a donné à voir l’importance de l’usage de l’écriture pour se dire (exprimer ses projets, son quotidien, sa

personnalité…). Dans ce type d’écrit, la présence du sujet prédomine tant dans la narration que dans la nature textuelle est à prendre en compte. Mais le journal intime n’est cependant pas un lieu d’expression « pure » de la personnalité du sujet.

On écrit pour soi et pour un autre destinataire fictif, un « cher journal » qui nous comprendrait, on donne donc une certaine image de soi. Et puis le journal est aussi le lieu de la rencontre entre le sujet, son imaginaire et son écriture, ses contraintes.

Les fautes (cf. « le statut de l’erreur »), la (dys)graphie personnelle, sont aussi des moyens de s’exprimer, de se distinguer, de se définir (« je suis celui qui écrit comme un docteur, je suis celle qui ne met pas d’accent… »).

Nous avons rencontré un ado, François, qui m’avait dit ne pas vouloir corriger toutes les fautes de son texte « parce que sinon ce ne serait plus moi ! ».

54 Philippe LEJEUNE et Catherine BOGAERT, le journal intime, histoire et anthologie. Edition

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