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INTERACTIONS LOCALES

3. La phase de désengagement

Le 17 février 2009 sonne la fin officielle de la R.A.P. dans les deux arrondissements. C’est au cours de la réunion de fin de convention qu’a lieu le bilan des trois années de travail. Elle réunit les trois chercheurs seniors et trois membres de chaque G.I.C. La réunion débute par la prière du chercheur V., se poursuit par la présentation de chaque participant, une synthèse des différents collectifs et s’achève par les perspectives de consolidation des acquis. Le bilan émis par le G.I.C. P.E.P.I.S.A. révèle qu’il y a bien eu livraison des alevins au G.I.C. C.O.P.I.F.O.P.E.M. Ses membres font face également à des vols dans leurs étangs. Un désenchantement de plus, l’un des étudiants chercheurs ayant travaillé à Santchou s’est présenté à la compétition d’un comice agro-pastoral avec les alevins de Santchou. Le délégué du G.I.C. parle alors de concurrence. Ils expriment également leur incompréhension au sujet du retrait de la motopompe alors qu’ils pensent avoir respecté la convention d’utilisation de celle-ci.

C’est au tour du G.I.C. C.O.P.I.F.O.P.E.M. de faire un bilan de ces trois ans d’activités. Le délégué du G.I.C. dit qu’ils ont dû chercher leurs alevins à Foumban et Lélem et qu’ils sont déçus de la négociation au sujet des alevins avec le G.I.C. P.E.P.I.S.A. Le problème du manque d’alevins est toujours présent. Le délégué de C.O.P.I.F.O.P.E.M. précise l’acquisition réelle de nouvelles techniques piscicoles qui ont permis de faire progresser l’activité, mais il exprime les difficultés rencontrées concernant les aspects organisationnels du G.I.C. Il demande encore des financements pour faire progresser l’activité.

C’est au tour du chercheur H. de s’exprimer. Il regrette alors de s’être concentré dès le départ sur les aspects techniques de l’activité en laissant un peu les aspects organisationnels et sociologiques de côté. Il remarque également une avancée positive pour la pisciculture à Fokoué, puisqu’un manuel de pisciculture est en cours de rédaction et va être distribué aux producteurs. Les chercheurs ont mis le G.I.C. en contact avec d’autres projets, comme le programme d’Amélioration de la Compétitivité des Exploitations Familiales Agropastorales (A.C.E.F.A.) ainsi

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qu’un microprojet pour développer la carpe. Il annonce qu’un concours de pisciculture va être organisé prochainement. Il constate également qu’aucune sollicitation n’est venue du G.I.C. P.E.P.I.S.A., alors que le G.I.C. C.O.P.I.F.O.P.E.M l’a largement fait. Il traduit cela par un manque d’engagement de la part de P.E.P.I.S.A. Il regrette de ne pas avoir passé assez de temps à Santchou mais relève quand même un point positif, puisqu’un article a été rédigé sur la pisciculture à Santchou, et diffusé mondialement. Les chercheurs ont également rapproché les G.I.C. du programme A.C.E.F.A. et Moungo-Nkam. C’est une façon de faire connaître Santchou et peut-être, de les faire bénéficier de l’appui d’autres chercheurs ou organismes. Il constate également qu’il y a des difficultés en ce qui concerne la négociation des prix des alevins entre les deux G.I.C. et que le G.I.C. P.E.P.I.S.A. n’est pas parvenu à adopter le nouveau mode de stockage des alevins. Concernant la motopompe, il exprime également son incompréhension car le G.I.C. P.E.P.I.S.A. ne l’a pas réclamé aux chercheurs pour la récolte de la troisième année. Les deux autres chercheurs mettent l’accent sur le fait que c’est maintenant, aux deux G.I.C., de s’ouvrir aux acteurs extérieurs qui leur sont présentés depuis ces trois dernières années comme l’I.R.A.D., l’université de Dschang, ainsi que les autres projets.

Alors que la réunion de fin de convention annonce la fin officielle du partenariat entre les chercheurs et les producteurs, les activités de recherche dans les villages continuent avec la préparation du concours de pisciculture, ainsi que la préparation de l’atelier final du R.E.P.A.R.A.C. qui va se tenir au mois de juin.

Ma première venue au Cameroun s’est faite à ce moment-là, de mars à juin 2009. La proposition de recherche du C.I.R.A.D. était la suivante : « Pour concevoir ces nouveaux systèmes de production innovants, il faut associer les acteurs à l’ensemble du processus de conception, depuis l’identification des problèmes à la mise en œuvre des expérimentations et la mise en place des solutions » (cf. Annexe III : Proposition de thèse initiale) La R.A.P. était alors présentée comme un système de co-construction technique et

organisationnel innovant pouvant éventuellement répondre à « l’enjeu majeur pour la recherche agronomique aujourd’hui »77. La méthodologie proposée était celle de l’observation participante, de la conduite des entretiens et de la pratique de restitutions. Durant ce premier séjour, j’assiste à la mise en place du concours de pisciculture et prépare avec les producteurs de Santchou et de Fokoué une intervention pour l’atelier final.

77 Source : Annexe III.

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Le règlement du concours de pisciculture indique que le but recherché est d’évaluer la capacité des producteurs à réfléchir de façon autonome sur les principes de base de la pisciculture tout en s’appuyant sur les consignes compilées dans le manuel (cf. Annexe IX : Extraits du manuel de pisciculture). Les conditions de participation au concours reposent sur cinq critères techniques

tels que « posséder un étang d’au moins 200 m2 de surface localisé en dehors de raphias et à un endroit propre et ensoleillé »78. D’après ce document, des contrôles techniques sur la qualité de l’élevage vont être effectués tous les deux mois par un membre de l’équipe de recherche. Les vidanges sont prévues pour novembre 2009 et doivent être effectuées par les pisciculteurs sans la présence obligatoire de la recherche. À l’issue du concours, des prix vont être décernés aux pisciculteurs suivant des critères de qualités différents, par exemple, celui qui va obtenir le poids moyen le plus élevé va être récompensé par cinquante kilogrammes d’aliments complets pour le porc.

Alors que le désengagement des chercheurs du projet est officiellement signé par tous les acteurs, le chercheur H. décide de maintenir un lien avec les producteurs par le biais d’un concours de pisciculture.

Un an plus tard, lors de notre deuxième mission au Cameroun en 2010, le lien est encore présent entre le chercheur H. et les producteurs et se manifeste autour de la négociation de l’utilisation des dons qu’a décidé de faire le chercheur H. aux deux G.I.C. Aujourd’hui (2012), les dons ont été remis aux G.I.C. et les négociations ont été interrompues. Vraisemblablement, seul l’étudiant T., docteur depuis décembre 2011 et enseignant à l’université de Dschang, continue de rendre visite régulièrement aux producteurs du projet.

Ce récit du déroulement du projet, presque au jour le jour, permet de se familiariser sur les façons de faire des différents acteurs. Les aspects techniques sont abordés et leur déroulement chronologique permet aux non-pisciculteurs de comprendre quelques bases techniques de cette activité. Le plus pertinent dans cette partie est de voir de quelle façon est traité le problème des producteurs et de comprendre le passage de ce problème en question de recherche. D’ores et déjà, l’identification de quelques moments forts est possible, en particulier les dispositifs mis en place par l’équipe de recherche dans le but de traiter les problèmes techniques et organisationnels. Une description plus fine de ces dispositifs va être traitée dans les parties suivantes, dans le but d’en comprendre le processus et le déroulement.

78 Source : Littérature grise et documents de travail (Bogne Sadeu , 2009, « Avant projet de règlement portant sur l’organisation du concours du meilleur pisciculteur de Fokoué et Penka Michel »)

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- CHAPITRE V - La rencontre des acteurs