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L ES ALLIEES DE LA RENOMMEE

II. La parenthèse orientale

L’Orient, très à la mode avec ses contes et ses mystères, fascine le jeune peintre, surtout depuis le départ au début de l’hiver de ses amis sous le soleil de Biskra (Algérie). Cela lui inspire la traversée du continent européen ponctué de visites à quelques amis et parents, jusqu’à Constantinople, en revenant par la Grèce et l’Italie. Ce parcours artistique et initiatique doit remplacer le séjour à Rome à la Villa Médicis, inaccessible suite à l’échec au concours du Grand Prix de Rome. Il espère découvrir dans cet « ailleurs » l’inspiration de toute une vie, des thèmes et des éclairages nouveaux. Une épopée faite de rencontres et de découvertes.

1. Le voyage dans l’Orient des peintres

Après avoir échoué une fois de plus au concours d’accès au Grand Prix de Rome, Max Leenhardt est en proie au doute. Il s’interroge sur ses compétences et les possibilités d’avenir de sa carrière. Depuis son admission dans l’atelier d’Alexandre Cabanel, il travaille avec acharnement ne ménageant pas son énergie et son habileté pour se préparer à concourir au Grand Prix de Rome, qu’il présente tous les ans à partir de 1877. Mais La prise de Rome par les Gaulois (1877)594 ou Auguste au tombeau d’Alexandre en (1878)595 ne suffisent pas à lui faire passer le cap de la présélection. Particulièrement dépité, il poursuit l’année suivante les cours sans nouvelle tentative. Son nom n’apparaît pas davantage sur le registre du concours de 1879, car il sait qu’il ne peut s’investir entièrement dans son travail étant donné qu’il doit suivre les travaux de son nouvel atelier. Quant à la raréfaction des échanges épistolaires, elle tend à accréditer un retour précoce dans le midi.

Les années 1878-1879 sont des années d’une profonde remise en question. De grands changements bouleversent la vie du peintre : le départ pour Genève de son ami Charles Giron qui était alors son colocataire, et son déménagement prochain pour un nouvel atelier, situé devant la gare Montparnasse. Pour lui, le non renouvellement du bail de l’atelier du 3 bis rue des

594 Correspondances de Max Leenhardt à sa mère : les années parisiennes (1ère période), du 28 février 1877, op. cit., p. 3 : « J’ai été 17ème dans mon dernier concours sur 240 des divers ateliers de Paris. Je suis moi-même assez étonné de la chose ». 595 Archives privées, Correspondances de Max Leenhardt à sa mère, du 23 mars1878, p. 7, JG 046 à 050 P. 01 : « Nous avons été lundi en loge pour un concours d’esquisse, qui n’a pas été trop mal. Cela me fait espérer que jeudi prochain je puis avoir quelque chance au 1er essai du Prix de Rome. »

Beaux-Arts sonne non seulement la fin d’une époque de camaraderie mais aussi le début d’une période de profonde solitude. Pour lors, tous ses compagnons du 3 bis sont partis vers de nouveaux horizons. Ses lettres révèlent un état d’âme, bouleversé, anxieux et sombre. Avec regret, il écrit à son confident Eugène Burnand : « J’ai donné congé de mon atelier, du 3 bis, non sans un profond regret. Giron voulant en prendre un l’année prochaine. Finalement, j’ai déniché vis-à-vis de la gare Montparnasse un splendide magasin aux dimensions colossales. 596 ». Nous le retrouvons tout aussi mélancolique quelques mois plus tard : « Je te parlais de notre futur atelier. Il sera en effet très grand et j'espère m'y installer à mon retour, le premier novembre. Giron m'a l'air d'oublier assez Paris. Il fait ses études pour son tableau, mais je crois qu’il doit partir pour Genève un de ces jours.597 ». Nous devinons les liens des deux peintres et le vide causé par le départ de Giron. Max Leenhardt se retrouve seul, peut-être pour la première fois ! Ce sentiment de solitude s’accentue les mois suivants puisqu’il s’épanche auprès de sa grand-mère le 24 février 1880, en ces mots : « Me voilà enfin installé dans mon immense atelier et j'en jouis bien. On finit ainsi par ne pas bouger de chez soi, si ce n'est pour aller prendre ses repas. [...] J'ai de telle velléité de grande nature que je suis bien décidé à ne pas passer l'hiver prochain ici.598 ».

L’idée de poursuivre son étude de la lumière en plein air sous des cieux plus cléments va se mettre alors à germer. Suivant l’exemple des frères Girardet qui puisent en Afrique du Nord l’inspiration de toiles baignées de lumière, il se projette dans une vie de voyage à travers un orient lointain et idéalisé. Il se voit partager avec ses amis, le travail sur le motif. Espoir qu’il livre à sa grand-mère : « Je soupire depuis longtemps après l'Afrique, maintenant je pourrai faire ce voyage avec profit. J'espère bien en Dieu, voulant y aller cet automne, au moment où chacun mourait de froid. Nos amis Girardet écrivaient qu'ils travaillaient en plein air, en bras de chemise. Songez donc ! Quelle envie ! Nous étions ici avec 20 degrés de froid599 ». Les couleurs chaudes et la lumière de l’Afrique fascinent son imaginaire au-travers des toiles ramenées par les Girardet. Les jeux du soleil sur le sable du désert, dans les palmeraies ou dans les voiles des femmes, sont des invitations au voyage. Sans idée précise de son avenir, il est cependant convaincu qu’il lui faut connaître l’Orient. Pourquoi pas lui ? La plupart des artistes novateurs épris de lumière

596 Fonds Burnand, Correspondances de Max Leenhardt à Eugène Burnand : les années parisiennes (1ère période), du 3 août 1878, op. cit., p. 4.

597 Fonds Burnand, Correspondances de Max Leenhardt à Eugène Burnand : les années parisiennes (1ère période), du 7 septembre 1879, op. cit., p. 4.

598 Archives privées, Correspondances de Max Leenhardt à sa grand-mère du 24 février 1880, p. 4 et 5, Coll. G. J., France, n° inv. JG 207 à 210 C.

migrent l’hiver venu dans le midi de la France, l’Espagne ou l’Afrique du Nord, dont bon nombre d’anciens de l’hôtel de Nice tels que les frères Girardet, Eugène (1853 - 1907) et les jumeaux Léon (1856 - 1895) et Jules (1856 - 1938) ou encore Albert Aublet (1851 - 1938). Ils lui montrent en quelque sorte une voie d’aventures et de découvertes.

Il rejoint l’idée de Gérôme qui notait : « Les artistes sont trop casaniers. Ils ne voyagent pas assez et ne vont pas voir la nature dans tous ses aspects. C’est pour ça qu’ils sont des formulards et des routiniers… Trop d’imbéciles se croient possesseurs du feu sacré ; pour ma part, je me félicite d’avoir roulé sur tous les chemins et parcouru une grande partie des pays d’Orient, dès ma jeunesse. 600 » Sa décision est arrêtée. Il souhaite se rendre sous des cieux ensoleillés durant les mois de l’hiver 1881. Compte tenu du peu d’échanges épistolaires retrouvés abordant cette décision, il est difficile de déterminer : pourquoi il ne suivit pas ses amis Girardet à Biskra en Algérie. Néanmoins, nous pouvons connaître sa perception de l’Orient au travers de sa nouvelle Une liaison artistique, où sous le couvert d’un nom d’emprunt, il se livre : « Depuis, les récits de Fromentin l’avaient longuement enthousiasmé et lui faisaient entrevoir, par-delà l’Orient bêtement jaune et rouge, un autre pays où l’intensité du soleil se lirait dans la transparence et la tonalité grise des ombres et des objets. »601 Sa bibliothèque prouve qu’il avait parcouru de nombreuses publications sur le sujet602. Nous y trouvions des éditions de notes des voyages rédigées par des peintres ou des écrivains, des articles scientifiques et archéologiques et des romans orientalisants à la mode, parmi lesquels des œuvres de Châteaubriant, Hugo, Lamartine, Flaubert, Guillaumet et Fromentin. Des exemplaires de L’Univers illustré et de L’Illustration avec des reproductions photographiques de Constantinople par Abdullah Frères et Pascal Sebha (1823 – 1886) qui en font aussi partie. Peut-être présageait-il intuitivement les opportunités d’avenir offertes par un tel séjour oriental, comme il l’écrit : « C’était chez lui un projet bien ancien déjà que ce voyage en Orient. Il l’avait retardé le plus possible, pour pouvoir en mieux profiter, et trouver le moment venu de l’effectuer. Ce serait un temps de repos entre la période d’étude et l’ère de production, repos pendant lequel on pourrait réfléchir, se tâter, faire ses premiers essais, et par-dessus tout, c’était l’Orient vu. »603

600 Cette citation est extraite de MOREAU-VAUTHIER Charles, Gérôme peintre et sculpteur. L’homme et l’artiste d’après sa correspondance, ses notes, les souvenirs de ses élèves et de ses amis, Paris, Librairie Hachette et Cie, 1906. Elle sera reprise par Hélène Lafont-Couturier dans une monographie de Gérôme. LAFONT-COUTURIER Hélène, Gérôme, Paris, Editions Herscher, 1998, p. 20.

601 Archives privées, Nouvelle de Max Leenhardt : une liaison artistique, op. cit., p. 33.

602 Nous nous référons ici, sur l’inventaire sommaire de l’impressionnante bibliothèque réalisé en 1994 lors de nos premières investigations.

En 1882 de nombreux facteurs sont réunis pour voir la concrétisation de ce projet : en particulier la solitude et le goût des voyages. Il reste à déterminer quelles en furent les conditions. Est-ce-que sa mère prit le parti de le faire voyager pour lui changer les idées, comme après le décès de Frédéric Bazille en 1870 ? Est-ce-que c’est de concert avec Eugène Castelnau que les modalités du séjour furent convenues ? Celui-ci avait des contacts commerciaux à Constantinople pour l’exportation des vins des familles Castelnau, Bazille, Leenhardt. Ces questions restent sans réponse certaines à ce jour vu la faiblesse des archives manuscrites datées de cette période. Il est cependant évident que de nombreux membres de la famille furent prévenus afin de faciliter le voyage.

Le projet avait commencé à prendre forme durant l’été 1880, lorsque le peintre s’interrogeait sur la sagesse qu’il y aurait à être accompagné dans cette aventure sur les routes hasardeuses. Quel ami voudrait ou pourrait l’accompagner ? Dans un courrier du 11 juillet 1880, il demande à son cousin Eugène Burnand d’interroger son beau-frère en villégiature chez lui à ce sujet : « A propos, Jules n’aurait-il pas envie de … Constantinople ? Ceci soit disant en passant ! Réponds-moi. […] ». Se rappelant les conseils avisés de son oncle Eugène Castelnau, il ne peut envisager un pareil voyage sans un coéquipier. Finalement nous découvrons dans les lettres échangées avec sa mère qu’il entreprend ce voyage seul suivant un itinéraire connu et jalonné de connaissances (sa sœur Berthe, l’ami Gustave de Beaumont, Hermann van Königsbrunn, Karl Westphal et enfin Marianne Preindlsberger). Enfin, il est rejoint ou il rejoint ses cousins Pierre Leenhardt604 et Georges Castelnau605 à son arrivée à Constantinople. Cependant, nous n’avons pu déterminer si cet itinéraire fut décidé seul ou négocié.

Ce projet est financé par sa mère. L’avis favorable pour un départ est sans doute à mettre en parallèle avec l’essor des échanges et des moyens de transports vers l’Orient, plus rapides et plus confortables. En tous cas, cette période est certainement celle des difficultés relationnelles avec sa mère, comme le montre un courrier allusif mais imprécis : « […] ta réponse s’en ressent d’une manière un peu amère. […] je dirais qu’en mai Constantinople n’est pas tellement caniculaire pour la saison. […] Dans ton premier refus, tu alléguais […] je m’incline […] Mais en voilà assez ! Quoiqu’entêté, je vais aussi renoncer à mes projets quelques chers qu’ils soient. Je renonce donc, non que tes motifs m’aient convaincu, mais j’y renonce pour une mère à laquelle

604 Pierre Leenhardt est depuis son plus jeune âge « son frère d’études, d’armes, de voyage et de cœur », comme il le dit lui-même dans sa nouvelle.

j’ai déjà fait un sacrifice dont elle ne semble plus se rappeler […] 606 ». Il est cependant évident que des accords sont trouvés durant l’été 1880, lors d’une ou de plusieurs discussions en tête en tête, car Max Leenhardt entreprend son voyage à travers l’Europe dès 8 heures du matin le 14 octobre 1880. Il prend le train gare de l’Est pour Genève, après avoir passé sa dernière nuit parisienne chez sa sœur Berthe. Il avait donc fallu près de huit ans pour mettre au point l’itinéraire !

L’itinéraire est proche de celui projeté en août 1872 et présenté à sa mère au printemps 1873 : « Te rappelles-tu qu’au mois d’août dernier je te disais « au printemps prochain je te parlerai d’un projet que j’ai depuis longtemps en tête, mais dont je ne te ferai part que quand je l’aurais assez mûri » […] je viens t’en faire part. […] Mon projet est de varier justement mes études par l’exécution d’un voyage que j’ai médité tout cet hiver après l’avoir depuis longtemps en projet […] Ne t’effraye pas du mot que je vais t’écrire tout au long car il l’est et peut-être plus que le voyage lui-même, ce mot c’est : Constantinople. Je devine d’ici ce que tu penses à l’idée. 607». Divers éléments soulignent la longue période de réflexion entourant cette expédition, jusqu’à des échanges « avec Mlle Auboineaux, la nièce des Joubert […]608 » des amis de retour de ce périple en séjour à Palavas en juillet 1872. Nous constatons que la réponse négative adressée par sa mère à ce projet n’entame pas son enthousiasme. Ainsi, les mois qui passent sont mis à profit pour recueillir la moindre information digne d’intérêt : « Mon itinéraire, je l’ai calculé et étudié et t’en ferai part ensuite. Quant au voyage, l’envie que j’en ai, je l’avoue, ne peut se décrire facilement. Je n’ai pas l’habitude de dire tout ce que je pense pourtant j’en ai assez dit […] Tout l’hiver, c’est cet espoir qui m’a donné la force de prendre patience. Je n’ai rêvé que de cela, au point que mes amis Pierre et Dombre en plaisantaient […] Tu pourras me dire que peu de jeunes gens de mon âge connaissent comme moi l’Italie, la Suisse et l’Autriche […]609 ». Nous constatons une fois encore que le financement du projet est un point crucial qui mérite toute son attention. Il doit en effet démontrer à sa mère l’utilité de celui-ci et sa capacité à gérer un budget établi. Il calcule donc le tracé du voyage, le coût et les modalités de logements. Tous les aspects du périple sont méticuleusement abordés : les horaires, les moyens de déplacements, les hôtels, les personnes pouvant offrir leur aide le cas échéant (amis ou membres de la famille).

606 Archives privées, Correspondances de Max Leenhardt à sa mère : séjour d’étude à Graz, du 17 avril 1873, op. cit., p. 1 et 2. 607 Archives privées, Correspondances de Max Leenhardt à sa mère : séjour d’étude à Graz, du 26 mars 1873, p. 2 et 3, Coll. G. J., France, n° inv. JG 0179 à 0184.

608 Ibid., p. 10. 609 Ibid., p. 7.

Nous trouvons dans une lettre à sa mère en date du 26 mars 1873 le chiffrage détaillé des frais de déplacements : « et quand je songe que dans 12 heures et pour 35 francs, je suis d’ici à Pesth […] Quant à la question d’argent, la principale dans bien des cas : le voyage de Pesth à Constantinople coûte 107 florins ! Chiffre que je pourrai te garantir ou contredire dans ma prochaine lettre quand j’aurais reçu les informations que j’ai demandées610». Ce chiffrage est réajusté le cas échéant par de nouveaux renseignements recueillis : « […] d’après les renseignements que j’ai reçus, le voyage de Pesth à Constantinople coûte 120 florins en première classe et 87 en seconde […] ». Au-delà de ces quelques éléments, il estime le budget global nécessaire à la réalisation de son projet à 1800 francs maximum : « De sorte que je me dis que 1500 à 1800 francs, je ne sais pas trop, tout ce que je peux dire c’est que je ne gaspillerai pas. […] c’est le plus joli cadeau que tu puisses me faire le mois prochain pour mes 20 ans611 ».

Cette estimation ne semble pas disproportionnée, lorsqu’elle est mise en parallèle avec le montant des bourses communales allouées aux étudiants, qui s’élevaient en moyenne à 1200 francs annuels. L’artiste fait référence lui-même dans sa nouvelle Une liaison artistique, au revenu annuel de ses camarades qu’il trouve alors bien dérisoire : « […] bientôt il verrait ces héros obligés d’y renoncer faute d’armes. Il était, lui, des privilégiés, et quand dans le monde où il allait parfois, il voyait tant de désœuvrés, de gaspilleurs, héritiers d’un nom et d’une puissance pécuniaire, ses pensées en larmes revenaient à ses pauvres camarades dont le rêve était d’avoir pendant bien des mois encore leurs 1200 francs par an. 612». Cette somme peut lui paraître bien maigre compte tenu de la rente versée mensuellement par sa mère depuis son admission à l’atelier d’Alexandre Cabanel : 250613 francs par mois, soit plus de 3000 francs annuels. Quant au budget prévisionnel de 1873, estimé par Max Leenhardt, nous ignorons s’il fut ou non dépassé614. L’organisation générale du voyage suit l’itinéraire initialement prévu, entre Graz et Constantinople : il emprunte entre Munich et Graz un chemin ponctué de rencontres. Du 14

610Ibid., p. 8 et 12. 611 Ibid., p. 12.

612 Archives privées, Nouvelle de Max Leenhardt : une liaison artistique, op. cit., p. 30.

613 Pour comparaison, le revenu moyen mensuel d’un ouvrier était de 100 francs et celui d’un domestique de 40 francs. 614 Ibid., p. p. 3, 8, 10 et 12 : « Ne t’effraye pas du mot que je vais t’écrire tout au long car il l’est et peut-être plus que le voyage lui-même, ce mot c’est : Constantinople. […] mais combien crois-tu qu’il faille d’ici ? En partant à 6 h du matin […] on est à 6 h du soir dans la capitale hongroise. Ainsi en un jour seulement ! […] et quand je songe que dans 12 heures et pour 35 francs, je suis d’ici à Pesth […] Tu as au reste cousin Paul et tante Florence qui seront certes bien à même de te parler du dit voyage que l’un et l’autre ont fait et je serais curieux de les entendre en parler […] Quand à la question d’argent, la principale dans bien des cas : le voyage de Pesth à Constantinople coûte 107 florins ! Chiffre que je pourrais te garantir ou contredire dans ma prochaine lettre quand j’aurais reçu les informations que j’ai demandées. De sorte que je me dis que 1500 francs à 1800, je ne sais pas trop. »

octobre au 11 novembre 1880, le peintre va traverser une grande partie du continent européen sur près de trois mille kilomètres, jalonnés de visites amicales.

Les échanges épistolaires du peintre mettent en avant les réseaux de connaissance directement liés à l’art. Après avoir quitté Paris à 8 heures du matin le jeudi 14 octobre 1880, il retrouve vers 19 heures à Genève son ami Gustave de Beaumont. Sa correspondance a livré peu d’informations sur cette entrevue, car il n’a pas jugé utile de mentionner qu’il eut droit « au feu et à la chandelle, comme on doit à tout bon troupier 615(…) ». A quatre heures du matin Max Leenhardt embarque dans le train de Zurich, via Berne, avant de poursuivre son parcours jusqu’à Munich, Innsbruck, Franzenfeste, Brixen, Lienz et enfin la ville autrichienne de Graz où il comptait saluer son professeur d’antan Hermann van Königsbrunn616. Ce parcours n’est pas le plus direct : il aurait très bien pu par exemple voyager avec la Compagnie de son cousin Fraissinet617 qui assurait déjà une liaison maritime régulière entre Toulon et Constantinople. Pareil détour a une explication : « Le souvenir du passé était resté si riant dans son esprit qu’il se faisait une fête de réaliser deux rêves à la fois : passer par l’Autriche pour aller en Syrie. Ce n’était pas il est vrai la ligne directe, mais c’était celle du cœur. 618» Le jeune homme n’a pas oublié son amie autrichienne Marianne Preindlsberger. Le but caché de cette escapade artistique est donc de retrouver une amie artiste et sœur de cœur dont il espère partager à nouveau la complicité artistique de l’Ecole provinciale des Arts de Graz 619. Le peintre n’en est pas moins homme et

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