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Chapitre VI Interprétation et validation des résultats

I. Principe général de l’approche histonomique

II.1 Culture cellulaire

Afin de mimer in vitro une exposition des cellules trophoblastiques humaines à divers xénobiotiques, la lignée cellulaire BeWo215 s’est révélée être le meilleur choix. En effet, les cellules BeWo, issues de choriocarcinome humain, sont un bon modèle de cytotrophoblastes. Elles sont faciles d’accès et relativement simples à cultiver. Elles possèdent des fonctions endocrines similaire aux syncytiotrophoblastes et expriment les mêmes protéines de transport216 et les

mêmes enzymes du métabolisme217 que les trophoblastes du troisième trimestre218. Le clone b30 que nous avons utilisé au cours de ces travaux présente la capacité de former une monocouche de cellules confluentes en une période de temps assez courte. Leur principale différence avec les trophoblastes in vivo réside dans le fait qu’elles ne se différencient que très peu spontanément et sont présentes majoritairement sous forme de cytotrophoblastes non syncytialisés. Dans le cadre de ce projet, les cellules BeWo clone b30 nous ont été fournies gracieusement par l’équipe du Dr. Danièle Evain-Brion (ex- UMR-S767) sous forme d’un cryotube de cellules congelées. Les cellules avaient auparavant été obtenues auprès du laboratoire du Dr. Alan Schwartz de l’Université de Washington aux Etats-Unis. Les cellules BeWo commercialement disponibles auprès de l’ATCC (American Type

Culture Collection) ne possèdent pas exactement les mêmes propriétés que le clone b30.

Le cryotube fourni contenait environ 3 millions de cellules congelées dans un milieu composé de 90% de milieu de culture F-12K (modification de Kaighn) et de 10% de diméthylsulfoxyde (DMSO). La décongélation rapide s’est faite selon le protocole détaillé dans la partie expérimentale. Les cellules BeWo ont ensuite été

mises en culture dans du milieu F-12K supplémenté avec 10% de sérum de veau fœtal (SVF) afin de garantir la présence des nutriments nécessaires à leur croissance. De plus, afin d’éviter les contaminations, le milieu de culture a systématiquement été supplémenté avec deux antibiotiques : la pénicilline à 50 UI.mL-1 et la streptomycine à 50 UI.mL-1. Dans la suite du manuscrit, le milieu complet fera référence au milieu F-12K contenant 10% de SVF ainsi que les deux antibiotiques à 50 UI.mL-1 chacun. Les cellules ont été maintenues dans des conditions standard de culture, à savoir dans un incubateur avec une atmosphère à 37°C et 5% CO2.

Dans les conditions de culture que nous venons de décrire, nous sommes parvenus à obtenir une flasque à confluence (figure 51) en 4 à 5 jours seulement.

Figure 51 : photographie d’une monocouche de cellules adhérentes à confluence BeWo clone b30 cultivées dans une flasque T75 et observées au microscope (grossissement x200).

Une fois les cellules arrivées à confluence, elles ont été décollées et individualisées par digestion trypsique des protéines d’adhésion, puis comptées sur une cellule de numération Neubauer. D’après ce comptage, une flasque T75 à confluence contenait en moyenne entre 5 et 6 millions de cellules. A chaque passage (trypsination) chacune des flasques était répartie dans 5 nouvelles flasques (cf. protocole en partie expérimentale). Le nombre de passages réalisés est une information importante, puisqu’une lignée cellulaire ne peut supporter qu’un nombre limité de passages avant de présenter un phénotype aberrant ou de mourir. Le nombre maximal de passage dépend de la lignée cellulaire, et dans le cas des cellules BeWo nous l’avons fixé à 23.

Pour obtenir des culots cellulaires en vue de réaliser une extraction des histones dont nous parlerons lors du chapitre suivant, le protocole appliqué a été le même que lors des passages, à la seule différence près que la suspension cellulaire issue d’une flasque n’a pas été répartie entre plusieurs nouvelles flasques mais intégralement transférée dans un tube Falcon avant centrifugation et lavage par du tampon phosphate salin froid (Phosphate Buffered Saline, PBS). Après élimination du surnageant, les culots secs obtenus ont été conservés au congélateur à -80°C jusqu’à utilisation.

II.2

Extraction des histones

L’extraction des histones à partir de cellules ou de tissus repose principalement sur leur caractère basique et donc sur leur solubilité en milieu acide. Les méthodes couramment employées, comme celle décrite par Shechter et al.219 en 2007, utilisent donc un acide dilué (acide sulfurique H2SO4 ou acide chlorhydrique HCl)

pour extraire les histones. La quasi totalité de ces méthodes réalise en premier lieu une lyse des membranes cytoplasmiques afin de purifier les noyaux. L’extraction par un acide dilué se fait alors directement sur les noyaux. Cependant, même si la plupart des protéines nucléaires et des acides nucléiques précipitent dans ces conditions220, il peut subsister après extraction quelques protéines autres que les histones sous forme soluble dans le surnageant de précipitation. Ces contaminants dont les propriétés physico-chimiques sont très proches de celles des histones seront difficiles à éliminer et pourront compliquer davantage l’analyse des histones par la suite. Il est en effet fondamental d’obtenir un extrait d’histones aussi pur que possible pour éviter toute ambiguïté d’identification.

Pour cela, nous avons testé plusieurs conditions et apporté quelques modifications au protocole classique de Shechter. Tout d’abord, nous avons ajouté une étape de lyse des noyaux par un tampon contenant un détergent non ionique (NP-40) afin d’extraire les histones non plus à partir des noyaux intacts mais à partir de la chromatine isolée, dans le but de réduire au maximum la présence de contaminants protéiques. Nous avons également ajouté quelques étapes de lavage au cours du protocole, et allongé le temps d’incubation avec l’acide sulfurique le faisant passer de 30 minutes à 4 heures. Pour ce qui est de la composition des

tampons, nous avons veillé à utiliser des inhibiteurs de protéases et de phosphatases ainsi que le butyrate de sodium en tant qu’inhibiteur HDAC pour éviter que les enzymes libérées lors de la lyse cellulaire n’agissent pendant toute la durée de l’extraction.

L’extraction acide ayant été décrite comme pouvant altérer certaines modifications post-traductionnelles labiles221,222, une autre technique plus conservatrice a été proposée par von Holt et al.223. Cette technique repose sur l’utilisation de tampons salins qui garantit le maintien d’un pH neutre tout au long de l’extraction et préserve ainsi certaines modifications. L’extraction saline permet également d’extraire différentiellement les histones H2A et H2B des histones H3 et H4 en jouant sur la concentration en chlorure de sodium NaCl. Nous avons testé cette extraction afin de comparer la quantité et la pureté des extraits finaux par rapport à l’extraction acide. Cependant, les quantités d’histones obtenues étant plus faibles et le protocole étant plus lourd à mettre en place, nous avons privilégié l’extraction acide.

L’étape suivant l’extraction consiste à faire précipiter les histones en milieu acide. Pour cela, l’acide trichloroacétique (TCA) est un acide extrêmement efficace pour faire précipiter les protéines et il est utilisé de manière universelle. Etrangement, son mécanisme d’action reste peu connu, même si l’agrégation hydrophobe semble être l’hypothèse la plus probable224. La précipitation au TCA peut cependant être à l’origine de la formation d’un précipité insoluble qui peut contenir des histones. Nous avons donc également testé plusieurs conditions pour la précipitation au TCA en faisant varier sa concentration finale ou en ajoutant de l’acétone.

Enfin nous avons ajouté plusieurs étapes de lavage à l’acétone afin de se débarrasser des acides qui pourraient gêner l’analyse par spectrométrie de masse.

Nous avons donc comparé plusieurs protocoles différents afin de trouver celui qui permettait d’obtenir le plus facilement possible la plus grande quantité d’histones avec le moins d’impuretés. Nous avons utilisé comme matériel de départ des culots de cellules BeWo non traitées (environ 5 millions de cellules par culot). Le dosage des extraits protéiques totaux permet de se faire une première idée du rendement d’extraction. Pour cela nous avons utilisé la méthode de Bradford225 qui

repose sur la mesure des absorbances à 595 nm en présence d’un réactif colorimétrique, le bleu de Coomassie, qui se complexifie avec les protéines via les acides aminés basiques et aromatiques et change de couleur. Plus l’absorbance est élevée, plus la solution est concentrée en protéines. En comparant une extraction saline avec précipitation au TCA 33% (A), une extraction saline avec une précipitation au TCA 20% (B), une extraction saline avec une précipitation au TCA 10%/acétone 80% (C) et une extraction acide classique par H2SO4 0,4 N suivie d’une

précipitation au TCA 33% (D), nous avons noté que les quantités obtenues étaient significativement différentes (tableau 9).

Tableau 9 : concentrations moyennes (deux réplicats) en protéines des extraits obtenus par différents protocoles d’extraction. (A) extraction saline et précipitation TCA 33%, (B) extraction saline et précipitation TCA 20%, (C) extraction saline et précipitation TCA 10%/acétone 80% et (D) extraction acide H2SO4 0,4 N et

précipitation TCA 33%.

Condition A B C D

Quantité de

protéines (µg) 30 26 6 38

Ensuite, les profils électrophorétiques des histones en mélange extraites à partir des différents protocoles ont été obtenus en SDS-PAGE 15% (figure 52). Les gels d’électrophorèse SDS-PAGE 15% ont été coulés selon le protocole détaillé en partie expérimentale. Le bleu de Coomassie colloïdal été utilisé pour effectuer la révélation des bandes.

Figure 52 : SDS-PAGE 15% de 4 extraits protéiques obtenus selon les protocoles décrits dans la publication de Shechter avec les modifications citées. Le gel a été étalonné à l’aide de marqueurs de masse moléculaire. A) extraction saline et précipitation TCA 33%, (B) extraction saline et précipitation TCA 20%, (C) extraction saline et précipitation TCA 10%/acétone 80% et (D) extraction acide H2SO4 0,4 N et précipitation TCA 33%.

D’après la figure 52 et le tableau 9, la comparaison des échantillons A et D permet de dire que l’extraction la plus efficace semble être l’extraction acide. La quantité de protéines extraites y est plus importante, et l’extrait ne semble pas contenir d’impuretés majeures. De plus, le protocole est plus simple à réaliser et plus robuste. Concernant la précipitation, le meilleur compromis entre l’efficacité de la précipitation et l’absence de précipité insoluble a été obtenu en utilisant une concentration finale en TCA de 25% plutôt que 33%.

Au final, nous avons choisi de retenir l’extraction acide malgré le risque de perdre certaines modifications, notamment les phosphorylations pour certains variants. Le protocole d’extraction acide de départ a donc été amélioré afin de se débarrasser au maximum des impuretés au fil des étapes. Il est détaillé en partie expérimentale.