• Aucun résultat trouvé

La méthylation et l’hydroxyméthylation de l’ADN

Chapitre IV Méthodes analytiques pour déchiffrer le code histone

II.2 La méthylation et l’hydroxyméthylation de l’ADN

La méthylation de l’ADN est le premier mécanisme épigénétique connu permettant à une cellule de rendre certains gènes silencieux. C’est un phénomène réversible qui est impliqué dans de nombreux processus cellulaires (empreinte parentale, inactivation du chromosome X) dès les phases précoces du développement embryonnaire. Largement étudiée depuis les années 1980, il est aujourd’hui clairement établi que la méthylation de l’ADN chez les eucaryotes cible les cytosines, bases pyrimidiques constitutives de l’ADN9, qui sont alors

converties en 5-méthylcytosines (5-mC). Dans la plupart des cas, les cytosines méthylées sont adjacentes à une guanine et forment ensemble un couple de dinucléotides CpG. Les régions du génome enrichies en CpG sont appelées îlots CpG et sont retrouvées préférentiellement au niveau des régions promotrices ou du premier exon de la majorité des gènes10. L’ADN méthylé n’est donc pas distribué de manière homogène au sein du génome. Il se concentre au niveau de certaines régions non codantes ou répétitives telles que l’hétérochromatine centromérique ou les transposons11. La réaction de méthylation est catalysée par des enzymes appartenant à la famille des méthyltransférases de l’ADN (DNMTs) qui assurent le transfert d’un groupement méthyle (-CH3) à partir de la S-adénosyl-méthionine

(SAM) sur le carbone en position 5 des cytosines (figure 5)12.

Figure 5 : addition d'un groupement méthyl -CH3 en position 5 d'une cytosine. Les méthyltransférases de l’ADN

s’associent de manière covalente avec le carbone en position 6 pendant le transfert du groupement méthyl depuis une molécule de S-adénosyl-méthionine6.

La famille des DNMTs comporte plusieurs enzymes qui peuvent soit agir de novo en mettant en place le profil initial de méthylation sur la séquence d’ADN, soit

copier après la réplication les profils de méthylation du brin d’ADN parental sur son brin complémentaire.

La méthylation de l’ADN a longtemps été considérée comme la seule marque épigénétique de l’ADN. Ce n’est qu’en 2009 qu’une deuxième modification chimique de l’ADN a été mise en évidence chez l’Homme après avoir déjà été caractérisée chez la bactérie et chez certains mammifères : l’hydroxyméthylation13. Cette modification est en réalité le produit d’oxydation des 5-mC, réaction catalysée par des ADN dioxygénases appartenant à un famille d’enzymes codées par les gènes TET (ten-eleven translocation)14. Les 5- hydroxyméthylcytosines (5-hmC) résultant de cette réaction d’oxydation semblent particulièrement abondantes au niveau du système nerveux central 13 et leur rôle précis n’est pas encore bien compris. Cependant, une richesse en 5-hmC au niveau des promoteurs est souvent associée à une forte activité transcriptionnelle des gènes15, ces cytosines hydroxyméthylées ayant la capacité de « prendre le dessus » sur les cytosines méthylées. L’hydroxyméthylation des cytosines est également considérée comme la première étape de déméthylation active puisque les 5-hmC peuvent être davantage oxydées par la famille d’enzymes codées par les gènes TET en 5-formylcytosines (5-fC) et en 5-carboxylcytosines (5-caC) qui sont rapidement excisées du génome16 (figure 6).

Figure 6 : schéma de la déméthylation active d’une 5-méthylcytosine par oxydations successives suivies d’une décarboxylation ou d’une réparation par excision de base. Adapté de 17.

II.3

Les ARN non-codants

Les ARN non-codants (ARNnc) sont des molécules d’acide ribonucléique (ARN) qui sont issues de la transcription de l’ADN mais qui ne sont pas traduites en protéines. La plupart de ces ARNnc ont un rôle biologique complexe et interagissent avec d’autres molécules d’ARN telles que les ARN messagers (ARNm),

les ARN de transfert (ARNt) ou les ARN ribosomiques (ARNr). Il existe une classe spécifique d’ARNnc particulièrement impliquée dans la régulation de la traduction des ARNm et donc de l’expression des gènes ; celle des ARN interférents (ARNi). Ces ARNi sont de petites molécules d’ARN simple ou double brin qui ont la capacité d’interagir avec un ARNm spécifique et de conduire à sa dégradation ou à la diminution de sa traduction en protéine18. Les ARNi sont donc des régulateurs épigénétiques post-transcriptionnels par opposition aux régulateurs pré- transcriptionnels qui agissent sur la chromatine. Il existe trois types majeurs d’ARNi qui diffèrent par leur origine et leur mode d’action : les micro-ARN (ARNmi), les petits ARN interférents (ARNsi) et les ARN interagissant avec Piwi (ARNpi)19. Les ARNmi restent à ce jour les ARNnc les plus étudiés d’un point de vue épigénétique, et leur mécanisme d’action semble extrêmement complexe de par la diversité de leurs interactions. Les ARNmi sont des molécules d’ARN composées d’une vingtaine de nucléotides et synthétisées dans le noyau. Initialement, les ARNmi sont composés d’un seul brin qui se replie par la suite pour former une structure double brin non appariée en forme d’épingle à cheveux. Ils sont ensuite clivés dans le cytoplasme par une endoribonucléase de type III, la Dicer, pour former deux brins d’ARNmi distincts. L’un d’eux, généralement le moins stable, se lie au complexe protéique de guidage RISC (RNA-induced silencing complex) qui permettra par la suite son appariement avec un ARNm cible de séquence complémentaire, tandis que l’autre sera dégradé. Un ARNmi pourra ainsi diminuer directement l’expression de gènes cibles de deux manières différentes selon la qualité de l’appariement avec son ARNm cible : soit en bloquant la traduction de l’ARNm cible (appariement imparfait), soit en induisant son clivage ou sa dégradation (appariement efficace). Il a également été prouvé dans de récentes études qu’un seul ARNmi pouvait avoir des centaines de cibles différentes20. En plus de leur action directe sur la traduction des ARNm, les ARNmi peuvent agir de manière indirecte sur l’expression des gènes. Ils peuvent en effet affecter certains processus de méthylation de l’ADN, notamment lors de la différenciation des cellules souches21, ou encore réguler d’autres ARNmi.

Figure 7 : schéma de la synthèse et du mécanisme d’action directe d’un ARNmi (d’après 22).