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La clarification des compétences, entendue au sens large du terme, devrait déterminer

des champs d’intervention de l’Etat et des collectivités. L’objectif d’une clarification est

double. D’une part, elle est imposée par la nécessité d’éviter ou du moins de limiter

l’empiètement de l’Etat au niveau local. D’un autre côté, la clarification a également

pour objectif l’obligation de mettre fin au chevauchement des compétences des

différentes collectivités qui génère des inégalités entre les citoyens et encourage les

369DRAGO G. (1994) « Le principe de subsidiarité comme principe de droit constitutionnel», Revue Internationale de Droit Comparé. N°2-1994, Volume 46, pp. 583-592 (p. 584).

370 Articles 77 et 91 de la loi 113-14 371 Articles 78 et 90 de la loi 112-14. 372 Articles 80 et 95 de la loi 111-14.

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concurrences entre les collectivités territoriales. Ce qui peut porter atteinte à leur

action dont la finalité demeure, avant tout, la satisfaction de l’intérêt public local. Ce

dernier étant justifié par l’existence des affaires locales sur lesquelles repose « la clause

générale de compétences ». Celle-ci donne vocation aux collectivités territoriales à agir

dans tous les domaines présentant un intérêt local. Cependant, elle ne permet pas de

connaître à l’avance les compétences exclusives des collectivités territoriales. C’est la

raison pour laquelle la clause générale de compétence est souvent désignée comme

coupable de l’enchevêtrement des compétences même si elle n’en est pas la seule

responsable

373

. Malgré une certaine souplesse de cette célèbre modalité de droit positif,

« la clause générale des compétences » fait l’objet de certaines critiques et polémiques.

En France par exemple, la loi du 16 décembre 2010 a pris le parti d’approfondir le

système des blocs de compétences retenu en 1983 tout en optant pour une

spécialisation des compétences des collectivités et en apportant un aménagement à la

« compétence générale »

374

. La « clause générale de compétences » ne permet pas de

connaître à l’avance les compétences des collectivités et repose sur les « affaires de la

collectivité » dont les contours ne sont que ceux de l’intérêt public local. La notion

d’affaires locales demeure une notion impossible à définir de manière claire dans la

mesure où l’intérêt public local évolue dans l’espace et dans le temps et dépend de la

taille de la collectivité

375

. En outre, Jacques BAGUENARD

376

explique que cette

difficulté de définir les affaires locales est liée d’une part à l’imprécision de ce concept

du point de vue juridique. D’autre part, la notion d’affaires locales est entachée d’une

certaine ambigüité sur le plan politique dans la mesure où l’intérêt local qui la

sous-tend pourrait se définir comme étant « une tranche localisée de l’intérêt général ».

L’intervention de l’Etat central reste inévitable et trouve sa justification dans sa

mission d’intérêt public local dont la délimitation purement géographique est rendue

difficile par la superposition territoriale des collectivités. Face à ces relations verticales,

l’intervention des collectivités locales laisse apparaître des conflits horizontaux des

compétences impliquant les différents échelons décentralisés et les établissements

373 LEFEVRE A., Rapport d’information du Sénat n°283, du 2 février 2011 (page 13).

374Il faut préciser qu’il ne s’agit pas d’une suppression totale de la clause générale des compétences. Certes elle est maintenue pour les communes, mais pour les départements et les régions la loi, précise les grands domaines dans lesquels le conseil général (art. L 3211-1) et le conseil régional (art. L4221-1) ont compétence pour intervenir.

375 VERPEAUX M. ET JANICOT L. (2015) (Opt. Cit.) (p. 341).

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déconcentrés de l’Etat. D’un point de vue historique selon Jacques BAGUENARD « la

dénaturation de l’intérêt local a entrainé la liquéfaction des affaires locales et provoqué

l’enchevêtrement incohérent de compétences, source d’irresponsabilité et élément de

renforcement de la centralisation »

377

. Pour cerner cette notion d’intérêt public local,

Jacques FERSTENBERT et al

378

. évoquent un certain nombre de conditions. Au-delà

de la subordination des délibérations des conseils élus à l’existence et à l’identification

d’un intérêt public local contrairement à l’intérêt privé, la compétence générale des

collectivités territoriales est soumise à trois exigences. Premièrement, il leur est

interdit, sous peine d’illégalité, d’empiéter sur les compétences de l’Etat ni sur les

attributions dévolues aux autres collectivités ni sur les compétences des établissements

publics. Deuxièmement, l’intervention des collectivités doit viser la satisfaction des

besoins des populations de la collectivité concernée pour justifier l’intérêt public local.

Enfin, cette intervention doit satisfaire à une exigence de neutralité. Face à

l’insuffisance de la clause générale de compétence qui donne vocation à toute

collectivité locale, qu’elle qu’en soit la catégorie, d’intervenir dans toutes les affaires

locales, le législateur français a opté pour le principe de blocs de compétences comme

instrument de clarification et de spécialisation des compétences locales

379

. A défaut de

délimiter les compétences des collectivités, la possibilité d’extension des champs

d’intervention amène souvent les collectivités à agir conjointement. Ce qui génère des

gaspillages énormes de moyens humains et financiers

380

. C’est exactement ce qui se

passe au Maroc. Dans un rapport récent, le Conseil Economique, Social et

Environnemental (CESE) a fait le constat suivant : «Aujourd’hui, les attributions et

compétences exercées par les trois niveaux de décentralisation (régionale, provinciale et

communale) se ressemblent et se chevauchent, au point de se confondre. Il en résulte

un gaspillage d’efforts et de ressources affectées à des domaines d’intervention

similaires, mais également une dilution des responsabilités avec, pour le

377Idem (p. 35).

378FERSTENBERT J., PRIET F., QUILICHINI P. « Droit des collectivités territoriales » Editions DALLOZ, 2009. (p. 455).

379Avant les lois de décentralisation de 1982, plusieurs rapports se sont prononcés en faveur de « blocs de compétences ». Il s’agit du rapport de la commission de développement des responsabilités locales (p.41) ; rapport d’enquête Décentraliser les responsabilités. Pourquoi ? Comment ? (p.4).

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électeur, l’impossibilité de distinguer les performances des uns et des autres»

381

. Les

principaux facteurs sont liés au recours abusif à la compétence générale par les

communes et l’incapacité de l’Etat à préciser la vocation des conseils préfectoraux et

provinciaux « ballottée entre la région et la commune»

382

ainsi que le manque de

précision dans la définition des compétences des collectivités locales notamment en

matière de développement économique. Face à cette situation, il est désormais

impératif de mettre en place de nouvelles règles du jeu en vue de rationaliser les

interventions des différents partenaires au niveau local. Dans cette direction, la

nouvelle constitution de 2011 a fait un pas en avant en instaurant de nouveaux

principes de transfert de compétences. Faut-il alors supprimer, définitivement ou

partiellement, « la clause générale de compétence » pour résoudre le problème de

l’enchevêtrement ? En France, celle-ci a été supprimée d’une manière partielle. La

compétence propre est conservée pour les communes. Ayant opté pour une

spécialisation des compétences des départements et des régions

383

, le législateur a

considéré qu’il était pratiquement impossible et non souhaitable de supprimer toute

liberté d’action pour les départements et les régions

384

. Pour le cas du Maroc, les

nouvelles réformes sont également allées dans la même direction

2- Vers une spécialisation des collectivités territoriales

Que ce soit en France ou au Maroc, le législateur a eu recours depuis longtemps à ces