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1. LA GÉNÉRATION DES DONNÉES

1.1. La méthode analytique

La stratégie analytique employée dans le cadre de cette thèse a été précédemment développée au sein de l’unité Toxalim de l’INRA de Toulouse, en partenariat avec le Groupe de Recherches Appliquées en Phytotechnologies du Commissariat à l’Énergie Atomique et aux énergies alternatives (CEA) de Cadarache. Elle repose sur un double marquage du métabolome secondaire du champignon étudié et sur son analyse par des méthodes de métabolomique non ciblée (Figure 13). Cette méthode a été validée par l’analyse du modèle A. fumigatus dont le métabolome secondaire est l’un des mieux référencés1.

Figure 13. Stratégie analytique mise en œuvre pour l’analyse des métabolomes secondaires fongiques par double marquage isotopique et spectrométrie de masse haute résolution.

1.1.2. La métabolomique non ciblée

La métabolomique est une discipline dédiée à l’analyse de l’ensemble des métabolites présents dans un milieu biologique (le métabolome) et dont la masse moléculaire est généralement inférieure à 1 500 Da. L’analyse des métabolites peut être effectuée de manière ciblée ou non ciblée. Dans le premier cas, les analyses sont dirigées spécifiquement vers un certain nombre de molécules connues, en vue de leur dosage par exemple. Par opposition, la métabolomique non ciblée est l’étude de l’ensemble des composés d’un échantillon biologique sans a priori. Pour la recherche de nouveaux métabolites secondaires fongiques, l’une des techniques de métabolomique non ciblée consiste en l’analyse de l’empreinte métabolique d’un extrait, obtenue par spectrométrie de masse couplée à la chromatographie. Le spectre de masse résultant est alors composé de signaux représentant toutes les molécules ionisées dans les conditions de l’analyse. Selon les techniques utilisées (solvant d’extraction, type de chromatographie, type d’ionisation…), le type de molécules détectées pourra être différent. Dans le cadre de cette thèse, une méthode couplant la chromatographie liquide haute performance (HPLC) et la spectrométrie de masse haute résolution (HRMS) avec une ionisation de type électrospray a été utilisée. En raison de la complexité des empreintes obtenues, l’analyse des données métabolomiques est généralement assistée par des logiciels tels que XCMS© et MZmine©. Ces derniers réalisent notamment l’étape d’extraction des pics qui consiste à sélectionner les signaux issus de molécules et à soustraire le bruit de fond. Néanmoins, de telles analyses ne permettent pas de différencier les métabolites des contaminants générés lors du traitement des échantillons. Afin de surpasser cette limite, la méthode utilisée dans le cadre de cette thèse s’appuie sur l’utilisation d’un marquage isotopique.

1.1.3. Marquage isotopique du métabolome secondaire fongique L’unique source de carbone et d’azote d’un

champignon provient de son substrat. La mise en contact d’une moisissure avec des atomes de carbone et d’azote marqués par des isotopes stables permet alors de marquer le champignon et donc ses métabolites secondaires. Selon la spécificité de l’unité marquée, la gamme de métabolites marqués est plus ou moins large. Ainsi, l’incubation de moisissures avec des acides aminés marqués ou tout autre précurseur spécifique permet de distinguer certaines familles de composés au sein du métabolome secondaire (Figure 14, gauche). À plus large échelle, le marquage de précurseur non spécifique, source de carbone et d’azote, permet de marquer la totalité des molécules produites par le champignon. Ce type de marquages non spécifiques permet alors de distinguer l’ensemble des molécules fongiques parmi les contaminants formés lors des

différentes étapes de l’analyse (Figure 14, droite). Figure 14. Cibles d’un marquage isotopique selon le degré de spécificité du précurseur marqué.

En vue de l’analyse globale des métabolomes fongiques, la méthode utilisée dans le contexte de cette thèse est fondée sur un marquage non spécifique des métabolites secondaires. Cette stratégie permet de distinguer les molécules du champignon et fournit des informations quant à la composition chimique de chacune d‘elles. En effet, la comparaison de la masse d’un métabolite marqué au carbone 13 avec celle de ce même métabolite non marqué permet de connaître la quantité de carbone qu’il contient. Cette information permet de préciser la formule chimique de ce composé parmi les multiples possibilités en accord avec sa masse exacte. Bien que le calcul du nombre d'atomes de carbone puisse être suffisant pour déterminer la formule chimique des petits métabolites secondaires (<400 Da), plusieurs possibilités peuvent subsister, même avec une haute précision de mesure de masse (<5 ppm). Pour cette raison, un second marquage isotopique (à l’azote 15) est intégré dans la méthode développée au sein du laboratoire. Ainsi, en plus du nombre d’atomes de carbone, la connaissance de la composition en azote permet de déterminer de manière non ambiguë la formule chimique de tous les métabolites secondaires fongiques.

Le métabolome secondaire des champignons permet à ces organismes d’adapter leur croissance en fonction de leur environnement. Le principe appelé OSMAC (One Strain MAny Compounds – une souche, de nombreux composés) explique pourquoi tout infime changement du milieu de croissance d’une moisissure peut entraîner une modification importante de son métabolome secondaire. Il est donc crucial d’étudier les moisissures dans leur milieu naturel, en particulier dans le cadre d’analyses visant à comprendre leurs mécanismes d’infestation des denrées alimentaires. Pour ces raisons, la méthode utilisée pour l’analyse de P. verrucosum et de F. graminearum consiste en la croissance de ces champignons sur grains de blé. Trois blés différemment marqués ont donc été générés grâce à leur croissance dans des chambres hermétiques (photo Figure 13) alimentées avec du CO2 marqué ou non avec des atomes de carbone 13 et avec des nutriments (NO3- et NH4+) marqués ou non avec des atomes d’azote 15 : (i) un blé naturel (contenant 99% d’isotopes 12C), (ii) un « blé 13C » (contenant 97% d’isotopes 13C) et (iii) un « blé 13C15N » (contenant 97% d’isotopes 15N et 53% d’isotopes 13C). Les grains de blé récoltés ont ensuite été utilisés comme unique source d'atomes de carbone et d'azote par la moisissure. Pour chaque souche étudiée, trois cultures ont été réalisées en parallèle sur chacun des types de grains. Le marquage par isotopes stables n’affectant pas les processus de biotransformation, trois métabolomes secondaires composés des mêmes métabolites secondaires mais différemment marqués ont été obtenus au terme de ces expérimentations. Un échantillon contrôle constitué de blé non infesté a été disposé dans les mêmes conditions que les trois cultures pour permettre de différencier les métabolites du blé et des métabolites fongiques au sein des composés marqués (Figure 13).

1.1.4. Analyse des métabolomes par HPLC-HRMS

Lors d’une analyse métabolomique non ciblée, le type de molécules détectées dépend des techniques d’extraction et de détection employées. Aucune méthode universelle ne permettant l’observation simultanée de l’ensemble des molécules présentes dans un échantillon biologique, le choix de ces techniques est donc orienté en fonction des classes de composés étudiés. Dans cette étude, les paramètres analytiques ont été choisis de manière à pouvoir détecter le maximum de métabolites secondaires d’une part, et à pouvoir comparer les données obtenues avec celles de la littérature d’autre part. Dans cette section, les paramètres d’extraction, de séparation chromatographique et d’analyse par spectrométrie de masse sont justifiés (pour plus de détails, voir Article 2).

Après culture des champignons sur grains de blé, les métabolites secondaires synthétisés par le micro-organisme ont été extraits à l’acétate d’éthyle pendant 72 heures. Ce solvant est peu toxique et présente une polarité moyenne lui permettant d’extraire un large spectre de composés. Sa volatilité importante facilite les processus d’évaporation de solvant qui suivent l’étape d’extraction. Les métabolites secondaires fongiques ainsi extraits de chacune des cultures ont ensuite été repris dans du méthanol. Il est généralement préférable de suspendre les molécules à analyser par chromatographie liquide dans les conditions initiales de solvants. Dans le cadre de cette thèse, des problèmes de solubilisation de certains composés dans un mélange eau/acétonitrile (80%/20%) ou dans l’acétonitrile pur ont été rencontrés, justifiant ainsi l’emploi de méthanol.

L’analyse métabolomique des composés fongiques a été effectuée par HPLC-HRMS. La séparation chromatographique a été réalisée par chromatographie liquide en phase inverse grâce à une colonne C18. Un gradient de 0,1% d’acide formique dans l’eau (solvant A) et de 100% d’acétonitrile (solvant B) a permis une bonne séparation des métabolites secondaires. La détection des composés a été réalisée par spectrométrie de masse haute résolution à l’aide d’un LTQ Orbitrap XL. Puisqu’elle permet une ionisation douce de la plupart des métabolites secondaires, une source électrospray à température ambiante a été choisie. Deux injections, l’une en mode positif (ESI+) et l’autre en mode négatif (ESI-), ont été réalisées séparément afin de permettre la détection d’un maximum de composés. La détection des ions a été réalisée en haute résolution dans l’Orbitrap (Figure 15).

Figure 15. Schéma d’un spectromètre de masse LTQ-Orbitrap. Source : Thermo Scientific.

1.2. Analyse des données

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