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Les données techniques sur les pratiques locales de pêche et de pisciculture

Extrait du journal de terrain

Lundi 23 mars 2009 « Rencontre avec un anthropologue camerounais »

Aujourd’hui, j’ai rencontré l’anthropologue camerounais dont le chercheur H. m’a tellement parlé ! J’ai discuté avec un anthropologue qui a travaillé sur les populations que j’étudie. Il m’a parlé des mythes des producteurs du village de Santchou (village situé en plaine). Il y a toute une tradition derrière la production du poisson qui est vraiment intéressante. Alors que, d’après ses dires, dans le village de Fokoué, sur les Hauts-Plateaux, les pisciculteurs se sont mis à cette pratique en pensant qu’elle allait leur rapporter beaucoup d’argent. Ce sont donc deux villages et deux cultures différentes qu’il faudra que j’étudie sur le terrain. Un étudiant du projet m’a même dit que les pisciculteurs de Fokoué avaient peur de l’eau alors qu’il est nécessaire, pour pêcher les poissons, de plonger dans les bassins jusqu’au ventre. Les producteurs de Fokoué sont en train d’apprendre leur métier, sans avoir hérité de leurs parents, ou si peu. En effet, la pisciculture à Fokoué a été intégrée par les Peace Corps, une O.N.G. américaine. Une Camerounaise m’a dit que le mot « Peace Corps » est employé par les camerounais pour définir simplement les Américains.

3. Les données techniques sur les pratiques locales de pêche et de pisciculture

L’exposé précédent montre que le projet de R.A.P. s’insère dans un contexte local très varié, malgré la proximité géographique des deux arrondissements concernés. Les différences culturelles qui opposent pratiquement ces deux sociétés sont accentuées par un milieu naturel totalement différent, spécifique à chaque localité. De ces facteurs culturels et naturels divers découlent des approches et des pratiques de la pisciculture qu’il convient de décrire pour comprendre les tenants et les aboutissants du déroulement du projet.

Fokoué est situé dans une région montagneuse où les cours d’eaux sont nombreux mais à faible débit. La plupart des étangs sont creusés par la main de l’homme dans les années 70, 80 et

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90 avec l’aide des Peace Corps13. L’objectif affiché de cette O.N.G. est à l’époque de développer la pisciculture afin que la population puisse se nourrir de poissons frais. D’après les producteurs, les Peace Corps ont surtout apporté un certain engouement pour l’activité piscicole par le don d’alevins, l’organisation de concours et de fêtes autour de cette activité. Les pisciculteurs sont également motivés dans leurs démarches par la capacité d’adaptation des jeunes américains qui ont passé quelques mois dans les villages, au sein des familles. Pour autant, les producteurs reconnaissent que la plupart ont abandonné les étangs construits par manque de rendements. La seule technique que les Peace Corps leur ont enseignée est la mise en place d’une compostière, c'est-à-dire un espace dans l’étang réservé au dépôt de déchets de cuisines servant à l’alimentation des poissons.

Photographie 3. Un producteur de Bamendou alimente sa compostière

13 Les Peace Corps appartiennent à une agence du gouvernement fédéral créée dans les années 1960 inspirée par le discours de John Fitzgerald Kennedy qui souhaitait des jeunes américains qu’ils « servent leur pays au nom de la paix en vivant et travaillant dans les pays en voie de développement ».

« Senator John F. Kennedy challenged students at the University of Michigan to serve their country in the cause of peace by living and working in developing countries » In http://www.peacecorps.gov.

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D’autres étangs sont créés par des producteurs qui ont voyagé ou vécu hors du village, et ont imité les pratiques de piscicultures observées, en particulier dans la région Centre Cameroun. Voici quelques témoignages de ces précurseurs :

« Mon mari et moi, on a fait la pisciculture à Yaoundé. Il a vu comment les gens font, et ça lui a plu. Il avait un ami là-bas qui avait des étangs. Ça lui faisait plaisir. Il a préféré venir dans son village [Fokoué] créer les choses comme ça. Il a créé dans les années 89. »14 (Productrice M.)

« Le père de mon premier fils travaillait dans la pisciculture. C’est lui qui a payé les gens à creuser ses étangs. Il travaille à la poste. Il a appris tout seul. Il a fait la formation de pisciculture avant de travailler à la poste. »15 (Productrice F.)

« Mon premier étang a été construit en 1994. […] L’idée est venue de moi-même, parce que j’ai eu l’idée à Douala, quand j’étais sur le bateau [il était mécanicien sur un bateau de pêche]. C’est là que quand je suis revenu au village, je me suis dis que je ne pouvais pas laisser. J’ai pensé, à mon niveau, que je pouvais essayer. »16 (Producteur T.)

À Fokoué, l’activité piscicole est une activité secondaire. D’après les témoignages ci-dessus, on se rend compte que les maris des productrices qui ont repris l’activité n’étaient pas dans le secteur agricole. L’un était commerçant, et l’autre postier. Le troisième producteur qui s’est engagé dans l’activité était mécanicien. Tous trois ont débuté l’activité piscicole comme une activité de « confort », c'est-à-dire sans attendre nécessairement des revenus. Dans le groupe de Fokoué, sur une quinzaine de pisciculteurs, seulement cinq avaient l’agriculture comme activité principale. D’autres étaient prêtres, infirmiers, chauffeurs ou encore professeurs.

Le G.I.C. des Pêcheurs et des Pisciculteurs de Santchou (P.E.P.I.S.A.) voit le jour à Santchou, un arrondissement situé dans la plaine en contrebas de Dschang. De nombreux cours d’eau - la Ménoua et le Nkam principalement - jalonnent cette plaine qui est inondée lors de la saison des pluies. C’est ainsi que des trous (Mbeuh dans la langue locale) ou étangs d’inondations17 ont été creusés par les ancêtres des Mbôs pour piéger les poissons lors du retrait des eaux d’inondation. À la saison sèche, ces poissons sont récoltés en écopant totalement les étangs à l’aide de seaux portés par la main d’œuvre familiale et « amicale ». Quant à la localité de Ngang (localité également concernée par le projet), elle bénéficie d’un site marécageux où des

14 Entretien formel et enregistré à Fokoué (Cameroun) en novembre 2010. 15 Entretien informel mené à Fotomena (Cameroun) entre mars et juin 2009. 16 Entretien formel enregistré à Fokoué (Cameroun) en octobre 2010.

17 Terminologie retenue par les chercheurs et les producteurs à l’issue du projet R.A.P.

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trous ont été creusés par les éléphants prenant leurs bains de boue. Ces étangs sont alors considérés comme un lieu de pêche libre d’accès au même titre que les rivières. Les pêcheurs de Santchou récoltent également le poisson directement dans les rivières par des techniques de pêche et des outils hérités de leurs parents mais constamment en évolution à cause de l’apparition et de la création de nouveaux matériels de pêche. Ils sont en général considérés comme des pêcheurs car la nature est ainsi faite que les alevins viennent seuls alimenter les étangs. Pourtant, force est de constater qu’un effort est fait pour aménager les étangs et accueillir les poissons dans les meilleures conditions afin d’obtenir une meilleure récolte. C’est en se basant sur ces pratiques traditionnelles18 que les chercheurs et les producteurs décident de considérer les pêcheurs de Santchou comme des pisciculteurs. D’autres habitants de Santchou ne pratiquent que la pêche en rivière, et d’autres se sont essayés à la pisciculture moderne telle que l’on peut la trouver à Fokoué/Penka-Michel (Vander Stuyft S. et Essomba J.M., 2005). Dans l’arrondissement de Santchou, on peut distinguer deux types de pisciculteurs. Les premiers ont des pratiques traditionnelles telles que décrites plus haut. D’autres se sont mis à la pisciculture plus tardivement et n’ont pas de pratique héritée de leurs parents. Leurs étangs ne fonctionnent pas tous par inondation et ces pisciculteurs doivent utiliser des techniques modernes, comme nourrir les poissons par exemple, chose qui ne s’est jamais faite traditionnellement.

18 Terme employé localement.

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Photographie 4. Vue sur la plaine des Mbô recouverte par les nuages

4. Évolution du C.I.R.A.D. et de sa conception de l’agronomie et du développement

Avant de traiter l’aspect fonctionnel de la démarche de R.A.P., il est primordial de comprendre sur quelle éthique elle repose, et en premier lieu, d’exposer la conception de l’agronomie et du développement par le principal acteur de notre projet - du moins l’institution dont font partie les principaux acteurs du projet qui nous intéresse - à savoir le C.I.R.A.D. Ceci permet de comprendre comment cette institution en est venue à adopter une telle démarche de recherche. L’ancêtre du C.I.R.A.D. naît entre 1941 et 1975 de la création de neuf instituts de recherches agricoles et tropicaux. Ces instituts fonctionnaient sous le statut associatif loi 1901 et se divisaient globalement par types de cultures :

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- Institut de Recherches pour les Huiles et Oléagineux (I.R.H.O.) - Institut de Recherche sur les Fruits et Agrumes (I.R.F.A.) - Institut de Recherche sur le Caoutchouc (I.R.C.A.)

- Institut d’Élevage et de Médecine Vétérinaire des pays Tropicaux (I.E.M.V.T.) - Le Centre Technique Forestier Tropical (C.T.F.T.)

- Institut de Recherches du Coton et des Textiles exotiques (I.R.C.T.) - Institut Français du Café, du Cacao et autres plantes stimulantes (I.F.C.C.)

- Institut de Recherches Agronomiques Tropicales et des cultures vivrières (I.R.A.T.)

- Le Centre d’Études et d’Expérimentation du Machinisme Agricole Tropical (C.E.E.M.A.T.) En 1958, les instituts se rassemblent au sein d’un comité de liaison des organismes de recherche agricole spécialisés outre-mer.

En 1968, le C.I.R.A.D., jusque-là institut de recherche agronomique en laboratoire, se tourne vers la recherche sur le terrain et compréhensive : une recherche systémique plus globale que la recherche par types de cultures, visant simplement à accroître les rendements. Cette idée paraît notamment dans les écrits du chercheur René Tourte, considéré comme l’un des précurseurs de ce mouvement compréhensif. Il est le premier directeur de l’ancêtre du département Environnement et Sociétés, département pluridisciplinaire qui allie sciences agronomiques et sciences humaines. Sur une note écrite à Bambey (Sénégal) en 1968, René Tourte fait part de son souhait d’ouverture et de compréhension des chercheurs agronomes aux milieux sociaux pour lesquels ils travaillent, car l’agronomie dit-il « implique une connaissance approfondie de ce milieu et de ses composantes édaphiques, techniques, économiques, humaines etc. et de leurs interactions, leurs jeux réciproques » (Tourte, 1968 : 1). Il ne rejette aucunement ce qu’il appelle « la création de connaissances isolées en laboratoire, en station, en champs d’essais, en classes… », mais la définit comme une première étape de la recherche, dont la deuxième est l’expérimentation « dans le milieu même d’application, par le manipulateur final, c'est-à-dire le paysan lui-même, sous la direction du créateur des modèles, le chercheur, et avec l’assistance de son conseiller naturel, le vulgarisateur » (op. cit. : 2). En prenant le cas de l’agronomie au Sénégal, il constate alors que la mission des chercheurs agronomes (le développement) est ralentie par la « médiocre connaissance des phénomènes socio-économiques du milieu rural de départ » (op. cit. : 3).

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C’est ainsi qu’il prône la pluridisciplinarité des équipes de recherche-développement qui, par leur isolement et leurs divergences d’idées, tendent à se stériliser.

En 1974, est créé le Groupement d’Étude et de Recherche pour le Développement de l’Agronomie Tropicale (G.E.R.D.A.T.), qui regroupe ces instituts. Elle est alors la forme la plus proche de l’actuel C.I.R.A.D. En 1980, se déploie ouvertement le mouvement des systèmes agraires qui part du principe que l’agronomie doit sortir des stations et faire de l’expérimentation chez les paysans19. C’est ainsi que les premières questions méthodologiques se posent concernant cette démarche : comment faut-il faire des essais chez les paysans ?

Le C.I.R.A.D. est alors créé en 1985 pour ne plus former que trois départements qui sont aujourd’hui :

- Systèmes biologiques

- Performances des systèmes de production et de transformation tropicaux - Environnements et sociétés

Les deux premiers départements sont encore à l’heure actuelle considérés comme des départements essentiellement techniques par certains chercheurs du C.I.R.A.D.

La première sociologue à être recrutée au C.I.R.A.D. arrive en 1987.

C’est dans les années 1990 qu’apparaît pour la première fois en France la Recherche-Action (R.A.) dans la recherche agronomique (I.N.R.A.-S.A.D.). En 1991, le département de recherche sur les Systèmes Agraires et le Développement (S.A.D.) de l’I.N.R.A. décide de mener une réflexion sur la R.A. au sein de l’agronomie. Le département lance à cet effet un groupe de recherche interdisciplinaire et interinstitutionnel dans le cadre d’une Action Incitative Programmée (A.I.P.) intitulée « pour une méthodologie de la recherche-action. Analyse des pratiques des chercheurs dans l’action ». Ce travail regroupe une trentaine de chercheurs de l’I.N.R.A., du

19 Ce terme est couramment employé localement, mais également par les chercheurs. Étant donné qu’il peut être perçu comme péjoratif - et en l’absence d’une recherche approfondie sur son utilisation - le terme « paysan » restera en italique lorsqu’il aura été utilisé par nos interlocuteurs.

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C.I.R.A.D., du G.R.E.T.20, du C.N.R.S. et des universités, sans compter les partenaires étrangers. Bien plus qu’une réflexion à mener sur la démarche de R.A., ces chercheurs veulent également légitimer cette démarche auprès de leur institution. « […] il nous apparaissait nécessaire d’élaborer, dans un institut comme l’I.N.R.A. (où prédominent les recherches expérimentales), une véritable stratégie de légitimation institutionnelle de la R.A. » (Albaladejo et Casabianca, 1997 : 7).

Mais cette révolution ne démarre pas seulement au sein des instituts de recherche agronomique. Elle se nourrit également de l’évolution de la société qui demande de plus en plus d’être renseignée face aux incertitudes qui concernent la santé et l’environnement, comme peut en témoigner l’ouvrage de Callon et al. (2001).

En 1999, des plants de riz O.G.M. cultivés dans les serres du C.I.R.A.D. en vue d’être introduits en Camargue sont renversés par José Bové qui était, à l’époque, militant et syndicaliste écologiste. Par la suite, un débat est lancé par des agronomes et généticiens de l’I.N.R.A., de l’I.R.D. et du C.I.R.A.D. défendant l’idée que la recherche doit s’ouvrir à la société. Une lettre ouverte adressée au Président de la République précise « […] la " Société Civile " doit être partie prenante des décisions concernant les objectifs et l’utilisation des résultats de la recherche […] Cette prise en compte représente ainsi une garantie de la qualité finale des recherche menées »21. Par ailleurs, une pétition soutenant cette idée est signée par 700 chercheurs des instituts de recherche agronomique pour le développement de Montpellier. Ce coup médiatique a un retentissement relativement important par la publication d’un article dans le journal « Le Monde » et le passage de l’événement au journal télévisé de 20h. En interne, une contre-pétition circule au sein du C.I.R.A.D., en particulier dans les départements techniques (Systèmes Biologiques et Performances des Systèmes de Production et de Transformation Tropicaux) dénonçant la difficulté pour les chercheurs de travailler et de valoriser la recherche végétale en France à cause des destructions régulières des expérimentations.

Le premier comité d’éthique du C.I.R.A.D. se déroule la même année et les questionnements portent alors sur le partenariat. En même temps, alors que le C.I.R.A.D. emprunte cette nouvelle voie plus compréhensive, le statut des chercheurs se modifie par la première évaluation de l’Agence d’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (A.E.R.E.S.) du C.I.R.A.D. en 2002. Il est alors demandé aux agents de l’institution, anciens ingénieurs et

20 Association sans but lucratif regroupant des professionnels du développement solidaire. Cette association est active dans plus d’une trentaine de pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique Latine (source : www.gret.org).

21 « Lettre ouverte au Président de la République des personnels de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur de Montpellier, pour la grâce de José Bové », diffusée en juillet 2003, archives personnelles d’un chercheur du C.I.R.A.D.

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techniciens pour le développement, d’augmenter le nombre de leurs publications scientifiques. Certains agents ne se reconnaissent pas dans ce statut de chercheur et ces nouvelles exigences ont des conséquences fortes par la suite.

En 2002-2003 le comité d’éthique du C.I.R.A.D. mène une seconde réflexion sur la « recherche participative » puisqu’il doit faire face progressivement à la remise en cause de ses valeurs éthiques, liées à son activité de développement. Effectivement, les modèles techniques et scientifiques expérimentaux ne s’adaptent pas facilement aux différentes situations locales. L’application de ces modèles sur le terrain pose également des problèmes éthiques concernant le positionnement des chercheurs en développement vis-à-vis des producteurs locaux. La question posée par le comité d’éthique du C.I.R.A.D. est la suivante : « Doit-on, peut-on, et comment associer les sociétés rurales, en particulier les plus pauvres, à l’élaboration et à la réalisation des actions de recherche les concernant ? »22. D’après le compte-rendu de ce comité, le C.I.R.A.D « de par son mandat de coopération et son statut d’établissement public à caractère industriel et commercial, est un organisme qui peut être qualifié d’ " interventionniste" »23 et qu’ainsi il doit réfléchir aux impacts de son intervention dans les pays du Sud. Dans ce même rapport, le comité reconnaît la pertinence d’impliquer les acteurs locaux dans le processus de recherche, mais que cette pratique de recherche participative manque de formalisation. Il conseille donc au C.I.R.A.D. de s’allier avec l’I.R.D. pour réfléchir autour de la démarche participative. D’après le comité, le C.I.R.A.D. reconnaît l’importance des savoirs locaux, mais n’a pas encore les outils pour les valoriser. Pour finir, le C.I.R.A.D doit s’impliquer à « moyen et long terme »24 auprès des populations en respectant leurs besoins prioritaires et leurs intérêts.

La genèse de cette thèse retracée dans l’introduction apparait dans un contexte complexe. Ce dernier repose en premier lieu sur des idées et des principes qui émanent principalement de la communauté scientifique, il s’agit ici de la R.A.P. Cette idée maîtresse, alors qu’elle est encore en pleine construction conceptuelle, se concrétise à travers son application au Cameroun et au Burkina Faso. L’intervention du C.I.R.A.D. au niveau de la localité qui nous intéresse s’est faite suivant les principes de la R.A.P. qui eux-mêmes émergent dans un contexte autre que celui dans lequel il sera testé. La situation locale au niveau des arrondissements de Fokoué/Penka-Michel et de Santchou est telle qu’elle nous permet de mettre en avant les points communs de l’application

22 « Avis du comité d’éthique du Cirad sur les conditions d’intervention auprès des sociétés rurales des pays du Sud », compte-rendu datant du 8 mars 2004, archives du C.I.R.A.D.

23 (op. cit. : 2). 24 (op. cit. : 3).

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de cette démarche de recherche dans deux contextes différents. La focalisation de notre travail sur ces localités nous permet également de décrypter les « petits mécanismes » par lesquels les acteurs (chercheurs, locaux, institutionnels etc.) réagissent face à l’application de la R.A.P. S’ajoute l’étude des mécanismes de la « grande machine » à travers l’analyse d’un partenariat institutionnel entre le C.I.R.A.D. et l’I.R.A.D.

Cette thèse a donc pour objet de mener une ébauche de réflexion sur les effets de la recherche, de l’action et du développement sur l’échelle microsociale. Pour ce faire, l’analyse se focalise sur un projet de développement en particulier, à partir de plusieurs angles d’approches différents. Cette diversité d’approches et d’outils nous permet de comprendre le projet de l’intérieur par ses jeux d’acteurs qui répondent aux enjeux locaux liés au développement. L’analyse permet également de comprendre le projet de l’extérieur, à travers la description de toutes les contraintes scientifiques, sociales et idéologiques qui pèsent sur ce type de projets. Mais bien plus qu’une simple analyse de projet, cette thèse contribue également à alimenter la réflexion sur l’anthropologie de l’action, et la posture du chercheur anthropologue face aux stratégies de développement et d’évaluation de projets.

La première partie de cette thèse expose le contexte très large de notre travail. Elle débutera par les théories scientifiques sur lesquelles repose l’idée de Recherche-Action en sciences sociales et du glissement progressif de ces théories vers une légitimation de l’intervention de la recherche sur le local. Nous décrirons également dans cette partie de quelle façon le C.I.R.A.D. mobilise et s’approprie ces théories, pour ensuite les appliquer concrètement sur le terrain au Cameroun. Dans cette même partie, figureront la problématique et la méthodologie de ce travail qui