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2.3 La démarche envisagée

3.1.1 La matrice sol-gel

Nous avons déjà mentionné dans la partie 1.2.2 que les matériaux sol-gel sont générale-ment obtenus à partir de la polymérisation d'alkoxydes métalliques. Ceux-ci sont employés car ils réagissent aisément avec l'eau. Dans ce travail, nous n'utiliserons que des alkoxydes de silicium, soit tétrafonctionnels (Si(OR)4), soit trifonctionnels (R'Si(OR)4 où R' est un groupement organique non-hydrolysable). On distingue trois étapes dans l'élaboration d'un matériau sol-gel massif: la gélication, la synérèse et le séchage. Pour l'élaboration de couches minces, le découplage entre ces trois étapes n'est plus évident, c'est pourquoi nous aborderons ce cas séparément, dans le paragraphe nal.

La gélication

Au départ, on prépare une solution homogène contenant les alkoxydes de Si, l'eau et un cosolvant (il s'agit souvent d'un alcool). Ce dernier est nécessaire car les alkoxydes de sili-cium ne sont pas miscibles à l'eau. La gélication sera produite par les réactions chimiques suivantes: (le symbole≡désigne les liaisons de Si avec ses trois autres substituants)

L'hydrolyse

≡Si-OR+H2O −−−−−−−−→ ≡Si-OH+ROH La condensation avec formation d'eau

≡Si-OH+HO-Si≡ −−−−−−−−→ ≡Si-O-Si≡+H2O avec formation d'alcool

≡Si-OR+HO-Si≡ −−−−−−−−→ ≡Si-O-Si≡+ROH

Ces réactions conduisent à la polymérisation d'un réseau silicate constitué de ponts si-loxanes: Si-O-Si. La structure de ce réseau est principalement déterminée par le rapport entre la vitesse d'hydrolyse et celle de condensation. Elle est essentiellement inuencée par les paramètres suivants:

Le pH: il est connu que les réactions sol-gel peuvent avoir lieu soit en catalyse acide soit en catalyse basique. Une catalyse basique mène à la formation de particules de silice qui se repoussent du fait de leur charge de surface, ce qui empêche l'obtention d'un polymère homogène. Cependant, un procédé en deux étapes souvent utilisé consiste à ajouter une base, après avoir mené la première partie de la polymérisation sous catalyse acide, pour favoriser les réactions de condensation et obtenir un gel plus dense et plus réticulé. Nous utiliserons une catalyse acide (pH≤2) pour obtenir une gélication polymérique homogène. Dans ce cas, la vitesse d'hydrolyse est très lente: l'hydrolyse est donc l'étape limitante pour la polymérisation. Cela favorise la formation de polymères linéaires.

La proportion d'eau: elle est directement liée à la cinétique des réactions d'hydrolyse. En eet, plus on ajoute de l'eau, plus l'hydrolyse sera rapide et avancée par rapport à la condensation. Ainsi, ce paramètre nous permet d'ajuster le degré de ramication et de réticulation du polymère nal. Nous avons déni le paramètre h appelé taux d'hydrolyse pour rendre compte de la proportion d'eau: ([-OR] est la concentration de fonctions hydrolysables)

h= [H2O] [-OR]

Théoriquement, si l'hydrolyse et la condensation avec formation d'eau étaient des réactions totales, une valeur deh=0,5 surait pour compléter tout le processus. En réalité, ces réactions sont très partielles. En catalyse acide, si h≤ 1, on obtient des polymères linéaires faiblement réticulés. Si h>4, on obtient un réseau très réticulé ou encore un gel colloïdal.

Le solvant: si on utilise un alcool comme solvant, on favorise la réaction inverse de l'hydrolyse: la trans-estérication. Il apparaît également que cette réaction devient d'autant plus importante que la quantité d'eau diminue, c'est-à-dire pendant le sé-chage. Nous avons déni un paramètrespour représenter la quantité de solvant: ([Si] désigne la concentration molaire en alkoxydes de Si)

s= [solvant] [Si]

Lorsque saugmente, le temps de gélication et de séchage s'allongent. Dans le cas de nos matériaux, le solvant sert également à dissoudre la phase organique. Ainsi, une densité importante en phase organique ne pourra être atteinte qu'à condition d'impliquer une quantité susante de solvant. Dans le cas des couches minces, on ajoute une plus forte proportion de solvant pour atteindre des temps de gélication plus longs. Typiquement:

Xérogels massifs s=1

Couches minces 5≤s≤ 10-12

La nature des alkoxydes: la nature des groupements substitués inue sur les réactions d'hydrolyse et de condensation par des eets soit inductifs, soit stériques. En ce qui concerne les groupements alkoxy -OR, l'eet le plus important provient du facteur d'encombrement stérique de R. Plus il est encombrant, plus l'hydrolyse sera lente. Si on remplace un alcoxy par une fonction alkyl R' non-hydrolysable, la vitesse d'hy-drolyse augmente en raison d'un eet inductif électrodonneur produit par la fonction alkyl qui favorise l'attaque de (-OR) par les ions H+. De plus, l'encombrement sté-rique de ces fonctions non-hydrolysables jouent sur la condensation qui est plus lente pour des groupements R' encombrants [89]. Si on utilise un mélange de précurseurs, il est important de prendre en compte leurs diérences de réactivité.

Le point de gélication correspond au moment où la polymérisation entre les molécules de précurseur est susamment avancée pour que le sol devienne un gel, c'est-à-dire une structure solide, ouverte, imprégnée par la solution (dans les pores du réseau silicate), de la taille du récipient de réaction. La gélication se caractérise par une viscosité tendant vers l'inni. Le module d'élasticité du gel formé est nul au point de gélication puis augmente rapidement avec le temps du fait de la poursuite des réactions de condensation. Ces eets sont illustrés sur la gure 3.1. An d'obtenir des couches minces, on doit généralement attendre que la solution ait atteint une viscosité adéquate (avant le point de gélication) pour la déposer.

La synérèse

Durant la gélication, on constate un accroissement de volume dû à la production d'eau et d'alcool par les réactions de condensation. Dans une seconde étape, de nouvelles liaisons se forment entre des chaînes siloxanes voisines. Cela conduit à la contraction du gel qui caractérise l'étape de synérèse. Elle s'accompagne d'une réduction de la taille des pores, conduisant à un gel plus dense et à l'expulsion de l'eau et de l'alcool contenus dans les pores, et d'une augmentation de la rigidité mécanique du gel.

Le séchage

Le séchage est l'étape nale qui consiste à évaporer la phase liquide encore présente dans les pores. Durant le séchage, les gels ont une forte tendance à se ssurer. L'origine de ce

Point de gélification

Temps de réaction

viscosité η module d’élasticité G

SOL GEL

log(

η

,G)

Fig. 3.1 Évolution schématique de la viscosité et du module d'élasticité lors de la transi-tion sol-gel

problème est attribuée aux forces capillaires exercées par la phase liquide dont le caractère non-uniforme induit des contraintes dans le volume du gel. La ssuration est d'autant plus probable que l'épaisseur de l'échantillon est importante et la vitesse d'évaporation rapide. Dans le massif, des séchages longs (plusieurs semaines) et des solvants peu volatils sont utilisés pour éviter la ssuration. Dans les couches minces, leur faible épaisseur rend ce problème moins critique, mais, en revanche, l'évaporation du solvant est bien plus rapide. Dans les travaux sur les guides planaires en SiO2-TiO2 [52], le problème de ssuration limitait l'épaisseur d'une couche à 0,2 µm et des dépôts successifs devaient être réalisés pour obtenir des guides d'onde susamment épais. L'introduction de fonctions organiques permet de résoudre ce problème en réduisant notamment la porosité du matériau et en augmentant sont élasticité. Nous n'avons jamais rencontré de problème de ssuration, grâce à l'utilisation de précurseurs comportant des groupements organiques et du dopage avec des molécules de colorant.

Dépôt des couches minces

Le procédé sol-gel se prête bien à la réalisation de couches minces, pour les applications dans la microélectronique ou l'optique intégrée. Les principales méthodes de dépôt de couches sol-gel sont le "dip-coating" (immersion dans la solution de précurseurs puis tirage), le "spin-coating" (à la tournette), l'électrophorèse et la thermophorèse [45]. Dans notre travail, le dépôt par centrifugation à la tournette ("spin-coating") a été utilisé, les temps de dépôt très courts qu'autorise cette méthode conviennent particulièrement à l'obtention de nanocristaux de taille homogène, comme nous le verrons au paragraphe 3.1.2.

Le procédé de spin-coating peut être divisé en plusieurs parties illustrées sur la gure 3.2 [90]. On dépose tout d'abord le sol sur le substrat. Puis, le sol s'écoule vers l'extérieur sous l'action des forces centrifuges. Enn, le liquide en excès quitte le bord du substrat et on obtient une couche d'épaisseur uniforme qui s'amincit progressivement.

L'évapora-tion du solvant réduit encore l'épaisseur de cette couche. En réalité, l'évaporaL'évapora-tion a lieu

1 2

3 4

Fig. 3.2 Schéma des diérentes étapes du dépôt à la tournette

pendant toutes les étapes précédentes, ce qui représente une diculté importante pour la modélisation du procédé de spin-coating. En eet, l'évaporation augmente la viscosité et réduit la diusion du solvant à travers le lm [91].

On suppose en général que les solutions de dépôt sont des liquides Newtoniens dont la viscosité ne dépend pas des contraintes de cisaillement. Dans les premiers modèles [92], il a été supposé qu'il n'y avait aucune évaporation durant la rotation. Le lm tend alors vers une épaisseur à la n de la phase 3(avant évaporation du solvant) entièrement déterminée par l'équilibre entre les forces centrifuges qui repoussent le liquide vers l'extérieur et les forces visqueuses opposées et s'exprime simplement en fonction de la viscosité (η), de la densité du liquide (ρ), de la vitesse angulaire (ω), de la durée de la rotation (t) et de l'épaisseur initiale (e0):

e= p e0

1 + 4ρω2e20t/3η

Puis, Meyerhofer [93] a pris en compte un taux d'évaporation constant durant tout le processus et une concentration de solvant uniforme à travers l'épaisseur de la couche. Enn, Bornside [91] propose un modèle plus complet où le taux d'évaporation peut varier et où la concentration du solvant en fonction de la profondeur dans le lm (avec ses conséquences sur la viscosité et la diusion du solvant) est prise en compte. Des simulations lui ont permis de mettre en évidence que l'amincissement du lm est gouverné par le courant de

convection durant les premières secondes de rotation (il suit alors le premier modèle). Puis lorsque l'épaisseur diminue, les eets de l'écoulement convectif sont réduits (convection∝

(épaisseur)3) et l'évaporation du solvant devient le phénomène dominant. Cette évaporation provoque une augmentation de viscosité qui arrête tout phénomène d'écoulement. De plus, il a montré l'apparition d'une zone à l'interface avec l'air où la concentration de solvant devient très faible. Il se forme donc une "peau" solide à la surface qui peut éventuellement se craqueler en présence d'écoulement. Une solution à ce problème consiste à saturer le gaz au-dessus de la couche avec le solvant. De cette façon, la concentration de solvant varie peu entre la surface et l'intérieur de la couche. De plus, sous atmosphère saturée, il est possible d'avoir un meilleur contrôle de l'épaisseur du lm en fonction du temps de rotation, car on peut découpler les phénomènes d'évaporation et d'étalement du liquide. Pour ces raisons, nous avons utilisé un dispositif permettant de réaliser les dépôts en milieu conné.

Les études expérimentales sur les dépôts sol-gel ont montré, dans le cas d'oxydes purs, que l'épaisseur des lms obtenus augmente avec la concentration en précurseurs, le temps de vieillissement de la solution avant dépôt, une vitesse de rotation plus lente et un taux d'hydrolyse plus faible [94]. De plus, il apparaît que la densité des lms obtenus augmente avec la vitesse de rotation. En eet, lorsque la rotation est rapide, la vitesse d'évaporation augmente vis-à-vis des réactions de condensation, ce qui favorise la formation de chaînes linéaires plus exibles. Cela conduirait ainsi à une réduction de la porosité. Dans le cas où la solution contient des polymères linéaires au moment du dépôt, on peut observer un alignement des chaînes parallèlement à la direction des forces de cisaillement (de l'axe de rotation vers l'extérieur).