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1.4 Modélisation épidémiologique et génétique des maladies infectieuses

1.4.4 La modélisation épidémiologique et génétique

Il est devenu particulièrement intéressant d’étudier comment la modélisation épidémiolo- gique et la génétique peuvent être combinées pour permettre aux sélectionneurs d’étudier l’im- pact de la sélection génétique. Bien que ce soit une riche aire d’innovation avec une utilité pratique majeure et un enjeu économique important, étonnamment peu d’auteurs ont abordé cette approche.

Il faut d’abord s’interroger sur quel caractère de l’hôte est vraisemblablement sous le contrôle génétique ? Dans le cadre des modèles épidémiologiques, on peut jouer sur plusieurs coefficients : taux de sensibilité, infectiosité, rétablissement. Dans le cadre de la modélisation explicite de l’in- fection dans l’hôte, il faut décrire mathématiquement une réponse immunitaire souvent com- plexe. La seconde interrogation est de savoir quel est l’architecture génétique de ce caractère. Il peut être principalement sous le contrôle d’un seul gène/locus ou bien, comme dans la ma- jorité des cas, contrôlé par différents gênes chacun ayant un petit effet. Dans les deux cas, la modélisation sera différente, respectivement modèle de gêne majeur et modèle polygénique.

1.4.4.1 Ajout de la génétique dans les modèles épidémiologiques déterministes, i.e modèle de gêne majeur

On se place ici dans le cas où les différences génétiques des capacités de résistance de l’hôte sont contrôlées par un gène majeur (de manière dominante). On va ainsi avoir deux génotypes

S+ (porté par les allèles Aa ou AA) et S− (porté par l’allèle aa) avec respectivement une haute

et faible sensibilité et de même pour les génotypes I+et I−. La Figure 1.7 représente le nouveau

modèle SIR. S+ I+ R S− I− F+S+ F−S− γ+I+ γ−I− β+− β−+ β−− β++

Figure 1.7 – Modèle SIR (Sensible-Infecté-Rétabli) avec un effet génétique (gène majeur) permettant d’avoir deux génotypes S+ et S− avec respectivement une haute et faible sensibilité et d’avoir les gé-

notypes I+ et I− avec les mêmes sensibilités. Les forces de transmission F+ et F− sont respectivement

définies par (β++I++ β+−I−)/N et (β−+I++ β−−I−)/N .

Au lieu d’avoir un paramètre de transmission β, on va maintenant avoir une matrice :

β++ β+−

β−+ β−−

!

où βij est le taux infectieux de l’individu j sur l’individu i. C’est la matrice WAIFW (cf partie 4.2.4.).

Le taux de reproduction de base R0 va être défini et calculé différemment pour les modèles avec une population hétérogène ([79, 129]).

Il est possible d’ajouter plus de classes discrètes en prenant en compte plus de sources d’hétérogénéité (taux de rétablissement) ou en implémentant la sensibilité et l’infectiosité sous différents gènes ([13]). Cependant, cela amène de la complexité dans l’analyse (calcul de R0 et de l’équilibre). Une application majeure de la modélisation épidémiologique et génétique a été celle étudiant la tremblante chez le mouton. Le modèle de Stringer et al. ([288]) est un des plus complets à prendre en compte explicitement le génotype de l’hôte pour la résistance. Dans ce modèle, des allèles spécifiques avec une transmission mendélienne sont définis pour désigner des génotypes résistants et sensibles, reflétant l’association du génotype PrP avec la résistance à la tremblante. Ce modèle prédit ainsi des épidémies sur plusieurs décennies qui, sans interventions, meurent avec une sélection naturelle de génotypes résistants. Par la suite, Woolhouse et al. ([328]) ont repris ce modèle pour comparer les dynamiques de sélection pour la résistance à la tremblante avec d’autres stratégies de contrôle, démontrant ainsi le pouvoir des approches de modélisation.

1.4.4.2 Ajout de la génétique dans les modèles épidémiologiques stochastiques, i.e. modèle polygénique

Ici, l’hétérogénéité des capacités de résistance des hôtes est continue et donc polygénique, comme c’est le plus souvent le cas pour les maladies infectieuses. La modélisation va être dif- férente de celle présentée dans le paragraphe précédent et va passer par une modélisation sto- chastique. Il y a plusieurs manières d’ajouter de la stochasticité dans un modèle.

(i) Ajouter des termes stochastiques dans un modèle déterministe pour simuler du bruit aléatoire (modèle SIR avec équations différentielles et stochastiques) mais ce n’est pas approprié pour ajouter de la variabilité génétique et uniquement conseillé pour de large taille de population.

(ii) Modèles pseudo stochastiques : on garde la modélisation déterministe mais avec des para- mètres (paramètre d’infection/ de rétablissement) simulés selon une distribution supposée. (iii) Approches basées sur les événements : le processus épidémique est une série d’événements aléatoires (infection ou rétablissement) dans l’espace et dans le temps, avec une probabilité définie pour chaque évènement spécifique par les paramètres du modèle (β et γ). Il suffit enfin de générer des nombres aléatoires pour définir le moment auquel le prochain événe- ment survient et quel type d’événement sera le prochain (algorithme direct de Gillespie [109]). C’est l’approche la plus puissante et la plus flexible.

Mackenzie and Bishop, qui avaient utilisé la méthodologie basée sur des événements aléa- toires pour réaliser une modélisation stochastique de la transmission de la gastroentérite dans un élevage porcin ([192]) ont également testé d’ajouter de l’hétérogénéité sous le contrôle génétique afin d’étudier l’impact de la sélection génétique pour la résistance aux maladies infectieuses

([193]). L’implémentation de la génétique consiste simplement à supposer une amélioration gé- nétique dans le calcul du nouveau paramètre de transmission :

βannée k+1 = βannée k+ ∆Gβinitial

Ce type de modélisation (iii) peut être facilement adapté à des modèles stochastiques centrés sur l’individu, en ajoutant de la variabilité génétique : modèle épidémiologique et génétique de la maladie du piétin chez les ovins de Doesch-Wilson et al. ([83]).

1.4.4.3 Ajout de la génétique dans les modèles à l’intérieur de l’hôte

Le premier auteur à tester l’influence d’une résistance génétique est Barger (1989) en utilisant les modèles développés par Barnes and Dobson (Barnes et al. 1988, Dobson 1989, Dobson et al. 1987) sur l’infection de nématodes gastro-intestinales chez les ovins. Il démontre qu’une supposée résistance génétique de la population (en diminuant un paramètre seuil du modèle) régule en effet l’épidémiologie de la maladie.

Cependant, en général, la résistance aux maladies ne peut pas être représentée par un simple niveau de paramètre et implique des mécanismes plus complexes (modèle polygénique). Comme présenté dans la partie précédente (partie 1.4.4.2, (ii)) les modèles épidémiologiques et géné- tiques sont souvent des modèles composites : à partir de la modélisation déterministe d’une interaction hôte-pathogènes, on ajoute de la stochasticité en implémentant de la variabilité dans des paramètres sous le contrôle génétique. Une importante application de cette méthodo- logie est faite pour les nématodes gastro intestinaux chez les ovins avec les travaux de Vagenas et al. ([299]) et Doeschl-Wilson et al. ([84]) qui utilisent le modèle de Vagenas et al. ([297, 298]) pour explorer l’impact de la sélection génétique. Plus récemment, De Cisneros et al. ([243]) ont développé un modèle immunologique explicite de la dynamique de l’infection des nématodes dans un troupeau d’ovins auquel ils ajoutent de la variation génétique entre les hôtes par le bais des deux paramètres clés de la réponse immunitaire.