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à une démarche citoyenne

Par Jean-Marc Ditcharry

Le récent développement des Contrats Locaux de Sécurité a suscité un certain nombre d’observations touchant aussi bien la forme de cette nouvelle procédure que son fond. Les Contrats Locaux de Sécurité ont pris appui sur des diagnostics la plupart du temps privilégiant essentiellement l’optimisation des dispositifs de sécurité gérés par les forces de Police et de Gendarmerie, en lien avec les procureurs.

Dans leur majorité, les Contrats Locaux de Sécurité consacrent la primauté du maintien de l’Ordre. Ils visent principalement à développer, pour le compte des forces de sécurité, des fonc-tions de détection, d’identification de la délinquance afin d’inciter la Justice et ses services à intervenir. Les acteurs de la prévention sont généralement invités à s’en tenir aux considéra-tions éducatives et sociales "attendues" (et classiquement entendues, par exemple au sein des Conseils Communaux de Prévention de la Délinquance) ou à jouer les auxiliaires.

Si les acteurs de l’éducatif et du social n’ont guère contribué à l’élaboration des Diagnostics, les habitants quant à eux ont rarement pu s’articuler à l’élaboration de diagnostics afin de peser sur les observations, les analyses et les propositions que d’autres acteurs auront pu décliner pour leur compte.

De fait, et quel que soit l’intérêt des diagnostics et des contrats locaux de sécurité, il est clair que les méthodologies d’élaboration ont rarement été vraiment "partagées" et a fortiori par les habitants.

L’hypothèse, qui introduit le travail d’expérimentation décrit ci-dessous, se fonde sur ces paradoxes : comment optimiser la cohérence de l’offre publique de sécurité sans remettre en question le mode et le champ de réflexion qui s’y articule ? Comment dépasser les représenta-tions ordinaires de l’insécurité telles que construites par chacun des acteurs sans mettre au débat ces représentations ? En quoi les multiples références à la citoyenneté, souvent exprimées sur un mode incantatoire pourraient-elles concrètement faire émerger un mode de gestion rénové de la sécurité, davantage en phase avec la réalité des quartiers ? En quoi le traitement partagé de l’insécurité ne pourrait-il pas inspirer de nouveaux modes d’expression démocra-tique là où les rapports de force semblent dicter repliements, souffrance et… insécurité !

La Délégation Interministérielle à la Ville a souhaité constituer un espace d’expérimenta-tion visant à observer et analyser les condid’expérimenta-tions d’une coproducd’expérimenta-tion en matière de sécurité et ce, à partir d’un débat public fondé sur l’initiative d’une parole d’habitant.

La constitution d’un espace de contradiction associant habitants, professionnels et référents politiques pouvait proposer un cadre adapté afin de mieux repérer l’intérêt, les limites et les conditions articulées à ce débat.

La sécurité : un espace partageable ?Trois expérimentations La Ville de Perpignan réunissait a priori des conditions intéressantes quant au développe-ment de la mission. D'une part, elle disposait à la fois de structures et d’une production avan-cée en matière de Prévention de la Délinquance (un Conseil Communal de Prévention de la Délinquance doté d’un animateur à temps plein, articulé à une Direction des Affaires Sociales et de la Jeunesse largement impliquée dans une dynamique très volontariste, une distribution de l’espace urbain en quartiers, une politique de la ville exigeante eu égard à des enjeux sociaux d’autant plus forts que les indicateurs de précarité "passaient au rouge" – Contrat de Ville / Zone Franche… – une démarche d’élaboration d’un Diagnostic Local de Sécurité débouchant sur la signature d’un Contrat Local de Sécurité…). D'autre part, un réel questionnement, y compris de la sphère politique, sur la consolidation d’un rapport de proximité dans la gestion des politiques publiques, était posé.

La proposition de la DIV fut très bien accueillie par la Ville, dans la mesure où l’ensemble des orientations politiques et administratives que les hommes politiques locaux adressaient à leurs techniciens traduisait à l’évidence une volonté de conférer "au mieux du possible" un sta-tut d’acteur responsable à l’habitant et de rompre avec des politiques d’assistance aliénantes. Néanmoins, si la position de la Ville semblait claire sur les principes d’action, son questionne-ment semblait large quant à leur définition opérationnelle : la participation citoyenne pouvait prendre toute sa place mais quelle place et à quelles conditions ?

Le choix du site (quartier Vernet Salanque) relève davantage d’une opportunité dans la mesure où l’expérimentation pouvait s’appuyer :

• Sur un groupe de techniciens impliqués sur le quartier et qui avait pris l’habitude de fonctionner en collectif institué.

• Sur un groupe d’habitants qui tentait de trouver ses marques autour d’une Maison de Quartier.

• Sur un contexte économique et social dégradé… mais où l’intervention sociale paraissait suffisamment étayée pour que des problématiques singulières se fassent jour.

• Sur un contexte où la sécurité des lieux, des personnes et des biens posait réellement problème.

Le quartier de Vernet Salanque se situe sur la zone franche de Perpignan et n’est guère " irrigué" vers la ville. Quelques routes traversent le territoire mais ne mènent "nulle part" si ce n’est vers la campagne et les champs environnants. Le cœur du quartier Vernet Salanque est constitué de 5 cités HLM regroupant 2537 habitants auquel s’ajoute également un habitat pavillonnaire plus récent La population des cités du quartier est composée principalement de personnes issues de l’immigration, notamment d’origine maghrébine. Douze nationalités sont représentées. Depuis peu, l’arrivée de familles gitanes venues des cités du nord de la ville déstabilise une population qui avait de fait trouvé sa cohérence, malgré quelques moments de confrontation inter-ethniques plutôt tendus.

Au titre des problèmes de sécurité, le quartier se caractérise par l’absence d’affrontements intergénérationnels, même si l’absence de passage à l’acte ne doit pas faire écran à la tension qui oppose souvent les jeunes à leurs aînés dans les halls d’immeuble et les cages d’escaliers. Quelques jeunes adultes aux comportements parfois violents semblent vouloir y faire régner leur propre loi et y développer divers trafics. Par ailleurs, le quartier est souvent l’objet de rodéos nocturnes, de cambriolages, d’incendies de véhicules…

De la gestion de l'ordre public à une démarche citoyenne Chap. 6

L’unique équipement socioculturel du quartier est constitué par la Maison de Quartier agréée Centre Social depuis 1998. De nombreux partenaires institutionnels y domicilient leur permanence (assistantes sociales du département, sécurité sociale, service social d’aide aux migrants…). D’autre part, la Caisse d’Allocations Familiales, la PMI, la Ville occupent d’autres lieux périphériques au Centre Social et complètent le dispositif d’offre publique de services. Enfin, la Fédération Catalane Léo Lagrange a ouvert un "point alphabétisation", ainsi qu’un point de médiation sociale.

La plupart de ces partenaires se retrouve au sein d’un Comité Local de Développement Social qui, constitué en collectif de coordination, est partie prenante de la démarche de la mai-son de quartier de Vernet Salanque. Il faut noter que ce collectif intègre le Commissaire de Police détaché sur le quartier, ainsi que le représentant de l’office HLM… A ce titre, le comité pouvait constituer la base du collège des professionnels requis dans notre expérimentation.

La démarche expérimentale s’est développée autour de la constitution de 3 collèges dis-tincts : un collège d'habitants, un collège de professionnels et un collège de politiques.

Le groupe des habitants a fonctionné autour d'un réseau plus ou moins articulé à la Maison de Quartier, et constitué en moyenne d’une quinzaine de personnes. Organisé autour de la " présence fidèle" de 5 mères, de 5 jeunes femmes adultes et de 2 jeunes hommes adultes… le groupe a évolué de façon à intégrer 4 à 5 grands adolescents ou jeunes adultes sur plusieurs réunions. La présence de ces jeunes adultes s’est faite plus assidue dès lors que la gestion du projet prenait un caractère opérationnel.

Le groupe des professionnels s’est organisé autour du collectif préexistant à la démarche et qui regroupait :

• l’animateur responsable de la Maison de Quartier, • deux animateurs associés à la Maison de Quartier, • une représentante de la Caisse d’Allocations Familiales, • deux représentantes de l’Action Sociale Départementale, • un responsable de l’Office HLM,

• un représentant du Commissariat, • une représentante du Collège limitrophe • un représentant Léo Lagrange,

• la médiatrice sociale du quartier,

• la référente locale de l’Association d’Aide aux Migrants,

• l’animateur du Conseil Communal de Prévention de la Délinquance.

La composition du groupe est restée inchangée (sauf cas exceptionnel) tout au long de la démarche.

Le collège des politiques ne s’est réuni qu’une fois ; regroupant trois élus (Affaires Sociales et Jeunesse / Logement / Sécurité), ce groupe n’a pu fonctionner en collectif dans la mesure où, d'une part la cohérence de l’équipe municipale n’était peut être pas suffisante pour y dévelop -per un débat contradictoire sur le thème "Sécurité / Participation Citoyenne", et où d'autre part, le développement d’une démarche Contrat Local de Sécurité avait "figé" une certaine forme de lecture des problématiques associées à la sécurité et "rigidifié" les positionnements

La sécurité : un espace partageable ?Trois expérimentations politiques respectifs. L'élue aux Affaires Sociales s’est néanmoins tenue directement et indirec-tement informée de l’évolution de la démarche (qu’elle avait tenu à présenter personnellement aux habitants et aux professionnels lors une réunion préalable).

La mission s’est développée du mois de janvier 1999 au mois de juillet 1999. Le rythme des re n c o n t res s’est établi sur la fréquence d’une re n c o n t re Habitants et une re n c o n t re Professionnels tous les 15 jours, la durée des rencontres était de deux heures environ. Le secré-tariat des rencontres avec les habitants était assuré par le consultant ; celui des rencontres avec les professionnels était assuré par un professionnel.