décentralisées. En effet, la consécration de l’existence des collectivités locales remonte à
1962 avec la première Constitution du Maroc indépendant. Depuis 2011, la notion de
décentralisation est renouvelée par la nouvelle Constitution
211. Celle-ci place
désormais, et pour la première fois, la décentralisation parmi les valeurs fondatrices du
Royaume. L’alinéa 4 du premier article de la Constitution stipule que « L’organisation
territoriale du Royaume est décentralisée ». Il s’agit d’un saut qualitatif, accompli
récemment en France, soit trente ans après les lois de décentralisation de 1982, lors de
la révision constitutionnelle du 17 mars 2003. Affirmer que l’organisation du Royaume
est décentralisée est d’une grande importance. Au-delà de la réponse apportée aux
différents souhaits de diversité, il s’agit d’une reconnaissance qui offre à la
décentralisation une place symbolique du fait de son classement parmi les principes
fondamentaux de l’Etat. Il s'agit aussi d’affirmer que le Royaume est un Etat unitaire
et non un Etat fédéral ou autonomique. Au Maroc, les liens entre le caractère
211Dahir n° 1-11-91 29juillet 2011 portant promulgation du texte de la Constitution. (Bulletin Officiel , n°5964 bis du 30 juillet 2011).
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décentralisé et l’unité de l’Etat sont indissociables. D’ailleurs, l’un des dix grands axes
qui ont guidé la nouvelle réforme de la Constitution, comme l’a annoncé le Roi
Mohamed VI, consiste en « la consécration constitutionnelle du Maroc uni des Régions,
un Maroc fondé sur une décentralisation élargie, vouée à la démocratie et dédiée au
développement humain, durable et intégré, dans le cadre de l'unité de l'Etat et de la
nation, de l'intégrité territoriale et dans le respect des principes d'équilibre et de
solidarité nationale et régionale »
212. C’est le cas pour tous les Etats dits unitaires.
Michel VERPEAUX l’a souligné également concernant l’affirmation du caractère
décentralisé de la France
213. Cet apport constitutionnel est surtout synonyme de
protection de la décentralisation
214. Ainsi, pour Pierre SADRAN, l’introduction dans le
texte constitutionnel du vocable fort et héroïque de « République décentralisée »,
inventé par Jean-Pierre RAFFARIN, a mis en avant une rupture radicale dans le
processus de décentralisation. Et d’ajouter que la constitutionnalisation d’une telle
formulation « vise à s’opposer à d’éventuelles tentatives de recentralisation, ou du
moins de cantonnement trop étroit de la libre administration des collectivités
territoriales dans les limites fixées par les gardiens du temple républicain »
215. Outre le
caractère décentralisé du Royaume, la nouvelle Constitution a également consacré le
choix de la régionalisation avancée comme fondement de l’organisation territoriale au
Maroc. Avant d’être inscrite dans la Constitution, il est important de souligner que la
régionalisation avancée est l’un des éléments qui ont déclenché la révision
constitutionnelle de 2011. L’annonce de celle-ci intervient au lendemain de la remise du
rapport de la commission consultative sur la régionalisation avancée
216(CCR). La
régionalisation aurait pu être instaurée moyennant une loi comme c’est le cas en
France avec les lois de la décentralisation depuis le début des années 1980
217. Mais les
autorités suprêmes ont en décidé autrement. Le Roi Mohamed VI, dans son discours du
212 Discours royal du 17 juin 2011 à l’occasion de l’annonce des réformes constitutionnelles.
213 VERPEAUX M. « Droit des collectivités territoriales », 2005, 1ère édition. Presses Universitaires de France.
214BAGUENARD J. (2004) « La décentralisation » Que sais-je ? 7° édition. (Opt. Cit.)
215SADRAN P. (2015) « La république territoriale : Une singularité française en question », La documentation Française (page 37).
216 La CCR est nommée le 3 janvier 2010. Elle est constituée de différentes personnalités de divers horizons. Elle avait pour mission de faire des propositions sur la réforme territoriale. Elle a remis son rapport la veille du discours royal du 9 mars 2011 dans lequel le Roi Mohamed VI a annoncé la révision de la constitution. Le rapport est consultable sur le site suivant : www.regionalisationavancee.ma. 217 L’introduction de la régionalisation dans la Constitution française date de la révision de 2003.
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9 mars 2011, à l’occasion du lancement de la réforme constitutionnelle, a évoqué la
proposition de la CCR qui consiste en la possibilité d’instaurer la régionalisation
avancée au moyen d’une loi dans le cadre institutionnel actuel, en attendant que
mûrissent les conditions de sa constitutionnalisation. Au vu des progrès réalisés en
matière de démocratie, le Roi Mohamed VI estime que « le Maroc, est apte à entamer la
consécration constitutionnelle de la régionalisation avancée ». Désormais, le caractère
décentralisé de l’organisation territoriale du Royaume est indissociable de la
régionalisation avancée comme le stipule l’article premier de la Constitution dans son
alinéa 4 « L’organisation territoriale du Royaume est décentralisée. Elle est fondée sur
une régionalisation avancée ». C’est ainsi que la nouvelle Constitution met en avant la
collectivité régionale
218. Désormais, la région est au cœur du processus de
décentralisation. Comme nous le verrons par la suite, des dispositifs très importants
en faveur de la région sont également mis en avant. La constitutionnalisation du
suffrage universel direct comme mode de scrutin pour élire les conseillers régionaux est
d’une importance capitale pour l’émancipation de la démocratie locale (Article 135
alinéa 3). En dehors de cette mesure, la révision concertée du découpage régional et la
réduction du nombre des régions est de nature à renforcer l’échelon régional. Certes, la
région occupe désormais une place importante dans les nouveaux dispositifs
constitutionnels mais aussi juridiques à travers la nouvelle loi organique. Mais, il ne
faut pas oublier qu’une décentralisation et une régionalisation réussies supposent
également un renforcement des autres collectivités. La nouvelle Constitution, relayée
par les lois organiques, comporte un certain nombre de dispositifs en faveur des
collectivités locales quelque soit leur catégorie. Plusieurs principes fondamentaux sont
dorénavant reconnus en faveur des collectivités décentralisées en vue de leur
émancipation. Le renforcement et l’encadrement des compétences, la libre
administration et l’interdiction de la tutelle d’une collectivité sur une autre ainsi que
l'introduction du contrôle des collectivités territoriales par le juge administratif
constituent, entre autres, des éléments très importants pouvant renforcer l'autonomie
locale. Nous reviendrons tout au long de ce travail de recherche sur ces nouveaux
218Les articles du Titre IX font tous ressortir ce nouveau poids de l’échelon régional par rapport aux échelons provincial et communal. La région est évoquée séparément de la commune et de la province dans la quasi-totalité des articles. Elle est désignée par son nom «La région » alors que la commune et la province sont évoquées par l’expression « autres collectivités territoriales ».