Au Maroc, la collectivité communale est depuis toujours au centre de la
décentralisation comme nous l’avions déjà évoqué plus haut. La commune joue un rôle
important dans la mesure où elle assure le rapprochement de l’administration des
administrés et constitue un élément important de l’administration territoriale. Ses
401GUICHARD O. « Vivre ensemble », rapport de la commission de développement des collectivités locales, septembre 1966. (page 19). (Opt cit.)
402MARCOU G. (2015) « Où va le système français d’administration territoriale ? La réforme de trop ? » Dans NEMERY J-C (ss dir.) «Quelle organisation pour les grandes régions en France et en Europe ? » L’Harmattan, pp. 25-32, (p. 31).
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compétences propres nécessitent un éclaircissement afin d’en évaluer le degré
d’effectivité ainsi que la capacité et les modalités de leur exercice. Alexis de
Tocqueville disait « Otez la force et l’indépendance de la commune, vous n’y trouverez
que des administrés, point de citoyens »
403. C’est la proximité de ses administrés qui
fait de la commune le lieu idéal pour la réglementation locale comme élément essentiel
de la décentralisation. Pour Jean-François LACHAUME
404, « une décentralisation sans
réglementation locale risquerait fort de ressembler à de la déconcentration ». La
proximité des administrés, selon Jean Pierre RAFFARIN
405, permet à l’Etat de se
recentrer sur ses missions fondamentales et de traiter la complexité locale à travers la
prise des décisions près du terrain. Il est vrai que la commune au Maroc a été toujours
considérée comme la cellule de base de la décentralisation. Son statut de collectivité de
proximité est maintenu pour ne pas dire renforcé par la nouvelle réforme. Celle-ci
continue à distinguer les compétences communales entre celles qui relèvent du
domaine de la réglementation et ce qui relève de son rôle de prestataire de services
publics locaux. La place des organes de la commune est confirmée par la nouvelle
réforme. Ainsi, les conseils communaux sont appelés à régler les affaires relevant de
leurs domaines de compétences par leurs délibérations
406dont l’exécution relève des
attributions des organes exécutifs, en l’occurrence les présidents des conseils
communaux
407. Ainsi, « la commune est chargée, à l’intérieur de son ressort territorial,
des missions de prestation des services de proximité aux citoyennes et citoyens »
408.
Hormis la planification de développement à travers la mise en place des plans d’action
des communes (PAC) et la coopération internationale, ce qui n’est pas nouveau pour les
communes, les compétences propres
409aux communes comportent deux volets
essentiels. D’une part la création et la gestion des services et équipements publics de
403Cité par Patrick Martinat « Les régions clefs de la décentralisation », Opt. Cit. (Avant propos). 404 LACHAUME J.-F. (1997) « La commune », L.G.D.J (p. 25).
405 J. P. RAFFARIN (rapport d’information du SENAT n° 679 « Contribution à un bilan de la décentralisation » par Edmond HERVE, 28/06/2011. (page 71).
406 Article n°92 de la loi 113-14. 407 Article n°94 de la loi 113-14. 408 Article n°77 de la loi 113-14.
409Il est important de souligner que les nouveaux textes concernant les compétences locales, quelle que soit la catégorie de collectivités (communes, préfecture et provinces ou régions) on assiste à la disparition de la notion de compétences consultatives. La nouvelle réforme évoque trois types de compétences : propres, partagées et transférées. Ces dernières tiennent compte des principes de progressivité et de différenciation entre les collectivités d’une même catégorie et peuvent être, à termes, transformées en compétences propres.
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proximité
410et, d’autre part l’urbanisme et l’aménagement du territoire
411. Dans ce
cadre la commune, à son initiative, peut également, par voie contractuelle avec l’Etat et
par ses propres moyens, financer ou participer au financement de la réalisation d’un
service ou d’un équipement ou à la prestation d’un service public même si celui-ci ne
fait pas partie des ses compétences propres si ce financement contribue à la réalisation
de ses objectifs
412. Cette possibilité qui est d’ailleurs reconnue dans les mêmes termes
pour les préfectures et provinces
413et pour les régions
414nous ramène à la notion de
compétences partagées entre la commune et l’Etat. Celles-ci sont globalement centrées
sur le domaine économique local et ce à travers trois volets essentiels : le
développement de l’économie locale et la promotion de l’emploi ; la préservation des
spécificités du patrimoine culturel local et son développement ; l’action en faveur de la
promotion des investissements privés en matière de réalisation des infrastructures et
équipements, participation à la mise en place de zones d’activités économiques et
l’amélioration des conditions de travail des entreprises
415. L’essentiel des actions
416,
auxquelles la commune peut contribuer pour promouvoir son développement local,
visent une complémentarité entre l’action des collectivités supérieures à savoir les
préfectures et provinces, d’une part et, les régions d’autre part. Il s’agit d’une possibilité
de complémentarité avec les échelons supérieurs pour la commune, puisque le texte
417utilise le terme « peut » et le terme « contribuer », dans des domaines qui font l’objet de
partage de compétences avec l’Etat, à savoir le développement économique, pour
l’ensemble des collectivités
418. Cette complémentarité, qui est censée être encouragée
par la suppression de la clause générale pour l’ensemble des collectivités, ne veut pas
dire que les enchevêtrements de compétences en matière d’action locale sont
définitivement écartés. C’est d’ailleurs, un grand défi pour la mise en œuvre des
compétences régionales en matière de développement puisque le maintien des
compétences partagées, pour les régions et aussi pour les préfectures et provinces,
410 Idem, article n°83. 411 Idem, article n°85. 412 Idem, article n°89. 413 Article 88 de la loi 112-14. 414 Article 93 de la loi 111-14. 415 Article 87 de la loi 113-14.416Idem, Le présent article énumère 19 actions ou domaines de contribution. 417Idem.
418Voir l’article n°86 de la loi 112-14 pour les préfectures et provinces et l’article n°91 de la loi 111-14 pour les régions.
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laisse le champ libre à des interventions multiples comme nous le verrons par la suite.
En matière de compétences transférées par l’Etat aux communes, deux grands
domaines sont visés
419. Il s’agit dans un premier lieu de la protection et la restauration
des monuments historiques, du patrimoine culturel et la préservation des sites
naturels. Ce sont ces domaines de l’environnement, de la culture et du tourisme qui
font également l’essentiel des compétences partagées entre l’Etat et les conseils
régionaux
420mais pas uniquement puisque les compétences transférées aux régions
421évoquent les mêmes domaines dans des termes assez larges (infrastructures et
équipements à dimensions régionales, la culture, l’eau et l’environnement). Il s’agit
bien de zones de possibilités d’interventions multiples (Etat, Région et Commune). Ce
qui nécessite une certaine complémentarité entre les deux collectivités. Par contre, une
insuffisance de clarification est bien visible quand on aborde les compétences
transférées aux préfectures et provinces. Elles sont recentrées sur le développement
social et la réalisation et l’entretien des petits et moyens ouvrages hydrauliques
422. Ce
dernier domaine est exactement celui qui est transféré aux communes même si pour les
préfectures et provinces on y a ajouté « notamment en milieu rural ». Ce qui est
d’ailleurs paradoxal puisque la quasi-totalité de ces ouvrages existent au milieu rural.
Ce paradoxe est d’autant plus ressenti si on admet que les textes concernant les deux
catégories de collectivités évoquent la progressivité et la différenciation comme principe
de base des compétences transférées. Lesquelles sont susceptibles d’être transformées
en compétences propres pour l’ensemble des collectivités. Il est vrai que le législateur
insiste également sur le principe de subsidiarité. Ce principe, comme nous l’avions
évoqué plus haut, vise la responsabilisation des échelons inférieurs. Malgré la
consécration par la loi suprême de ce dispositif si important, sa mise en œuvre, dans un
contexte comme celui du Maroc, reste encore difficile. La perception des élus locaux et
des dirigeants des différentes collectivités territoriales et leur capacité à mettre en
œuvre ces principes jouent un rôle crucial pour la mise en œuvre des compétences
locales en général. Le CESE dans son rapport sur la régionalisation, comme nous le
verrons pour les compétences régionales, n’a pas manqué de soulever l’ambition des uns
419 Article 90 de la loi 113-14.
420 Article 91de la loi 111-14 (paragraphes d, e, et f). 421 Article 94 de la loi 111-14.