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L’évolution du rôle de représentant au sein du CVS A.

2. La participation d’un représentant des usagers au CVS

L’Agence Régionale de Santé Nord-Pas-de-Calais, en partenariat avec la Commission spécialisée des droits des usagers de la CRSA, a mené de 2014 à 2016 une expérimentation sur la participation de représentants extérieurs aux établissements en Conseil de la Vie Sociale d’EHPAD. L’objectif était de renforcer la parole des usagers des EHPAD [44].

L’expérimentation et son bilan

Les représentants des usagers ont fait l’objet d’un appel à candidature auprès des associations de représentants des usagers agréées. Un cahier des charges concernant leur rôle a été défini. Sa mission était de venir en soutien aux membres élus du CVS en apportant son regard extérieur et complémentaire. Quatorze représentants d’usagers ont été sélectionnés pour siéger au sein de quatorze CVS d’établissements volontaires à titre consultatif. Le dispositif a été évalué par le biais de différents moyens : communication des comptes rendus des réunions, bilan d’expérience par le représentant des usagers, questionnaire de satisfaction auprès des membres du CVS. Cette expérimentation a reçu en 2013 le label « droit des usagers de la santé » par la commission droits des usagers de la CRSA [44].

Le bilan de l’expérience a permis de valoriser plusieurs points positifs. Tout d’abord, dans les EHPAD participant il existe une liberté de parole des membres du CVS et leurs avis sont pris en compte par les gestionnaires. De plus, cela a permis de mettre en lumière la

qualité des échanges de pratiques entre les établissements ainsi que la mutualisation des moyens existants [45]. La présence d’un représentant des usagers a permis aux élus de l’instance de faire preuve d’une plus grande liberté de parole et aux professionnels d’accentuer la transparence dont ils font preuve. De plus, cela a permis de démontrer le questionnement mené par les directions et les professionnels autour des préoccupations éthiques et de sécurité. Enfin, le représentant des usagers a pu apporter son regard extérieur sur les pratiques de l’établissement et proposer des solutions, parfois en rapportant les expériences des autres structures.

Il est important de souligner que le fait de choisir uniquement des établissements volontaires biaise inévitablement l’expérimentation car ceux-ci sont dans une démarche positive envers la participation des usagers. Dans l’éventualité où cette expérimentation serait généralisée, le bilan dressé ne serait pas nécessairement identique. En effet, l’ouverture de ce dispositif aux établissements rencontrant des problématiques avec le CVS pourrait avoir un apport bénéfique [46].

Dans le cadre de l’élaboration du deuxième Plan Régional de Santé (PRS 2) de la région Hauts-de-France, une concertation a eu lieu afin d’étendre l’expérimentation menée à d’autres établissements. Le PRS 2018-2023 mentionne l’objectif suivant : « Au-delà des instances prévues par la réglementation, l’association des usagers en amont et à la construction de l’ensemble des projets en établissement de santé, en établissements de santé et services médicosociaux ou en ambulatoire est favorisée par le développement de nouvelles formes de participation (participation d’associations agréées dans les conseils de vie sociale (CVS), représentation des usagers dans l’accompagnement à domicile et en ambulatoire….). » [47].

L’avis des directeurs d’établissement

Lors de l’enquête menée au cours de ce mémoire, j’ai également interrogé les directeurs d’établissement sur la possible mise en place de représentant des usagers au sein des CVS. Les avis sur ce dispositif divergent. Certains sont favorables à l’expérimentation considérant que cette personne pourrait être une ressource en apportant un regard extérieur sur les pratiques de l’établissement tout en aidant les résidents et les familles dans leur expression afin de dynamiser l’échange. Toutefois, ils soulignent le fait que la définition du rôle et des compétences du représentant des usagers est indispensable, cela passe notamment par le biais d’un cahier des charges complet.

En effet, pour les directeurs, le représentant des usagers doit avoir un minimum de connaissance concernant le domaine de l’accompagnement des personnes âgées au sein d’un EHPAD, et plus spécifiquement, sur le fonctionnement même de l’établissement au sein duquel il intervient. Certaines personnes interrogées insistent sur ce point en précisant que si le représentant ne connait pas l’établissement, son rôle et son avis ne seront pas pertinents. Ensuite, le représentant doit être particulièrement actif auprès des résidents qu’il représente, en prenant le temps d’échanger avec eux en dehors de l’instance afin de recueillir leurs attentes. Ce dernier point soulève ainsi la question du temps nécessaire et de la charge de travail pour représenter les usagers en EHPAD lorsque l’on est une personne extérieure à la structure, et ainsi, de la limite du bénévolat. Enfin, pour d’autres, nommer un représentant des usagers afin de représenter les résidents aurait une connotation péjorative, impactant l’estime de soi des résidents qui seraient considérer comme plus libres de s’exprimer par eux même. Il existe alors un risque de perdre la qualité de l’échange direct avec les résidents, et ainsi, la spontanéité des échanges. De surcroit, l’idée d’un représentant des usagers comme tiers neutre viendrait renforcer l’idée fausse de « tribunal entre l’établissement et les usagers ».

Conclusion

Les deux apports principaux du représentant des usagers sont donc l’apport d’une expertise extérieure ainsi qu’un possible rôle de médiation. Pour le premier, il apparait que le rôle d’expertise extérieure existe déjà au sein des CVS par le biais des représentants des familles qui ne vivent pas quotidiennement dans l’établissement et n’en connaissent pas les détails du fonctionnement le plus souvent. De plus, le représentant des usagers apporte certes son expertise extérieure, mais ne doit pas remplacer celle des résidents. En effet, ceux-ci restent indispensables aux réunions de l’instance.

Sur le second point, le rôle de médiation comme évoqué précédemment vient renforcer l’idée de conflit entre l’établissement et les usagers. Il est alors judicieux de s’interroger sur l’intérêt d’une présence d’un tiers neutre au sein du CVS. Lors d’une prochaine expérimentation, il serait intéressant d’interroger les élus sur ce point. De plus, ce rôle de médiation est déjà assuré par la personne qualifiée désignée par la loi 2002-2 comme médiateur en cas de conflit [48]. Toutefois, le représentant des usagers semble, pour les CVS ayant participé à l’expérimentation, favoriser et dynamiser la parole des usagers. Une expérimentation plus large, menée sur un plus grand nombre d’établissement, est nécessaire afin de juger de la pertinence de cette possibilité.

D’après M. CHEVRIER, membre de la commission spécialisée dans le domaine des droits des usagers, cette initiative contribue à la réflexion autour de la nécessité « d’ouvrir les CVS des EHPAD qui fonctionnent en vase clos » [46].

De plus, il est indispensable que les associations agréées forment et accompagnent des représentants habilités à intervenir dans le secteur médico-social, en s’appuyant notamment sur les professionnels du secteur. La procédure d’agrément d’associations représentant les usagers étant défini par le législateur, c’est alors à lui de définir une procédure d’agrément spécifique pour les représentants des usagers dans le secteur médico-social afin de répondre aux spécificités du secteur.

Finalement, il apparait nécessaire d’ouvrir le Conseil de la Vie Sociale vers l’extérieur afin de former et d’accompagner les élus des CVS à leurs fonctions afin qu’ils puissent disposer des éléments de base pour exercer plus facilement leur mandat dans de bonnes conditions.

L’ouverture du CVS vers l’extérieur