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3 - La parole des habitants dans le débat social local

Dans ce contexte grenoblois, quelle analyse les acteurs sociaux font-ils aujourd'hui de la situation de la ville, du fonctionnement de la démocratie locale, de l'émergence des paroles publiques des différents groupes sociaux, de la participation de ces groupes à la vie locale ? Comment s'organise, par exemple, la participation des habitants dans le contrat local de sécu-rité ? Comment se développent les discussions pour l'élaboration du contrat de ville ? Comment s'intègre la participation des habitants ?

La sécurité : un espace partageable ?Trois expérimentations

Trois éléments semblent structurer ces questions.

• Le “vivre ensemble“ apparaît comme un processus social de plus en plus conflictuel. Dans les interviews, on voit bien le clivage qu'il y a, par exemple, à être grenoblois et habitants de Tesseire, Mistral. On perçoit que cette cohabitation entre les groupes sociaux, les quartiers, les secteurs se traduit beaucoup plus par une balkanisation que par la participation à un pro-jet collectif. On observe un cloisonnement entre groupes et personnes d'origine différente, entre communautés ethniques, un autre selon les âges : les jeunes, les adultes, les personnes âgées, enfin un dernier selon les statuts sociaux : les actifs, les chômeurs, les retraités, etc. Ce “vivre ensemble“ apparaît comme un idéal repoussé très loin et qui ne se présente plus comme la pos-sibilité de participer ensemble à un projet collectif. Dans ce contexte, chacun - habitants, acteurs de terrain comme décideurs - vise à faire prévaloir un point de vue pour essayer de l'insérer dans le “vivre ensemble“. On est là, parce qu'on est là, mais on ne sait pas à quoi on participe et pour quoi faire ...

• La préoccupation qui s'affiche dans tous les discours des acteurs de terrain comme des habitants réside autour de la structuration, de l'organisation de la vie quotidienne dans le quar-tier, et se décline à travers une série de questions relatives aux règles de la vie commune, aux incivilités, aux usages des espaces collectifs, aux usages des espaces urbains, à la fatigue et au désarroi des adultes, au sentiment de peur et d'insécurité alimenté par les représailles, par les réactions de voisinage, par l'absence de sanction. Une autre préoccupation est aussi celle de l'image du quartier, du lieu où l'on vit, de sa configuration, de sa propreté, de sa considération. L'absence d'intervention publique sur cet espace, sur cet environnement qui subit l'usure du temps, suggère aux habitants l'idée d'être laissé de côté, d'être à part, de n'être pas pris en consi-dération.

• Etre reconnu, respecté, entendu, écouté, revient avec insistance dans les discours des acteurs, des habitants, des professionnels des quartiers ou des secteurs, chacun faisant valoir que la discussion locale et l'expérience acquise dans ce débat local créditent ces acteurs de ter-rain, ces habitants d'une certaine légitimité pour être les porte-parole des enjeux locaux, pour être les porte-parole de ces discussions qui fondent, qui structurent, qui alimentent l'espoir d'un certain nombre d'habitants. La reconnaissance de la parole des habitants n'est pas sim-plement la recherche d'une objectivité ou d'une rationalité dans le cadre du débat public local mais c'est l'investissement de la subjectivité de chacun dans les enjeux locaux. Comment l'his-toire locale fait sens et donne des perspectives aux uns et aux autres ?

L'ensemble de ces interrogations débouche alors sur d'autres questions : comment lit-on, analyse-t-on les enjeux de la ville aujourd'hui et quels en sont les problèmes prioritaires ?

L'affirmation d'une certaine stratégie municipale, la définition de repères politiques culti-vant les relations entre les différents groupes sociaux qui font Grenoble, alimentent la discus-sion mais interrogent aussi, mettent en cause la pertinence du débat avec les habitants.

Il semble qu'à Grenoble, le débat avec les habitants oscille en permanence entre un débat sur la démocratie locale institutionnalisée et l'émergence des tensions de quartier, traitées dans le cadre d'une éradication des symptômes.

Politique de la ville et participation des habitants Chap. 7 Quand on regarde un peu plus loin, quand on essaie de comprendre les enjeux, il me semble que Grenoble part d'un postulat : si l'on parvient à élaborer des modalités de démocra-tie locale, c'est qu'on cultive la parole des habitants au cœur même du processus institutionnel de démocratie locale. Mais cette utopie alimentée par des militants associatifs ou municipaux, contient trois supposés :

• Un projet politique unifié pour l'ensemble de la majorité municipale, c'estàdire, un dia -gnostic précis et partagé sur la situation de la ville.

• Une stratégie commune capable d'être assumée par les décideurs, les professionnels et les habitants.

• Des objectifs opérationnalisables et opérationnalisés, qui influencent et structurent la vie quotidienne des habitants, les modes de vie à l'intérieur de la ville et les rapports entre les groupes sociaux.

Aujourd'hui, la parole des habitants intervient de manière éparpillée, balkanisée, au même titre d'ailleurs que la parole des professionnels de terrain, et elle touche à la fois les manifesta-tions, les ambiances locales, “le mal vivre “, sans qu'il y ait des modes d'implication en la matière.

Quelques acteurs de terrain, quelques décideurs locaux sont conscients de ces difficultés intrinsèques à l'organisation de la ville et s'interrogent sur la conception même, le mode d'in-tervention d'une politique de la ville. Ils se demandent si, en définitive, la politique de la ville ne devrait pas être réorientée autour de la structuration urbaine d'une part, et de la démocra-tie locale, d'autre part.