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Chapitre 6 : Types de communication

1. La notion de communication en interaction

Dans une approche interactionnelle, la communication27 n’est pas conçue comme quelque chose d’unilatéral et linéaire. C’est-à-dire que ce n’est pas quelque chose d’ordre horizontal dans le sens où il y a un émetteur (considéré comme locuteur actif), qui transmet un message par le canal oral ou écrit à un récepteur (considéré comme locuteur passif), qui quant à lui, il reçoit le message. Bien entendu, cette conception du schéma de communication fait penser à celui de R. Jackobson (1963). Ce schéma qui émane de la linguistique générale a été qualifié par M. Bakhtine (1979) de « schéma d’image déformée du processus complexe de l’échange verbal ». Il s’agit de minimiser le rôle actif du récepteur réduit au degré zéro dans le processus de communication. Toujours d’après cet auteur, le schéma ne correspond pas à certains aspects réels de la communication et à ce que les interactants font réellement en situation communicative. Contrairement à cette configuration linéaire, la communication suit un schéma beaucoup plus interactif et est plus approprié pour ce que j’ai à traiter dans ma recherche. Je vais présenter ici ce que M. Bakhtine (1979) a décrit comme le processus complexe de l’échange verbal, et je vais également compléter cette description par d’autres réflexions théoriques d’auteurs différents qui se sont penchés sur la question. Il convient en effet de parvenir à une description du processus de communication en interaction qui soit la plus représentative possible de ce qui se passe dans une communication réelle.

Le processus commence avec la présence de quelqu’un appelé « auditeur28 » qui reçoit et comprend un message29. L’auditeur adopte simultanément une attitude responsive active par rapport au message émis. C. Kerbrat-Orecchioni (1990) ajoute que cette attitude est également adoptée par le locuteur que j’appellerai émetteur. Cette attitude responsive active se manifeste par des mécanismes d’anticipation et de rétroaction.

D’abord pour ce qui concerne les mécanismes d’anticipation : du côté de l’émetteur, il anticipe sur la suite de son propre discours et sur les interprétations et réactions de l’auditeur

27 Je tiens à souligner que l’étude que je fais se porte davantage sur l’interaction verbale que sur la

communication en général. Malgré tout, j’ai pris le risque de puiser quelques de mes ressources dans le champ de la communication.

28 Celui qui reçoit la parole.

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comme pour protéger l’interaction et éviter qu’il y ait des difficultés de compréhension. Par exemple, les auto-corrections (J. Caron, 1985) de l’émetteur dans l’interaction sont les marques de cette avance protectrice et bienveillante pour éviter d’éventuels malentendus ; Du côté de l’auditeur ou du récepteur, il anticipe également sur la suite du discours de l’émetteur tout au long du processus d’audition et de compréhension. Concrètement, il ratifie et régule le discours de l’autre. « Il complète, il adapte, il s’apprête à exécuter, etc. » (M. Bakhtine, 1979 : 274). B-N. Grunig (1984) appelle cette opération le « vol de mots ». Il s’agit donc du comportement verbal du récepteur qui termine les énoncés de l’émetteur soit par un mot ou un groupe de mots sans le prévenir comme s’il « volait » les mots de son interlocuteur.

Ensuite, pur ce qui concerne les mécanismes de rétroaction, ce sont les phénomènes de la rétro-interprétation (G. F. Mahl, 1972) du locuteur-émetteur ; il peut réinterpréter a posteriori ce qu’il vient de dire par rapport à la réaction du locuteur-récepteur, par exemple le feed-back quasi-immédiat.

Dans ce schéma l’auditeur devient le locuteur et réciproquement à tour de rôle. Que ce soit de côté de l’auteur ou du locuteur, il existe la compréhension responsive active qui se réalise soit par le verbal ou le non verbal. Pour M. Bakhtine, cette compréhension responsive active « n’est autre rien d’autre que le stade initial, préparatoire à une réponse quelle que

soit la forme de sa réalisation » (Op.cit : 275).

Toujours dans ce processus de l’échange verbal, le récepteur est aussi actif que l’émetteur, c’est un travail interprétatif que fait le récepteur pour maintenir l’interaction. Il faut en effet tenir compte de l’ensemble de signes émis dans l’interaction. C. Kerbrat- Orecchioni illustre cette idée de manière explicite ainsi :

« L1 parle : il émet des unités verbales et non verbales, en même temps qu’il reçoit les

régulateurs verbaux, et tous les signes non verbaux émis par L2 ;

L2 écoute : il reçoit les signes les signes verbaux et non verbaux produits par L1, mais il produit en même temps des régulateurs verbaux, et un abondant matériel non verbal » (Ibid :

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Il reste un élément essentiel dans ce processus de l’échange verbal qui a été traité sous un aspect très développé chez M. Bakhtine. Il s’agit du « code ». Pour abréger les réflexions qui se prêtent particulièrement à la critique chez l’auteur, je vais prendre brièvement ce que dit C. Kerbrat-Orecchioni sur la question : la mise en correspondance entre signifiant et signifié est partiellement construite au cours du déroulement de l’échange. Pour matérialiser le travail d’encodage et de décodage, il faut collaborer communément dans l’interaction tout en s’appuyant sur une maîtrise de règles linguistiques stables qui sont un « déjà-là » préexistant à l’échange.

Pour les ENAF ce « déjà-là » existe sûrement dans leurs L1 mais en L2 c’est toute une nouvelle « rééducation linguistique » qu’il leur faut subir ou suivre. En milieu scolaire, cela se passe en situation de communication didactique (type de communication en cours), tout en sachant que ce type de communication est composé d’interactions didactiques qui s’inscrivent dans « un système complexe plurisémiotique et multimodal » (M. C. Guernier et J. P. Sautot, 2010), et en situation de communication ordinaire (type de communication hors-classe).

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