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La naissance des mécanismes épigénétiques

Chapitre IV Méthodes analytiques pour déchiffrer le code histone

I.2 La naissance des mécanismes épigénétiques

L’importance des travaux de Conrad H. Waddington sur la drosophile découle du lien établi l’activité des gènes et les phases de développement embryonnaire. Il est ainsi apparu que plusieurs phénomènes survenant au cours du développement embryonnaire restaient sans explication, le premier d’entre eux concernant la différenciation cellulaire. Certaines cellules différenciées ont la faculté de maintenir leur phénotype au fil des divisions cellulaires, suggérant qu’il existe des gènes spécialisés responsables de cette différenciation qui sont activés de façon permanente et, à l’inverse, des gènes spécifiques d’autres types cellulaires qui eux sont inactivés. Le deuxième exemple se rapporte aux cellules souches par définition totipotentes qui sont capables de donner naissance à des cellules différenciées ainsi qu’à une nouvelle cellule souche indifférenciée. Dans cette situation, il y a clairement un changement dynamique de l’activité de certains gènes associé à la division cellulaire. En d’autres termes, tous les gènes ne semblent pas actifs en même temps, et leurs profils d’expression paraissent se transmettre de génération en génération via une sorte de mémoire cellulaire. Enfin le dernier exemple concerne l’inactivation du chromosome X chez les femelles de mammifères. Très tôt au cours du développement, un des deux exemplaires du chromosome X est inactivé de manière aléatoire dans toutes les cellules de l’organisme. Leur différence d’activité ne peut être expliquée que par des phénomènes intrinsèques aux chromosomes eux-mêmes. Toutes ces constatations ont abouti à la découverte des mécanismes épigénétiques responsables de la régulation transmissible de l’expression des gènes sans altérer la séquence d’ADN.

II. Épigénétique et régulation de l’expression des gènes

La régulation épigénétique de l’expression des gènes est un processus complexe médié par plusieurs mécanismes cellulaires et moléculaires qui agissent de concert. D’après la base de données UniProtKB/SwissProt, environ 10% des protéines codées par le génome jouent un rôle dans la transcription et sa régulation. Ce contrôle épigénétique peut se faire aussi bien en amont qu’en aval de la transcription et est assuré par divers acteurs : la méthylation et

l’hydroxyméthylation de l’ADN, les histones, leurs variants et leurs modifications post-traductionnelles constituant le code histone, ainsi que certains ARN non- codants. La somme de l’information épigénétique constitue ce que l’on appelle l’épigénome d’une cellule ou d’un tissu, défini à un temps t et dans des conditions environnementales déterminées. De plus, la réplication de l’ADN s’accompagnant d’une duplication à l’identique de la chromatine3, une partie de l’épigénome est transmise de génération en génération, au fil des divisions cellulaires, phénomène que l’on pourrait qualifier de mémoire épigénétique. La chromatine est ainsi porteuse d’une information génétique et épigénétique qui peut être résumée sous le terme de chromatome (figure 1).

Figure 1 : représentation schématique des facteurs constitutifs du chromatome. Adapté de4.

Les mécanismes les mieux décrits actuellement sont ceux qui agissent directement sur la chromatine, au niveau pré-transcriptionnel, en modifiant directement ou indirectement sa structure et/ou sa composition. Dans ce chapitre, nous nous intéresserons tout particulièrement aux histones, tout en décrivant brièvement les autres acteurs qui agissent de concert avec elles pour réguler l’expression des gènes.

II.1

La Chromatine

II.1.1 Structure

Chez l’Homme, toutes les cellules d’un même organisme possèdent la même information génétique codée par des molécules d’acide désoxyribonucléique (ADN). La séquence nucléotidique de notre ADN est composée d’environ 3x109 paires de bases. La longueur de cette molécule d’ADN étant plusieurs milliers de fois supérieure au diamètre du noyau des cellules, ces dernières présentent un système de compactage qui associe l’ADN à des protéines structurales, formant ainsi la chromatine5. Le nucléosome est défini comme étant l’unité de base de la chromatine et se compose de 147 paires de bases d’ADN qui s’enroulent en une superhélice gauche autour d’un complexe octamérique (figure 2). Le génome d’un mammifère compterait ainsi plus de 1x107 nucléosomes.

Figure 2 : structure cristallographique d’un nucléosome à 2.8 Å de résolution (gauche) et représentation schématique d’un octamère d’histone autour duquel s’enroule l’ADN double brin (droite). D’après 6.

Ce complexe octamérique se compose de huit sous-unités d’histones de cœur : deux copies de H2A, H2B, H3 et H4. Les nucléosomes sont assemblés et stabilisés

via l’histone de liaison H1 pour former la structure en collier de perles de la chromatine qui s’enroule et se condense jusqu’à former les boucles de chromatine, puis les chromosomes en début de mitose (figure 3).

Figure 3 : représentation schématique des différents niveaux de compaction de la chromatine 7

II.1.2 Variations de l’état de condensation

L’état de condensation de la chromatine n’est pas figé au cours de la vie d’une cellule. Il existe deux types de chromatine qui se distinguent sur la base de critères structuraux et fonctionnels : l’euchromatine et l’hétérochromatine8. L’euchromatine correspond à la forme relâchée de la chromatine, c’est-à-dire permissive à la transcription. Elle est particulièrement présente dans des zones riches en gènes dits « actifs », soit environ 4% seulement du génome chez les mammifères. A l’inverse, l’hétérochromatine correspond à une forme condensée de la chromatine qui est répressive à la transcription et majoritairement présente dans des régions non codantes du génome (figure 4). L’état de condensation de la chromatine évolue de façon dynamique par l’intermédiaire de modifications tant de l’ADN que de ses protéines de liaison, notamment les histones. C’est en jouant sur ces modifications de la chromatine que la variabilité cellulaire et tissulaire de l’expression des gènes est assurée.

Figure 4 : euchromatine et hétérochromatine. La variation de l'état de condensation de la chromatine influence la transcription.